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La vérité sur les bienfaits du curcuma (vidéo)

Dans la presse santé comme sur Internet, le curcuma est présenté comme une épice aux multiples bienfaits contre les problèmes digestifs, les douleurs articulaires, en prévention du cancer, en traitement de la maladie d’Alzheimer, etc. Autant de vertus pour une seule épice, c’est louche. La curcumine, une des principales substances actives du curcuma, réagit en effet très facilement dans les tubes de laboratoire. Mais dès qu’on passe aux essais sur l’homme, les promesses disparaissent.

Le curry lui doit sa belle couleur jaune. Le curcuma (Curcuma longa) est une plante dont le rhizome (tige souterraine) fournit une épice, utilisée en cuisine et en médecine indienne. Cet ingrédient traditionnel occupe une place croissante dans la littérature scientifique, des milliers de publications explorant ses supposées vertus thérapeutiques. Consommé sous forme de gélule, le curcuma se positionne désormais dans les meilleures ventes de compléments alimentaires. Ses promesses sont innombrables : antioxydant, protecteur des articulations, ami du foie, aide à la digestion, anti-inflammatoire, anticancéreux, anti-Alzheimer, etc. Le curcuma est testé contre tout et n’importe quoi ! Un des derniers exemples en date : ses effets sur les performances physiques de souris atteintes d’insuffisance cardiaque.

Pourquoi tant de succès ?

Le curcuma est une « épice en or » : belle et traditionnelle, exotique et non synthétique. Ces caractéristiques en font une excellente candidate au statut de remède naturel. À cela s’ajoute le fait que la curcumine, l’une de ses substances actives, a tendance à réagir avec toutes sortes de cibles lorsqu’on la teste en laboratoire (in vitro). Par exemple, elle montre une activité avec les protéines bêta-­amyloïdes ­caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. Mais ces réactions ne sont pas spécifiques et ne présagent en rien de propriétés thérapeutiques dans le corps humain. D’ailleurs, quand on passe aux essais chez l’homme, la déception est en règle générale au rendez-vous.

Pas d’efficacité prouvée

Ce fut le cas pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Autre exemple, dans un essai très sérieux, la curcumine a échoué à démontrer un effet anti-inflammatoire après une opération (1). Du côté des douleurs articulaires, il existe quelques comparaisons intéressantes avec des médicaments. Si cela mérite plus d’investigations, les données ne sont pas suffisamment probantes pour en recommander l’usage. Dans la plupart des cas, il n’y a pas d’essai du tout. Même les propriétés digestives du curcuma ne sont pas prouvées, seul un « usage traditionnel » est reconnu. « À notre connaissance, l’efficacité de la curcumine n’a jamais été établie par un essai clinique randomisé contrôlé dans aucune indication », tranchent les chercheurs en chimie médicinale qui ont décortiqué les propriétés de la curcumine (2).

Anticancer ? Du pipeau !

Quant aux supposées propriétés anticancéreuses de la curcumine, elles ne reposent sur rien de solide. L’argument traditionnel veut qu’il y ait moins de cancers en Inde qu’en Europe. En réalité, il est infondé de comparer des taux de cancers entre des pays où le mode de vie, l’espérance de vie et le système de santé sont si différents. D’autre part, les expérimentations scientifiques sont soit trop préliminaires, soit carrément entachées de fraudes. L’un des chercheurs américains les plus influents sur le sujet, le Dr Bharat B. Aggarwal, a été suspecté de manipulation de données. Plusieurs de ses publications ont été retirés par les revues qui les avaient publiées.

En cuisine, pas pour la santé

Ingrédient du curry, le curcuma en poudre offre couleur et saveur aux plats. Frais, il se boit en infusion. Il est donc souvent suggéré d’allier plaisir et santé en utilisant le curcuma en cuisine. Ce conseil n’a pas de sens. Dans les études, les doses de curcumine testées sont importantes, de 400 mg ou de 2 000 mg par exemple. La curcumine étant un composant très minoritaire dans le curcuma (moins de 5 %), il faudrait consommer de l’ordre de 20 g à 100 g de curcuma par jour ! De plus, la curcumine ainsi ingérée est peu ­disponible, mal absorbée et vite éli­minée. Cela vaut aussi pour les boissons en bouteille ou les infusions au curcuma vendues dans le commerce. Pour le goût, c’est très bien. Pour la santé, cela ne sert vraiment à rien.

(1) Canadian Medical Association Journal, 29/10/18.
(2) Journal of Medicinal Chemistry, 11/01/17.

Perrine Vennetier

Perrine Vennetier

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