
par Fabrice Pouliquen
par Fabrice Pouliquen
Pour contrebalancer les baisses du tarif d’achat et de la prime à l’autoconsommation au printemps dernier, le gouvernement avait promis de réduire, à partir d’octobre, le taux de TVA à 5,5 % pour l’installation de panneaux solaires résidentiels. Il restait à connaître les conditions d’éligibilité à cette TVA à taux réduit… On en sait un peu plus en ce début septembre.
Sur le papier, ça a tout d’une bonne nouvelle. Au 1er octobre, le taux de TVA appliqué à l’achat et la pose de panneaux photovoltaïques d’une puissance inférieure à 9 kilowatt-crête (kWc) – soit le segment qui concerne les particuliers ‒ passera à 5,5 %. À présent, il est de 10 % pour les installations en dessous de 3 kWc et de 20 % pour celles entre 3 et 9 kWc.
Ce cadeau, en ces temps de restrictions budgétaires, est à relativiser. Il est plus à voir comme une compensation au dernier arrêté tarifaire publié le 25 mars 2025. Ce dernier actait une baisse sensible du soutien public à l’installation de panneaux photovoltaïques, y compris donc sur le segment 0-9 kWc. Certes, le principe d’obligation d’achat existe toujours. En clair, l’État, via sa filiale EDF OA ou un autre opérateur agréé, achète obligatoirement votre électricité solaire. En revanche, désormais, seul le surplus de sa production solaire (soit la part qu’on n’a pas pu autoconsommer) peut être vendu via ce mécanisme de l’obligation d’achat et non plus la totalité comme par le passé. Surtout, alors qu’il avait déjà baissé ces dernières années, le tarif d’achat proposé par l’État a de nouveau dégringolé avec cet arrêté du 25 mars, passant de 12,7 centimes d’euro le kilowattheure (kWh) à 4 centimes d’euro. Soit une division par 3.
La prime à l’autoconsommation n’a pas non plus échappé aux coupes budgétaires. Il s’agit d’une aide à l’investissement, versée une fois, un an après l’installation de ces panneaux, aux particuliers et professionnels ayant opté pour l’autoconsommation. Cette prime atteignait 220 € par kWc pour les installations d’une puissance inférieure ou égale à 3 kWc et 160 € pour celles comprises entre 3 et 9 kWc. L’arrêté du 25 mars met tout le monde au même montant… qui tombe à 80 €.
Dans ce contexte, la baisse du taux de TVA à 5,5 % faisait donc office de compensation. Dans la plupart des cas, le particulier est gagnant. Sur un projet de plusieurs milliers d’euros comme l’est une installation photovoltaïque, l’économie réalisée grâce à cette baisse du taux de TVA fait plus que compenser la baisse de la prime à l’autoconsommation.
Il y a un gros « mais » toutefois puisque ce taux de TVA réduit ne sera appliqué qu’à certaines conditions. Celles-ci doivent être précisées dans un futur arrêté, toujours pas sorti. Le 27 août dernier, le ministère de l’Économie a tout de même diffusé un projet de texte qui a pris par surprise les associations de promotion des énergies renouvelables.
Pour bénéficier du taux réduit, Bercy demande comme principale condition que l’empreinte carbone (la quantité de gaz à effet de serre) générée lors de la fabrication des panneaux soit inférieure à 530 kg équivalent CO2 (eqCO2) par kWc. Très ambitieux, pour ne pas dire trop. « Un tel seuil implique d’utiliser un maximum de matières premières et de composants venant d’Europe », indique Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), association qui regroupe des professionnels du secteur. L’enjeu porte notamment sur le silicium, issu du sable de silice, matériau clé d’une cellule photovoltaïque. Mais sa production, principalement assurée par la Chine, pèse beaucoup dans l’empreinte carbone d’un panneau, en raison notamment de la quantité d’énergie nécessaire à sa transformation. Ce futur seuil de 530 kg eqCO2 par kWc, s’il figure bien dans l’arrêté, contraindra typiquement les fabricants à délocaliser la production de silicium dans des pays avec un mix énergétique moins carboné que celui de la Chine, analysent tant Jules Nyssen que David Gréau, délégué général d’Enerplan, syndicat professionnel de l’énergie solaire renouvelable. En France typiquement.
Reste à savoir quels sont les fabricants capables aujourd’hui de sortir des panneaux solaires avec une empreinte carbone inférieure au seuil envisagé par le gouvernement. « Au moins un fabricant français nous a confirmé être en mesure de proposer des panneaux sous l’empreinte carbone fixée dans le projet d’arrêté et on a bon espoir que d’autres y arrivent en France ou en Europe », indique Jules Nyssen qui songe notamment aux gigafactories de panneaux photovoltaïques en projet dans l’Union européenne, y compris en France avec Holosolis en Moselle ou Carbon dans les Bouches-du-Rhône.
Enerplan est plus sceptique et rappelle en tout cas qu’« à ce jour, aucun panneau, de fabrication française, européenne ou étrangère disponible sur le marché – français ou mondial ‒ n’atteint ces 530 kg eqCO2 par kWc ». Autrement dit, en l’état actuel du texte, aucune installation, aucun ménage, aucune entreprise ne pourra bénéficier de cette TVA à 5,5 %, s’inquiète le syndicat. « Et la perspective d’avoir une poignée d’entreprises qui y parviennent à l’avenir et se retrouvent en une situation de quasi-monopole n’est pas idéale non plus », lance David Gréau.
Pour autant, Enerplan ne demande pas à retirer cette première condition ou en réduire l’ambition. En revanche, l’association souhaite l’ajout d’une alternative. « Elle consisterait à rendre éligible des panneaux avec une empreinte carbone un peu plus lourde – moins de 640 kg eqCO2/kWc ‒ mais avec une efficacité minimale au-dessus de 23 %, seuil que seules les meilleures technologies atteignent aujourd’hui », reprend David Gréau. De son côté, le SER demande également l’inclusion de deux autres conditions d’éligibilité dans le futur arrêté. « L’obligation de passer par un installateur Reconnu garant pour l’environnement (RGE) pour la pose de ses panneaux [une qualification vue comme un rempart contre la fraude, ndlr], commence Jules Nyssen. Mais aussi celle d’associer à son installation photovoltaïque une solution de pilotage de l’électricité produite (batterie physique, batterie virtuelle, ballon d’eau chaude avec programmateur, etc.) afin de maximiser l’autoconsommation. »
Ce projet d’arrêté doit être examiné ce jeudi 4 septembre en conseil supérieur de l’énergie, ultime chance de pousser le gouvernement à revoir sa copie.
Fabrice Pouliquen
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