BILLET DE LA PRÉSIDENTE

Rénovation énergétique d’ampleurL’engouement des ménages mis à mal par les pouvoirs publics !

Marie-Amandine Stévenin

par Marie-Amandine Stévenin

Alors que l’Anah se félicitait du décollage des rénovations d’ampleur au premier trimestre 2025, le gouvernement prétendait de son côté déployer les moyens nécessaires pour maintenir cette dynamique ! De belles promesses avaient ainsi été formulées pour réduire les délais d’instruction des dossiers, renforcer la lutte contre la fraude, améliorer l’accompagnement. Mais au vu des révélations dont la presse se fait l’écho, je ne peux manquer de m’indigner du fait que c’est un immense rétropédalage qui semble se dessiner…

La presse se fait en effet écho d’un potentiel coup d’arrêt du dispositif MaPrimeRénov’ dès juillet prochain. Mécaniquement, cela entraînera une baisse drastique du nombre de rénovations énergétiques. Conséquence à la fois préjudiciable pour le pouvoir d’achat de nombreux ménages vivant dans des passoires énergétiques qui continueront de payer des factures d’énergie excessives, mais également pour la transition écologique, indispensable pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre.

Le gouvernement justifie la potentielle suspension du dispositif pour « cause de restriction budgétaire », selon les informations du Parisien. La principale raison de ce recul serait que « les crédits prévus pour l’ensemble de l’année 2025 sont déjà pratiquement intégralement consommés ». Comment s’en étonner, sachant que le budget du dispositif pour cette année a été largement raboté ? Très clairement, les pouvoirs publics n’ont pas mis sur la table des moyens à la hauteur de l’ambition et des enjeux. Le gouvernement se veut pour autant rassurant à l’égard des rénovations déjà engagées et prévoit de trancher mi-juin pour le reste. Traduction : les ménages déjà embraqués dans un projet de rénovation toucheront bien les aides mais peuvent s’attendre à des délais de traitement à rallonge et les centaines de milliers de ménages prêts à se lancer dans un parcours ambitieux de rénovation, eux, devront attendre…

Dans une récente étude sur les aides à la rénovation énergétique, l’UFC-Que Choisir dénonçait l’inefficacité persistante des dispositifs d’aides à la rénovation, alors que la France compte encore 4,2 millions de logements passoires thermiques ! Nous demandions un changement de méthode immédiat et une politique de rénovation réellement efficace et équitable, c’est-à-dire une augmentation des niveaux d’aides et d’avances pour soutenir les ménages aux revenus les plus faibles et inciter les ménages aux revenus intermédiaires à se lancer ! Et également des outils pour lutter contre la fraude et offrir une meilleure lisibilité aux consommateurs et consommatrices des différents dispositifs.

J’anticipe que le gouvernement pourrait même ne pas reconduire le dispositif l’année prochaine et faire reposer le financement de la rénovation énergétique sur un autre dispositif : les certificats d’économie d’énergie (CEE). Or l’UFC-Que Choisir a de longue date souligné non seulement sa complexité, son opacité et sa logique de marché. De plus, le montant des primes CEE est calculé sur la base d’économies d’énergie théoriques et non réelles, les économies d’énergie générées par chaque opération, sont ainsi largement surévaluées. Enfin, le dispositif des CEE est en grande partie payé par les ménages eux-mêmes à travers leurs factures d’énergie ! Si le dispositif des CEE devait prendre encore de l’ampleur, les factures d’énergie des ménages en seraient affectées, et en proportion surtout celles des ménages les moins favorisés qui consacrent une partie importante de leur budget aux dépenses énergétiques. J’invite donc prestement et fortement le gouvernement à revoir sa position et renforcer les moyens de MaPrimeRénov’ plutôt que de renoncer à l’ambition de rénovation énergétique des logements et favoriser une explosion des factures énergétiques des consommateurs. ​​​​

Le gouvernement a confirmé hier soir la suspension de MaPrimeRenov' au 1er  juillet 2025

Une décision incohérente au regard des enjeux sociaux, économiques et écologiques et des objectifs ambitieux de rénovation que l’Etat s’est lui-même fixé. C’est un mauvais signal qui est envoyé aux ménages, dont l’engouement naissant va être brutalement freiné et à l’ensemble de la filière qui s’était organisée pour répondre à la demande.

La fraude qui gangrène le secteur doit être neutralisée mais ne peut aucunement justifier la mise à l’arrêt d’un dispositif permettant aux ménages d’améliorer la performance énergétique de leur logement, et donc leur confort ainsi que leur pouvoir d’achat.

D’après les annonces, encore floues du Gouvernement, les dossiers déposés avant le 1er juillet, date de début de la suspension "temporaire", devraient bien être traités et le dispositif devrait reprendre début septembre 2025 "lorsque que le cadre aura été ajusté". L’UFC-Que Choisir insiste les dossiers déposés d'ici l'été devront être instruits et payés dans des délais raisonnables afin de ne pas fragiliser les ménages, notamment les plus modestes, qui avancent à hauteur de 50% le montant des travaux. Nous rappelons que pour se lancer dans un parcours de rénovation ambitieux, les ménages ont besoin de lisibilité et de stabilité. Donner aux ménages les moyens de se lancer dans un parcours de rénovation d’ampleur est une nécessité, l’Etat doit pour cela déployer des moyens à la hauteur des enjeux et de l’ambition. 

Marie-Amandine Stévenin

Marie-Amandine Stévenin

Présidente de l'UFC-Que Choisir

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