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Fruits et légumes importés

Un beau panier de dilemmes

Un nouveau décret va rendre obligatoire un affichage plus lisible de la provenance des fruits et légumes, afin de favoriser une consommation responsable et de soutenir les producteurs français. Si les objectifs sont simples, la réalité ne l'est pas du tout.

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Pas de CV anonyme pour les fruits et légumes. Le secrétaire d'État au commerce et à la consommation, Hervé Novelli, vient d'annoncer la publication d'un décret garantissant un meilleur affichage de l'origine des produits sur les étiquettes, afin de répondre « au besoin d'information des consommateurs dans un contexte sensible pour les producteurs ».

L'innovation est en réalité très relative. L'affichage de la provenance, déjà obligatoire, devra désormais se faire « en caractères d'une taille égale à celle de l'indication du prix ». L'objectif implicite est d'orienter le consommateur vers les productions nationales, au nom de l'emploi et du développement durable.

Il peut en effet sembler choquant d'acheter du raisin ayant voyagé sur plus de 12 000 km. En la matière, il faut toutefois se méfier des idées simples. Premier constat, rappelé par Jean-Marie Caudron, chercheur à l'Institut national de la recherche agronomique de Montpellier : « le fret maritime émet très peu de CO2 à la tonne transportée ». Dresser le bilan carbone d'un produit est extrêmement complexe, et il n'est pas certain que celui des pommes des plaines côtières du Chili soit spécialement désastreux (1).

Deuxième constat, le marché des fruits et légumes est très internationalisé. « Un peu plus de 50 % de la consommation française est importé », poursuit Jean-Marie Caudron. Ce chiffre est assez stable sur la durée et il est permis de douter qu'un nouvel affichage le fasse évoluer. La France, du reste, exporte elle aussi beaucoup (pommes, raisin, tomates, etc.), notamment vers l'Europe du nord.

Crises terribles

Troisième constat, l'import-export de fruits et légumes est tout sauf une jungle. En fait, peu de secteurs sont aussi réglementés, sur le plan sanitaire et commercial. Ainsi, les exportations de tomates marocaines sont contingentées pour préserver les intérêts de la filière européenne. Il est vrai que les fruiticulteurs français ont traversé ces dernières années des crises terribles, mais elles doivent autant, si ce n'est davantage, à la concurrence interne à l'Union européenne qu'à celles des pays d'Afrique ou d'Amérique du Sud.

Dernier paradoxe, et non des moindres : le concept de développement durable et la prospérité économique des pays du Sud sont, en la matière, antagonistes. Les haricots verts du Kenya ou du Burkina Faso vendus en France voyagent probablement plus que de raison, mais ils font partie, malgré tout, des rares filières structurées de l'économie de ces pays.

Bref, ce décret reporte sur les consommateurs des dilemmes que les pouvoirs publics sont bien en peine de trancher. À défaut de mesures protectionnistes officielles, l'acheteur est appelé à acheter français. En gros caractères.

1. Le transport aérien, en revanche, est un véritable gouffre en carburant. Compter 17 l/km pour un avion de ligne, soit 150 t de kérosène par traversée de l'Atlantique. Avec un bémol toutefois : 50 % du fret aérien voyage en soute sur des vols de transports de passagers, qui auraient lieu même sans marchandise.

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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