Elsa Casalegno
Emballage plastique, le retour…
Le Conseil d’État a retoqué l’une des mesures symboliques de la loi antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) de 2020, celle de l’interdiction de l’emballage plastique des fruits et légumes. Cette mesure était en vigueur depuis le 1er janvier 2022. Un nouveau projet de décret est en consultation.
Voir sur les étals des pommes, des bananes ou des kiwis dans un emballage plastique vous semblait aberrant ? Leur interdiction vous paraissait une mesure de bon sens ? Malheureusement, les industriels du plastique ne partagent pas cet avis, et ils ont obtenu gain de cause devant le Conseil d’État.
En application de la loi antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) de 2020, l’emballage plastique des fruits et légumes était banni depuis le 1er janvier 2022 pour une partie des fruits et légumes, les produits les plus fragiles et les lots de plus de 1,5 kg bénéficiant de dérogations provisoires pour une entrée en vigueur progressive d’ici au 30 juin 2026. Mais le ver était dans le fruit… « Malgré une large concertation au sein du Conseil national de l’alimentation (CNA), un contentieux a été ouvert par certains acteurs », regrette le ministère de l’Agriculture dans un communiqué.
Une interdiction progressive « illégale »
Ces « acteurs » sont les représentants de l’industrie du plastique, à savoir les syndicats Plastalliance, Polyvia et Elipso, mais aussi une grande partie de la filière de production des fruits et légumes, la FNPF et Légumes de France (sections spécialisées du syndicat agricole majoritaire FNSEA), l’interprofession des fruits et légumes, Felcoop, GefeL, Anefel et CSIF, ainsi que le syndicat agricole Coordination rurale. Ils avaient d’ailleurs manifesté leur désaccord lors des discussions au sein du CNA. Ils ont donc déposé trois requêtes en annulation du décret « pour excès de pouvoir » auprès du Conseil d’État.
Et ce dernier a tranché. Il a annulé le décret le 9 décembre, jugeant la mesure « illégale » pour des motifs juridiques. En effet, dans sa rédaction, la loi Agec n’envisage pas la possibilité d’instaurer une trajectoire progressive de l’interdiction des emballages en plastique. De plus, la liste d’exemptions pour les fruits et légumes fragiles est censée être une liste définitive, et non pour une application progressive de la mesure d’interdiction.
Une liste d’exemptions « trop longue »
Cette décision est a priori une victoire pour les opposants à cette mesure. Mais elle pourrait se retourner contre eux. En effet, le Conseil d’État souligne également que la liste d’exemptions est trop longue, et inclut à tort des fruits et légumes « ne présentant pas de risque de détérioration lors de leur vente en vrac » (ils ont été inclus à la liste au motif qu’il n’existait pas encore de conditionnement alternatif).
Espérons qu’il ne s’agit que d’un aléa réglementaire. « Un nouveau décret sera republié au plus vite pour maintenir l’interdiction d'emballage plastique de fruits et légumes du quotidien pouvant être vendus en vrac sans enjeu de fragilité, avait réagi le ministère dès le rendu du jugement. Le nouveau décret prévoira également des exemptions pour les produits les plus fragiles comme le précise la loi. » Le projet est d’ores et déjà en consultation, jusqu’au 12 janvier (1). S’il était signé tel quel, il s’agirait finalement d’une défaite pour les plaignants.
En effet, la liste d’exemptions serait restreinte aux produits suivants :
- la mâche, les jeunes pousses, les herbes aromatiques, les fleurs comestibles, les pousses de haricot mungo ;
- les graines germées ;
- les fruits mûrs à point ;
- les canneberges, les airelles, les physalis, et les myrtilles, les framboises, les fraises, les mûres, les groseilles, la surelle et la groseille pays, les cassis et les kiwaïs ;
- les endives ;
- les champignons ;
- les petites carottes ;
- les épinards et l’oseille.
Ce sont donc une quinzaine de fruits et légumes qui ont été retirés de la mouture initiale : les tomates, les oignons, navets, carottes et pommes de terre primeurs, les choux de Bruxelles, haricots verts, raisins, pêches, nectarines et abricots, les asperges et brocolis, ainsi que la salade et les cerises. Ces produits bénéficieraient d’une tolérance pour l’année 2023, afin d’écouler les stocks d’emballages.
Aussi un enjeu européen
ONG environnementales et associations de consommateurs, parmi lesquelles l’UFC-Que Choisir, restent néanmoins circonspectes. Elles ont donc lancé une lettre ouverte « pour interpeller l’industrie du plastique et les pouvoirs publics » (2). Lors d’une conférence de presse le 14 décembre, les associations Zéro Waste France et Surfrider rappelaient qu’un nouveau règlement européen sur la gestion des emballages est en cours de discussion à la Commission européenne. Pour espérer un texte ambitieux, la France ne doit pas fléchir d’ici là.