par Fabrice Pouliquen
Rénovation énergétiqueSuspension dès juillet du dispositif MaPrimeRénov’

Face à un afflux massif de demandes et une enveloppe budgétaire déjà largement entamée, MaPrimeRénov’, principale aide publique à la rénovation énergétique des logements, sera suspendue dès juillet. Un comble alors que le budget de ce dispositif a déjà été sérieusement raboté et qu’il est victime de nombreux dysfonctionnements.
En résumé
- Le dispositif MaPrimeRénov', aide publique majeure à la rénovation énergétique des logements, sera suspendu dès cet été jusqu’à la fin de l’année 2025.
- Les crédits alloués pour l’année 2025 sont déjà presque entièrement consommés, en raison d’un budget réduit et d’un afflux de demandes, notamment pour les rénovations d’ampleur.
Des caisses d’ores et déjà vides… MaPrimeRénov’, principale aide publique à la rénovation énergétique des logements, sera suspendue à compter de juillet et ce jusqu’à la fin de l’année, a confirmé le ministre de l’Économie Éric Lombard lors des questions au gouvernement au Sénat. La raison principale ? « Les crédits prévus pour l’ensemble de l’année 2025 sont déjà pratiquement intégralement consommés », indique une source proche du dossier. Le ministre justifiant quant à lui la décision par « un encombrement en ce moment et un excès de fraudes ».
Une impasse courue d’avance ?
Quoi qu’il en soit, le ministère du Logement rejette cette idée que l’enveloppe budgétaire serait vide. Pour justifier alors cette suspension de MaPrimeRénov’, il évoque plusieurs raisons : « une forte dynamique sur la rénovation d’ampleur », un « afflux de dossiers couplé au retard d’adoption du projet de loi finances 2025 entraînant une surcharge des services instructeurs et un allongement des délais d’engagement », « un niveau élevé de fraude qui n’est pas satisfaisant ».
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Une façon de noyer le poisson ? « Des échanges que nous avons avec le ministère du Logement, la raison principale qui pousse à la suspension de MaPrimeRénov’est clairement celle d’une enveloppe financière insuffisante pour aller au bout de l’année et faire face à l’afflux de demandes », indique Damien Barbosa, coordinateur du collectif Rénovons au sein de l’ONG Cler-Réseau pour la transition énergétique. Ce problème était couru d’avance. « Dès janvier, nous avions alerté sur ce risque de suspension du dispositif dans le courant de l’année », pointe Audrey Zermati, directrice stratégie chez Effy, entreprise spécialisée dans les travaux de rénovation énergétique.
D’un côté, l’enveloppe budgétaire allouée à MaPrimeRénov’ne cesse de baisser. Les 4 milliards d’euros initialement prévus pour 2024 ont rapidement été ramenés à 3 milliards d’euros en cours d’année ‒ dans le cadre des mesures prises par le gouvernement Attal pour limiter le déficit public ‒, puis à 2,3 milliards d’euros, un budget maintenu pour 2024, bien que clairement insuffisant.
100 000 dossiers déposés depuis mars
Or, en parallèle, le dispositif MaPrimeRénov’est de plus en plus sollicité par les Français. En avril dernier, au moment de dresser le bilan du premier trimestre 2025, Valérie Létard, ministre du Logement, évoquait 63 509 ménages aidés depuis le début d’année dans leur rénovation. « Cela représente d’ores et déjà 1,4 milliard d’euros de travaux générés, pour 700 millions d’euros d’aides publiques mobilisées », pontait la ministre.
Loin donc encore des 2,3 milliards d’euros budgétés. « Mais on ne parle là que des subventions versées à date, reprend Audrey Zermati. Il faut ajouter les dossiers validés par l’Anah mais dont les aides promises seront versées une fois les travaux achevés ainsi que la montagne de demandes d’aides d’ores et déjà en cours d’instruction. » Dans un post sur le réseau social Linkedin, fin mai, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) évoquait 100 000 dossiers déposés depuis mars et le ministère du Logement reconnaît lui-même « un afflux de dossiers ».
Pour autant, ce succès de MaPrimeRénov’a du bon. Notamment parce qu’il est en grande partie constaté sur les rénovations d’ampleur, cumulant plusieurs gestes de rénovation. Si celles-ci sont plus complexes, elles sont aussi bien plus efficaces que les rénovations par monogeste, pour sortir de la précarité énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre liées aux logements. Sur les 63 509 logements rénovés avec l’aide MaPrimeRénov’au premier trimestre 2025, 17 178 ont fait l’objet d’une rénovation d’ampleur, soit trois fois plus qu’à la même période en 2024. Et près de 80 % de ces rénovations d’ampleur concernaient des logements classés F ou G et à ce titre classés comme des « passoires énergétiques ».
Une suspension inévitable ?
Suspendre MaPrimeRénov’à partir de juillet cassera cette dynamique, « alors qu’on reste très loin de l’objectif gouvernemental d’atteindre 900 000 rénovations d’ampleur par an à l’horizon 2030 [91 374 en 2024, ndlr] », rappelle Damien Barbosa. Cette suspension était-elle inévitable ? Audrey Zermati cite deux mesures d’urgence qui auraient donné un peu plus d’air à l’Anah en lui permettant de moins puiser dans l’enveloppe allouée à MaPrimeRénov’. « La première serait de réduire le montant maximum percevable dans le cadre des rénovations d’ampleur, aujourd’hui très élevé pour certains ménages, commence-t-elle. Une autre piste, portée dans un projet d’arrêté en cours d’examen, permettrait à l’Anah de ponctionner plus qu’elle ne le fait aujourd’hui dans le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) pour financer les rénovations d’ampleur. » En clair : de moins faire supporter ces dernières sur le budget de l’État.
Quoi qu’il en soit, pour Damien Barbosa, ces options étudiées ne suffiront pas à financer l’ensemble des dossiers de subvention actuellement déposés et à éviter ainsi une suspension de MaPrimeRénov’. « La seule solution est d’accorder une rallonge à ce budget initial bien trop faible de 2,3 milliards d’euros », prône le coordinateur de Rénovons. C’est la demande de ce collectif qui pousse ainsi pour l’ouverture d’un débat parlementaire sur un projet de loi de finances rectificatif. Pas simple dans le contexte budgétaire très contraint, le gouvernement s’étant donné pour mission de trouver 40 milliards d’euros d’économies dans le prochain projet de loi de finances.
Les conséquences pour les consommateurs
Combien de temps durera cette suspension de MaPrimeRénov’ ?
La suspension est prévue jusqu’à la fin de l’année 2025. Le gouvernement a indiqué que le dispositif pourrait être réactivé en 2026, sous réserve de l’adoption d’un nouveau budget.
Que devient mon dossier déjà déposé ?
Les dossiers déjà déposés avant juillet 2025 seront instruits et traités normalement. Toutefois, des délais supplémentaires peuvent être à prévoir en raison de la saturation des services.
Puis-je encore déposer une nouvelle demande ?
Jusqu’à fin juin 2025, il est encore possible de déposer un dossier si vous remplissez les conditions. À partir du 1er juillet, plus aucune nouvelle demande ne sera acceptée.
Mes travaux sont prévus pour après juillet 2025. Vais-je pouvoir être aidé ?
- Oui, si votre demande MaPrimeRénov’ a déjà été déposée et acceptée avant le 1er juillet 2025, vous conservez votre droit à l’aide, même si les travaux ne commencent qu’après cette date.
- Non, si vous n’avez pas encore obtenu d’accord avant la suspension, il ne sera plus possible de bénéficier de l’aide pour des travaux engagés après juillet 2025. Vous devrez alors attendre une éventuelle réouverture du dispositif ou explorer d'autres dispositifs d’aide.
Fabrice Pouliquen