Morgan Bourven
Nintendo épinglé pour ses conditions de ventes
Sur les sept grandes plateformes d’achats de jeux vidéo en ligne, seules Origin et Steam permettent aux consommateurs de se faire rembourser un jeu acheté. L’eShop de Nintendo est particulièrement restrictif et ne permet pas d’annuler la précommande d’un jeu.
La vente de jeux vidéo au format dématérialisé (c’est-à-dire achetés et téléchargés sur Internet, plutôt qu’achetés « en boîte » en magasin) est en plein essor. Selon des données confidentielles publiées par le site britannique Game Industry en novembre, la part des ventes en téléchargement oscillait entre 30 et 45 % pour les jeux importants sortis en 2017, contre 15 % à 25 % un an plus tôt.
Cette transition de la boutique vers le numérique a incité notre homologue norvégien, Forbrukerrådet, à analyser les conditions générales de vente des sept principales plateformes de ventes de jeux : Battle.net (Blizzard Entertainment), Origin (Electronic Arts), Steam (Valve), Uplay (Ubisoft), Nintendo eShop (Nintendo), Playstation Store (Sony) et Xbox Live (Microsoft).
Parmi elles, seules Origin et Steam (disponibles uniquement sur ordinateur et plateformes mobiles) disposent d’un système de remboursement des jeux achetés, quelle que soit la raison invoquée (problème technique, jeu qui ne plaît pas, etc.). Origin permet le remboursement moins de 24 heures après avoir lancé le jeu pour la première fois, moins de 7 jours après la date d'achat (s’il n’a pas été lancé) ou moins de 7 jours après la date de sortie du jeu en cas de précommande. Steam, de son côté, permet le remboursement si la demande est effectuée dans les 14 jours suivants l'achat et si le jeu n'a pas été utilisé plus de 2 heures.
Des précommandes non annulables chez Nintendo
Alors que les éditeurs incitent de plus en plus les joueurs à précommander les jeux, en offrant des bonus à ceux qui sautent le pas, le conseil norvégien des consommateurs note qu’en plus de ne pas permettre le remboursement des jeux, Nintendo viole la législation européenne en n’offrant pas la possibilité d’annuler une précommande sur son eShop.
« Lorsque vous précommandez un jeu vidéo, vous avez le droit d’annuler votre commande à tout moment avant la date de sortie. Cela doit être une procédure simple et rapide, par exemple en cliquant sur un bouton », explique Finn Myrstad, responsable de la politique numérique de Forbrukerrådet. Le conseil a donc écrit à Nintendo Europe, lui demandant d’expliquer la procédure éventuelle pour annuler une précommande et, en cas d’absence de procédure, les raisons invoquées par Nintendo pour expliquer un tel oubli.
La lettre rappelle à Nintendo que l’article 19 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen relative aux droits des consommateurs stipule que pour les contrats relatifs à des contenus numériques, « le consommateur devrait avoir un droit de rétractation, à moins qu’il n’ait donné son accord pour débuter l’exécution du contrat pendant la période de rétractation ». Or, dans la mesure où les jeux ne peuvent être lancés avant leur date de sortie, une précommande ne peut pas être considérée comme une « exécution du contrat ».
Lors d’un achat en précommande sur l’eShop, le consommateur doit cocher une case indiquant : « Je consens à ce que Nintendo me fournisse le bien dématérialisé souhaité avant l'expiration du délai de rétractation. Ce faisant, je renonce expressément à l'exercice de mon droit de rétractation. » (voir capture d’écran ci-dessous).
Procédure en cours entre l’UFC-Que choisir et Valve
Ce n’est pas la première fois que les plateformes en ligne sont critiquées par les associations de consommateurs. En décembre 2015, l’UFC-Que Choisir a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris la société Valve, éditrice de Steam, en suppression de clauses abusives/illicites relatives au transfert ou la revente de jeux acquis licitement, ainsi qu’au respect de la vie privée et du porte-monnaie. La procédure est toujours en cours.