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MaPrimeRénov’

Obtenir les aides peut virer au cauchemar

Un détail sur le RIB, une demande de consentement en numéro masqué ou qui tombe en spam, un contrôleur des travaux qui ne se présente pas à un rendez-vous… En un rien de temps, une demande d’aide MaPrimeRénov’ peut se transformer en parcours du combattant. Même si l’Agence nationale de l’habitat (Anah) avait donné son accord pour les travaux.

« Dossier refusé car sur notre RIB il y a deux noms... J'EN AI MARRE !!!!!!!!! », poste Justine Hanson le 26 janvier dernier. Sur « Ma Prime Rénov’ : le parcours du combattant », ce message est presque un classique. Ce groupe Facebook, lancé en septembre 2020, réunit 18 000 membres. Pour la grande majorité, ils ont ce point commun de s’être lancés dans la rénovation énergétique de leur logement et d’avoir compté sur MaPrimeRénov’, la principale aide financière en la matière. Mais leurs démarches ont viré au cauchemar. Alors même que, dans bien des cas, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) avait donné son feu vert pour lancer les travaux.

Gare aux RIB

Ainsi Justine Hanson bataille-t-elle depuis de longs mois avec l’Anah. Fin 2022, cette Iséroise projette de changer la chaudière au fioul de sa maison par une à bois. Typiquement une opération qu’encourage l’État. L’Anah ne mettra d’ailleurs pas longtemps à répondre à la demande en lui assurant une aide MaPrimeRénov’ de 6 000 €. « C’était en décembre 2022, on nous promettait un paiement en 35 jours une fois la facture transmise », relate la mère de famille qui explique avoir alors fait l’avance des frais en contractant un prêt à taux zéro. Mais depuis qu’elle a expédié à l’Anah la facture des artisans, elle n’a plus de nouvelles à part pour se faire entendre, « souvent sèchement », que son dossier est en cours d’instruction. « Il aura fallu que j’écrive à mon député, début janvier, pour débloquer la situation. Une semaine plus tard, l’Anah me répondait que le problème serait lié à mon RIB. Sur celui-ci apparaît d’abord mon nom puis celui de mon mari, quand notre dossier de demande d’aide a été ouvert avec son mail. Lunaire… », peste-t-elle. Mais pas un cas isolé. Son témoignage en suscitera d’autres, similaires. Ce problème de RIB non conforme est « un des cas sensibles et qui revient souvent », confirme Riad Ziour, de la direction de la distribution des aides de l’Anah. « Nous gérons de l’argent public et distribuons plusieurs milliers d’euros d’aides par dossier, si bien que nous sommes soumis à un cadre réglementaire très strict pour lutter contre les fraudes, indique-t-il. Ça implique effectivement que le RIB porte exactement les mêmes nom et prénom que le dossier du demandeur. »

La demande de consentement, principal point de blocage ?

Reste à savoir pourquoi Justine Hanson a dû attendre plus d’un an avant de savoir ce qui empêchait le versement des aides promises. « Je ne connais pas le dossier dans le détail, mais effectivement ce n’est pas normal », s’étonne Riad Ziour. Il y a d’autres failles dans l’instruction des dossiers qui peuvent plonger une demande d’aide dans les limbes. L’avocate Joyce Pitcher coordonne une action collective en cours contre l’Anah pour des délais de versement exceptionnellement longs et des retraits de primes injustifiés. À ce jour, son cabinet a réuni plus de 1 000 dossiers. « Dans 80 % des cas, les problèmes sont liés à la demande de consentement qu’envoie l’Anah avant de verser les aides », constate-t-elle. C’est une vérification qu’ajoute en effet l’agence pour les particuliers qui passent par un mandataire. Ces entreprises font l’avance des frais aux particuliers afin que les travaux puissent être engagés et se remboursent en touchant à leur place les aides MaPrimeRénov’. « Là encore, l’enjeu est d’éviter les fraudes en s’assurant que le particulier est bien à l’origine du mandat et que les travaux correspondent bien à ceux souhaités », justifie Riad Ziour.

Problème, l’Anah contacte ces particuliers en numéro masqué. « Or, on est aujourd’hui harcelés par ce type d’appels et l’Anah ne cesse de rappeler qu’elle ne fait jamais de démarchage téléphonique, souligne Julien Aroun, directeur général de Drapo, l’un de ces mandataires. Résultat : bien souvent, ils ne décrochent pas. L’Anah leur envoie un mail mais qui atterrit la plupart du temps directement dans les spams. Et lorsque les délais de réponse sont dépassés, la prime est retirée et le mandataire n’est jamais prévenu de ce qui bloque. » Quant à ceux qui répondent au coup de fil masqué, ils ont parfois l’impression d’avoir été pris à brûle-pourpoint. C’est le sentiment de Romain Libérale, un Audois passé par un mandataire pour l’installation de son chauffe-eau solaire. « J’étais en voiture lors de l’appel, les questions de l’Anah étaient techniques, je me suis trompé sur le statut du mandataire, raconte-t-il. Peu de temps après, j’ai reçu un courrier de l’Anah me précisant que les aides MaPrimeRénov’ m’étaient retirées. Le mandataire, qui m’avait fait l’avance, me réclame plus de 4 000 €. J’ai dû prendre un avocat. C’est beaucoup de tracas et je sais ne pas être le seul dans ce cas. »

Un nombre important de dossiers en souffrance ?

« L’idée n’est pas de piéger les particuliers en faisant en sorte qu’ils n’obtiennent pas les aides, assure Riad Ziour. Simplement, quand on est sur des dossiers de plusieurs milliers d’euros d’aide, on a besoin de garanties et d’informations précises de la part des demandeurs. On traite 25 000 dossiers par semaine, dans l’immense majorité des cas, ça se passe très bien. » Julien Aroun déplore, lui, un système défaillant et un nombre important de dossiers en souffrance. « À Drapo, nous avons encore 7 millions d’euros de primes en attente d’être payées par l’Anah », soupire-t-il, assurant que d’autres mandataires sont dans des situations similaires.

Tout l’objet de l’action collective lancée par Me Pitcher est de récupérer ces sommes impayées. « Une première audience dans 14 dossiers a eu lieu devant le tribunal administratif le 26 janvier à Toulon, on attend le verdict », précise l’avocate. En attendant, le mal est fait pour Drapo. « Nous ne faisons plus l’avance des aides MaPrimeRénov’ aux particuliers, regrette Julien Aroun. C’est trop risqué pour nous. » De leur côté, Romain Libérale et Justine Hanson disent avoir eu d’autres projets de rénovation énergétique en tête. Mais cette première mauvaise expérience avec l’Anah les a clairement refroidis.

Le contrôle Veritas, un autre facteur bloquant ?

Les travaux de rénovation terminés, un peu plus de 10 % des chantiers font l’objet de contrôles que l’Anah délègue au Bureau Veritas. Et si le processus se déroule dans la majorité des cas sans accroc, il peut aussi parfois occasionner un blocage de primes. Pas seulement parce que la visite a abouti à un rapport de non-conformité. « J’ai eu un contrôle Veritas en octobre 2023. L’Anah ne reçoit le compte rendu que fin décembre 2023 mais avec la mention que l’on a refusé le contrôle… et pourtant, il a bien été effectué pendant plus d’une heure », dénonce ainsi un internaute sur le groupe Facebook. « Veritas a déclaré que nous avions refusé le contrôle en octobre 2022 alors que personne n’est venu », lui répondra une autre membre du groupe. Dans les deux cas, ils se sont vus retirer les primes promises et courent après depuis. Un cas qu’on connaît trop bien chez Drapo où l’on renvoie vers Yves et Christine Canha. « À deux reprises, des techniciens Veritas nous ont fixé des rendez-vous, nous contraignant à poser des demi-journées, détaille le couple. Ils ne sont jamais venus. Nous avons cherché à joindre de nouveau Veritas par téléphone. Sans succès. Notre chantier date de fin 2021 et notre mandataire est toujours en attente du versement des aides promises dans notre dossier. »

De son côté, Veritas assure que, dans la grande majorité des cas, les visites sont réalisées aux heures indiquées. Et « à aucun moment l’absence de visite ne conduit à une présomption de non-conformité », précise-t-on. L’avocate Joyce Pitcher affirme cependant avoir plusieurs dossiers de plaignants sous la main qui tendent à prouver le contraire.

Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

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