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Crédit immobilier

Des zones d'ombre

Taux variables non capés, crédit relais et intermédiaires peu scrupuleux : si le marché tricolore du crédit immobilier est moins explosif que son homologue américain, il recèle tout de même quelques dangers. Auxquelles des particuliers sont indubitablement exposés.

C'est un message diffusé en boucle depuis des mois par nos banques, le ministère de l'Économie et des Finances et la Banque de France : les établissements français sont sains, leur exposition à la tempête financière actuelle est limitée et il n'y a pas de « subprimes » chez nous ! Ces subprimes, à l'origine de la crise américaine, sont des crédits immobiliers consentis à des ménages surendettés, aujourd'hui dans l'incapacité de rembourser, ce qui plonge Wall Street dans la pire tourmente depuis celle de 1929, avec des répercussions dans le monde entier. Les banques françaises elles-mêmes ne peuvent aujourd'hui chiffrer leur exposition aux crédits à risque américains. Ils leur ont coûté 18 milliards d'euros depuis août 2007, c'est la seule certitude.

Les professionnels unanimes assurent par ailleurs qu'il s'agit seulement d'une « contagion », et qu'il n'y a pas véritablement de « subprimes à la française ». Même en leur accordant le bénéfice du doute, on peut tout de même relever quelques zones d'ombre dans le marché national du crédit immobilier.

Des prêts capés finalement non capés

Comme l'UFC-Que Choisir l'a déjà relevé, de nombreuses banques françaises ont accordé ces deux dernières années à des particuliers des prêts à taux variables non capés, c'est-à-dire non limités à la hausse (l'UFC a une procédure en cours à ce sujet contre le Crédit foncier et le Crédit social des fonctionnaires). Ces prêts, qui ont été présentés à tort comme capés, ont considérablement grimpé depuis un an et plongent des milliers d'emprunteurs dans une situation délicate.

Deuxième source d'interrogation, les prêts-relais. Ces derniers sont contractés par des propriétaires qui achètent un bien avant d'avoir revendu leur logement. Coûteux (près de 7 % avec les frais de dossier et les assurances), ces prêts sont prévus pour durer quelques mois seulement. Le problème est que le marché immobilier s'est complètement retourné depuis le début de l'année. Le délai de vente moyen atteignaient déjà trois mois à la mi-2008 et il a grimpé depuis, piégeant là encore des milliers d'acquéreurs.

Défiscalisateurs

Troisième zone d'ombre, les dossiers de crédit préparés par des intermédiaires. Les banques françaises ont des procédures d'examen des dossiers stricts, c'est vrai. Mais il est vrai également que ces dernières années, des agences ont débloqué des emprunts immobiliers très conséquents à des particuliers sans les voir et sans même les prendre au téléphone. Tout s'est joué entre les banques et des promoteurs ou des « défiscalisateurs », spécialisés dans le Robien, le Demessine ou la location en meublé professionnel. Or, les témoignages parvenus à l'UFC-Que Choisir montrent que ces intermédiaires n'ont pas toujours été très rigoureux, loin de là. Certains ont gonflé les revenus des particuliers pour être sûrs d'obtenir le feu vert des banques. D'autres ont fait souscrire à leurs clients plusieurs prêts auprès de plusieurs établissements, en cachant bien entendu la manipulation à ces dernières. Il s'agissait de vendre le maximum de biens immobiliers à des investisseurs plus enthousiastes qu'éclairés, sans s'encombrer de scrupules sur leurs capacités réelles d'endettement.

Commissions confortables

Certains particuliers ont malheureusement avalisé ces méthodes et contresigné ce qu'il faut bien appeler des faux, persuadés de réaliser de bonnes affaires. Ils n'ont pas toujours compris que le commercial dynamique qui avait de si bonnes relations avec les banques touchait en réalité de confortables commissions sur chacun des prêts débloqués, ce qui ne l'incitait guère à la prudence. Certains « défiscalisateurs » auront toutefois du mal à s'abriter derrière la responsabilité de leurs clients malheureux. L'activité d'intermédiaire bancaire est en principe réglementée et fixée par un mandat écrit (article L.519-2 du code monétaire et financier). Cet impératif ne semble pas avoir toujours été respecté.

Impossible d'affirmer que les intermédiations litigieuses concernent des dizaines de milliers de dossiers. Impossible également de considérer le problème comme marginal. On peut seulement constater que personne ne connaît son ampleur réelle. Et dans le contexte actuel, ce n'est guère rassurant.

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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