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Magazine 150 euros 

Peu d’infos, beaucoup de prospectus

Derrière le pseudo-titre de presse 150 euros qui annonce défendre le pouvoir d’achat, se trouve une société spécialisée dans la distribution de prospectus papier qui cherche à sauver son activité. Explications.

Il se présente comme le « magazine du pouvoir d’achat », un média que chacun peut recevoir chez lui chaque semaine, par e-mail ou dans sa boîte aux lettres, et qui permet à ceux qui le lisent d’économiser jusqu’à 150 € par mois. Pour le recevoir, il suffit de s’abonner sur Internet ou par téléphone. En plus, il est totalement gratuit.

En seulement 1 mois et demi, 150 euros aurait réussi à convaincre 2,7 millions de Français. Pourtant, ce n’est pas lui faire offense de dire que ses 8 pages d’articles, de conseils, d’interviews sans fond et de jeux n’apportent pas grand-chose au lecteur. En fait, l’unique intérêt de 150 euros réside dans le fait qu’il est livré avec une large sélection de catalogues de promotions émanant des distributeurs présents autour de chez soi (Carrefour, Auchan, Aldi, E. Leclerc et d’autres).

Derrière, un distributeur de prospectus

Diffuser des prospectus est même sa seule raison d’être. Car derrière ce titre se cache Milee, une société employant pas moins de 13 000 salariés dont la mission est de déposer des catalogues dans les boîtes aux lettres des Français. Or, depuis quelque temps, cette activité est menacée. « Pour des raisons environnementales ou à cause de la hausse de 25 % du prix du papier, les distributeurs ont tendance à limiter la distribution de catalogues, explique Éric Paumier, le patron de Milee et fondateur de 150 euros. E. Leclerc a même annoncé son intention de les supprimer totalement en septembre. »

Le « magazine » est livré avec de nombreux prospectus similaires à ceux déposés dans les boîtes aux lettres.

Ils pourraient même tous disparaître d’ici quelques années du fait de la mise en place d’un nouveau dispositif baptisé Oui Pub. Celui-ci n’autoriserait plus la distribution de prospectus que dans les boîtes aux lettres arborant un autocollant spécifique. Conformément à la loi Climat et résilience de 2021, l’Agence de maîtrise de l’énergie (Ademe) est en train de tester Oui Pub dans 15 collectivités mais, selon Éric Paumier, nul doute qu’il finisse par être généralisé.

Objectif avancé : limiter la distribution de prospectus non souhaités et réduire ainsi la quantité de catalogues jetés sans même avoir été ouverts. « Les premiers retours montrent qu’environ 30 % des habitants appliquent l’autocollant sur leur boîte aux lettres afin d’être destinataire de publicité, ce qui n’est pas négligeable. Mais ce taux est très variable en fonction des communes et surtout, il nous oblige à remettre à jour régulièrement nos listes d’adressage, ce qui est très compliqué et coûteux. Quand Oui Pub sera mis en place, la distribution des prospectus en boîte aux lettres ne sera plus viable économiquement », prédit Éric Paumier.

Le dispositif Oui Pub est en cours d’expérimentation.

Liberté de la presse

L’objectif de 150 euros est donc clairement de protéger l’activité de Milee. Grâce au système d’abonnement, la société disposera désormais automatiquement d’une liste de destinataires intéressés par recevoir les prospectus. Pratique. Quant au fait de lancer un magazine plutôt qu’un autre pli, il permet à Milee de se protéger : « Au nom de la liberté de la presse, personne ne pourra nous interdire de distribuer notre magazine, même s’il est accompagné de prospectus. » Malin.

Reste à savoir si cette stratégie suffira à sauver Milee. Certes, les prospectus restent pour bon nombre de consommateurs un moyen de comparer les prix et d’être tenus au courant des bons plans. Pour autant, Que Choisir ne cesse d’alerter sur le fait que beaucoup de promotions figurant dans ces catalogues publicitaires sont artificielles voire carrément mensongères. Quant aux 150 € d’économies mensuelles annoncées, elles sont loin d’être assurées. Mais surtout, Milee devra faire face au souhait des enseignes de la grande distribution de développer leurs propres applications de bons plans. Un moyen pour elles, selon Éric Paumier, de faire des économies, mais surtout de dissuader leurs clients de comparer leurs offres avec celles de leurs concurrents.

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