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Site Noteo

Notation des produits simpliste

Intérêt pour la santé, impact social et environnemental, prix : le nouveau site Noteo et son application dédiée prétendent délivrer une note basée sur ces quatre critères pour 45 000 produits de consommation courante. Mais l’évaluation est beaucoup trop réductrice pour refléter la réalité.

Ce produit est-il bon pour la santé ? Sa fabrication n’a-t-elle pas trop pollué la planète ? Dans quelles conditions sociales a-t-il été mis en œuvre ? Naguère cantonné à des préoccupations simples – qualité visible et prix, pour l’essentiel –, l’acte d’achat est aujourd’hui influencé par des considérations multiples et les consommateurs ont du mal à trouver les réponses à leurs questions. Noteo, un site Internet avec une application pour smartphone associée, entend y répondre. Que vous consultiez le site www.noteo.info en tapant le nom du produit ou que vous scanniez son code-barres en magasin, vous obtenez une note sur dix pour quatre critères (santé, environnement, social, budget) et une note globale. Tout cela est gratuit pour le consommateur, l’équipe espérant développer une activité de conseil – payante, cette fois – auprès des entreprises dont les produits sont notés.   

Sur le papier, l’idée est lumineuse. Mais quand on entre dans le détail, on déchante rapidement.

Note santé : trop d’imprécisions

L’aspect santé est évalué au vu des compositions affichées et des contaminants possibles. Mais comme aucune analyse de laboratoire ne vient corroborer ces données, on en arrive à des approximations grossières. Sur les produits alimentaires, par exemple, la grande majorité des ingrédients ne sont pas assortis d’un pourcentage. Et l’étiquetage nutritionnel, quand il est présent, est rarement complet. Evaluer la teneur en sel ou en « bonnes graisses » d’un produit en se basant dessus est tout bonnement impossible. Même chose pour les contaminants comme les pesticides ou le bisphénol A : ils sont potentiellement présents dans certains aliments mais pas forcément. Comment attribuer une note sans analyser ? C’est encore pire pour les produits dont la liste d’ingrédients n’est pas connue. Exemple : les détergents. Les fabricants n’ont pas à donner la composition sur l’emballage mais sont censés la mettre à disposition sur un site. S’ils ne le font pas, ils sont pénalisés par Noteo sur le critère santé. Alors que, même si on peut regretter ce manque de transparence, leur produit est peut-être beaucoup moins problématique qu’un autre mieux noté. Autre exemple, les parfums peuvent écoper de 0 ou de 9/10 sans qu’on sache pourquoi, étant donné que les évaluateurs ne peuvent se baser sur aucune liste d’ingrédients. Au passage, attribuer 9/10 à un parfum, donc sous-entendre qu’il est bon pour la santé, alors qu’il n’a à l’évidence aucun intérêt sanitaire et que l’on ignore si certains composés respirés par l’utilisateur sont potentiellement toxiques paraît pour le moins léger.

Note environnementale : pas assez d’éléments pour juger

La note environnementale, elle, repose sur des analyses de cycle de vie des produits mais les notes concernent les grandes familles. Exemple : le poulet aura la même note qu’il provienne d’une batterie brésilienne ou d’un champ français, seule la présence d’un label pouvant lui faire gagner des points. Plus les produits sont complexes, plus les risques d’erreurs sont importants. Comment juger de l’impact environnemental d’un plat cuisiné composé d’une viande, de plusieurs légumes et d’une sauce quand on ne sait rien ni de l’origine de ces différents ingrédients, ni de leurs conditions de culture ou d’élevage ? En outre, des données visibles, comme la nature de l’emballage, ne sont pas exploitées à plein : les emballages individuels, plus polluants que les conditionnements traditionnels, ne sont pas pénalisés.

Note sociale : des aberrations

La note sociale est basée sur les évaluations d’un organisme spécialisé mais forcément, elles ne brossent qu’à grands traits les contours de la politique sociale des entreprises. Faute d’enquête exhaustive sur le terrain, personne ne peut prétendre juger 45 000 produits sur les conditions sociales de leur fabrication. D’autant que ce sont les marques qui sont évaluées, pas leurs fournisseurs. L’exercice est encore plus délicat pour les marques de distributeurs dont on ignore souvent qui les fabrique. Les différences de notes pour une même marque laissent perplexe. Exemple avec deux marques de commerce équitable très impliquées dans l’aspect social de la fabrication de leurs produits, Alter Eco et Ethiquable. On s’étonne de voir qu’elles écopent parfois de fort mauvaises notes sur l’aspect social, et l’étonnement est à son comble quand on constate que ces notes vont de 1,7 à 8,6/10 pour l’une et de 0,8 à 8,9/10 pour l’autre alors que leurs politiques sociales et leurs méthodes de gestion des filières sont uniformes pour tous les produits.

Malheureusement, tous ces questionnements ne trouvent pas de réponses, faute d’explications sur le site. On est prié de croire les évaluateurs sur parole et cela ne contribue pas à responsabiliser le consommateur.

En résumé, Noteo part d’une excellente idée, le projet est porté par des entrepreneurs manifestement sincères et enthousiastes. Mais l’infinie complexité des produits ne peut pas être reflétée fidèlement par une addition de présupposés et d’approximations. Le résultat, c’est un portait brossé à la truelle là où il aurait fallu utiliser un pinceau ultrafin.

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