ENQUÊTE
Fast-foods

Une marée de déchets

Avec la fermeture des restaurants, la vente à emporter explose et les quantités de déchets s’emballent. Pour cerner le problème, nous avons acheté des menus dans plusieurs enseignes de la restauration rapide… Et nos poubelles ont débordé.

Chaque année, en France, les fast-foods vendent plus de 1,5 milliard de menus, dont une bonne partie est récupérée au comptoir ou au drive. Si les consommateurs apprécient son côté pratique et qu’elle permet aux restaurants de garder une activité en cette période de crise sanitaire, la vente à emporter n’en demeure pas moins désastreuse pour la planète. D’abord, elle nécessite des quantités astronomiques de contenants et d’ustensiles, qu’il faut fabriquer, transporter et stocker. Ils ne seront utilisés que quelques minutes, le temps que le client vienne prendre sa commande et consomme les aliments. Certains sont même jetés sans avoir jamais servi. Ensuite, dans le meilleur des cas, les déchets générés sont déposés dans des poubelles spécifiques et recyclés. Mais, le plus souvent, ils finissent avec le tout-venant, dans des décharges ou des incinérateurs, quand ils ne sont pas abandonnés au bord des routes ou le long des chemins.

Un tri effectif très récent

Alors que la protection de l’environnement est un enjeu national et la réduction des déchets, une problématique majeure, la politique de la restauration rapide en la matière pose question. Il faut dire que les enseignes du secteur doivent se plier à bien peu de contraintes. Certes, depuis mars 2016, les restaurants sont censés trier les détritus provenant de la salle et de la cuisine, mais cette pratique est encore loin d’être respectée de tous. La publication, en 2017, d’une enquête de l’association Zéro Waste France, puis le dépôt d’une plainte contre deux établissements parisiens deux ans plus tard avaient poussé Brune Poirson à taper du poing sur la table. Alors secrétaire d’État à la Transition écologique, elle avait convoqué les dirigeants des principales chaînes de fast-food et obtenu d’eux la mise en place effective du tri dans l’ensemble de leurs restaurants d’ici à la fin de l’année 2021. De fait, cinq ans après l’entrée en vigueur de la mesure, McDonald’s, Quick et les autres daignent enfin s’y soumettre. Partout en France, des poubelles de tri sont installées, les personnels, formés, et des filières de recyclage, organisées. Il était temps !

Propreté de la voie publique

Pour autant, cette disposition ne règle qu’une partie du problème. Si elle contribue à mieux traiter et valoriser les déchets des cuisines et de la salle, elle n’a aucun impact sur ceux engendrés par la vente à emporter. Des restaurants ont bien mis à disposition de leurs clients des poubelles de tri dédiées devant leur vitrine ou sur leur parking, mais rares sont ceux qui les utilisent. De son côté, McDonald’s a lancé, il y a quelques années, le programme « Emballages abandonnés », qui consiste à nouer avec les communes des partenariats visant à organiser le ramassage des ordures laissées sur la voie publique. Depuis que la mairie du 5arrondissement de Paris a passé un tel accord, en 2017, avec les trois McDonald’s implantés sur son territoire, elle a remarqué une amélioration. « Les trottoirs autour de ces établissements sont plus propres, reconnaît Florence Berthout, la maire du 5e. Ce type d’initiative mériterait d’être généralisé à toutes les enseignes, ainsi qu’aux indépendants. Le dépôt sauvage de déchets est un véritable fléau ! », assure l’édile, qui fait désormais signer aux restaurateurs de ce quartier touristique une charte de propreté.

Toutefois, au niveau national, les effets de ce plan restent restreints. Une seule vraie obligation pèse sur la vente à emporter, et elle est récente. Depuis le 1er janvier dernier, les produits en plastique jetable (pailles, couverts, touillettes, gobelets, couvercles, etc.) sont interdits. Cette mesure a néanmoins été assortie d’une période de transition de six mois afin que les professionnels puissent écouler leurs stocks.

À partir de cet été donc, plus aucun article en plastique jetable ne devra être fourni aux consommateurs. Cependant, si la loi encadre le type de matière utilisable, elle ne limite pas la quantité de déchets engendrés. Et pourtant, elle est gigantesque ! Selon Zéro Waste France, le réseau McDonald’s générerait, à lui seul, 42 000 tonnes d’emballages par an dans notre pays.

Que Choisir sur le terrain

Pour nous faire une idée concrète de l’ampleur du phénomène, nous nous sommes rendus dans 21 restaurants issus de 8 enseignes de restauration rapide. Dans chacun d’eux, nous avons acheté un menu que nous avons dégusté, avant de recenser les emballages et ustensiles qui nous restaient sur les bras. Entre les sacs, les boîtes, les gobelets et leurs couvercles, mais aussi les supports de gobelets, les pailles, les touillettes, les cuillères, les sachets de sauce ou les serviettes, nous nous sommes retrouvés à chaque fois avec une montagne de cartons et de papiers.

Certes, nous avons constaté quelques points positifs, comme la généralisation des couvercles de boisson froide en carton, la prolifération des touillettes en bois ou encore l’inscription de messages invitant les clients à trier leurs déchets sur certains emballages. Nous avons également noté le fait que McDonald’s ne donnait plus systématiquement de pailles ou que Class’croute promettait une surprise à ceux qui rapportaient 10 fois leur sac en papier (un coup de tampon est apposé à chaque passage). A contrario, nous avons été stupéfaits de découvrir des aliments emballés ou suremballés, des poignées de serviettes et de sachets de sauce que nous n’avions pas demandés et pas mal d’objets en plastique à usage unique, pourtant censés être en voie de disparition. Il faudra sûrement encore beaucoup de temps et de lois pour que le secteur de la restauration rapide aille au bout des belles intentions qu’il affiche.

Fast-foods : De véritables « champions »…

Burger King est, selon l’expérience que nous avons menée, le fast-food qui génère le plus de déchets d’emballage, soit 14 en moyenne.

Des sacs en papier, des boîtes en carton, des sachets en plastique, des gobelets, des supports, des couvercles, des pailles, des cuillères, des touillettes, des serviettes en papier, des sachets de sauce… Quand il s’agit de vente à emporter, les fast-foods ne lésinent pas sur les contenants, les ustensiles et le packaging. Pour un menu acheté, nous en avons comptabilisé jusqu’à 14 différents. S’il peut s’avérer indispensable d’emballer les aliments pour une question d’hygiène ou pour préserver leur aspect et leur goût, il n’est pas nécessaire de fournir des articles en quantités déraisonnables. Ainsi, le McDonald’s d’Amiens-Sud (80) a placé dans notre sac huit serviettes en papier, et le Quick de Beauvais-Nord (60) nous a livré notre repas dans deux sacs, avec sept serviettes et sept sachets de sauce que nous n’avions pas demandés. Un Burger King et un KFC nous ont donné chacun quatre sauces et deux sachets de sucre pour un seul café commandé. Concernant les matières employées, il est à noter que toutes les enseignes ont troqué les couvercles de boisson en plastique contre leur version en carton. En outre, toutes les pailles sont désormais en carton (McDonald’s n’en procure même plus !) et les cuillères, en bois. En revanche, les gobelets des glaces et les couvercles des cafés, eux, sont toujours en plastique jetable, quelle que soit la chaîne de fast-food. Tous les KFC nous ont également remis une touillette en plastique, et chez McDonald’s, les cacahuètes du sundae sont à part, dans un sachet en plastique. Avec 14 unités en moyenne, Burger King est le fast-food qui a généré le plus de déchets d’emballage. Mais les autres enseignes ne font guère mieux.

Sandwicheries : Plus raisonnables

Les sandwicheries pourraient être encore beaucoup plus sobres en matière de détritus.

En matière d’emballage, les sandwicheries font un peu mieux que McDonald’s, Quick et consorts. Bien sûr, le fait que la plupart vendent leurs sandwichs froids et n’affichent pas de frites à leur carte joue un rôle non négligeable dans cette sobriété. Mais cela n’explique pas tout. Par exemple, aucun établissement ne nous a placé d’office une liasse de serviettes en papier dans le sac. Aucun, non plus, ne nous a procuré six sachets de sauce. Et pour cause, la majorité n’en propose pas, ou bien les incorpore directement dans les sandwichs. Chez Subway, on invite chaque client à choisir la sienne ; elle sera ajoutée lors de la confection du casse-croûte. Concernant les boissons, il s’agit souvent de canettes en aluminium ou de bouteilles en plastique recyclable. Pour autant, les sandwicheries pourraient aller plus loin. Un Pomme de pain était-il obligé de nous donner une paille en carton afin que nous sirotions notre soda ? Avions-nous vraiment besoin du gobelet en carton fourni par un Class’croute pour boire notre Pepsi ? Le sandwich de Subway devait-il absolument être emballé avec deux papiers l’un sur l’autre ? Quant aux articles en plastique, ces enseignes en utilisent aussi. Comme dans tous les fast-foods, cette matière est systématiquement celle des couvercles des tasses de café et des gobelets dans lesquels sont servis les fromages blancs. Un Pomme de pain nous a même remis, pour déguster un dessert, une cuillère en plastique. Incontestablement, les sandwicheries produisent moins de déchets que les fast-foods, notamment grâce à leur carte plus sobre et moins « salissante » ; toutefois, elles ont encore bien des progrès à faire.

Menus pour enfants : Mini-menus, maxi-emballages

Happy Meal chez McDonald’s, Magic Box chez Quick, King Junior chez Burger King, P’tit Bucket chez KFC… chaque chaîne de fast-food propose un menu spécial enfant, généralement composé d’un hamburger, de frites et d’un dessert. Nous en avons acheté. Première surprise : les trois aliments sont systématiquement réunis dans un autre emballage, une boîte cartonnée (McDonald’s, Quick et KFC) ou un sac en papier épais (Burger King). Mais surtout, chacun de ces menus comprend un jouet : une roue en plastique contenue dans du plastique (Burger King), un livre emballé lui aussi (KFC), une mini-serviette éponge doublement enveloppée de plastique (Quick) et un kit de coloriage (McDonald’s). Récemment, McDonald’s France a annoncé qu’il ne fournirait plus de jouets en plastique dans ses Happy Meal. Cette décision, si elle va dans le bon sens, ne fait qu’anticiper une mesure qui s’imposera à tous les restaurants d’ici à 2022.

Le top 4 des aberrations

Le cerclage en carton de Quick
Pour éviter que son Giant ne perde de sa superbe, Quick n’a rien trouvé de mieux que de l’entourer d’une bande en carton que le client, une fois la boîte ouverte, s’empresse de retirer et de jeter à la poubelle. Difficile de faire plus inutile.

Les frites suremballées de KFC
Chez KFC, les frites sont placées dans un sachet en papier. Lui-même est inséré dans un autre, plus grand. Le tout est mis dans un sac pour le transport. L’enseigne n’est malheureusement pas la seule à procéder de la sorte.

La cuillère emballée de Quick
Quand on commande une glace chez Quick, la cuillère fournie d’office est emballée dans du papier. C’est peut-être rassurant pour certains clients, mais inutile. Et cela constitue un déchet de plus.

Le gobelet en trois parties de pomme de pain
Le fromage blanc à la framboise de Pomme de pain est servi dans un gobelet en plastique avec des céréales. Ces dernières sont placées à part, dans un contenant de la même matière recouvert d’un couvercle. Résultat : trois morceaux de plastique qui finissent à la poubelle sans pouvoir être recyclés.

Tri : Les bons gestes à adopter

Faute d’informations, on a trop souvent tendance à jeter nos déchets de fast-food avec le tout-venant. Pourtant, la plupart sont recyclables.

Ce qui est toujours recyclable

  • Les gobelets en carton
  • Les boîtes de sandwich en carton
  • Les sacs et emballages en papier
  • Les briques alimentaires
  • Les canettes
  • Les bouteilles en plastique
  • Les boîtes à pizza

La plupart des emballages et des objets en papier ou en carton peuvent être jetés dans la poubelle de tri afin d’être recyclés. Pas besoin de les laver, il suffit de retirer les restes de nourriture ou de boisson. Le fait qu’ils soient humides ou gras ne pose pas de problème particulier.

Ce qui est recyclable dans certaines communes

  • Les gobelets en plastique
  • Les emballages en plastique (bols à salade, pots, barquettes…)
  • Les films et les sachets en plastique

Vous ne pouvez déposer ces déchets dans les poubelles dédiées que si la commune a étendu ses consignes de tri à tous les emballages en plastique. Mieux vaut vous renseigner auprès de la mairie auparavant.

Ce qui n'est pas recyclable

  • Les emballages très souillés ou détrempés
  • Les restes alimentaires
  • Les serviettes en papier sales
  • Les petits sachets de sauce
  • Les pailles et les couverts

Les emballages trop sales devront être jetés dans la poubelle classique, tout comme les pailles et les cuillères, même si elles sont en carton, en bois ou en matières compostables.

À noter. Depuis le 1er janvier, il est possible d’apporter son propre contenant réutilisable pour les boissons. Le vendeur est tenu de l’accepter et d’appliquer un tarif inférieur.

Marine Perier-Dulhoste

Marine Perier-Dulhoste

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