ENQUÊTE
Location de voitures

Encore du chemin à faire

Dans leurs relations avec leurs clients, les loueurs s’octroient des droits disproportionnés. Le constat dressé par l’UFC-Que Choisir, qui formule plusieurs propositions afin de rétablir l’équilibre.

En juin dernier, Que Choisir jetait un pavé dans la mare qui éclaboussait les grandes compagnies de location de voitures (Avis, Hertz, Europcar, Sixt). Quelques semaines plus tard, la Commission européenne lui emboîtait le pas. Dans le collimateur de l’un et de l’autre, les tarifs différents pratiqués par une société pour un même véhicule selon que l’on réserve sur son site Internet français ou à partir de l’une de ses versions étrangères. Par exemple, le site allemand ou belge dont l’adresse Internet se termine respectivement par « .de » ou « .be ». Au regard du comparatif effectué à l’époque, les tarifs étaient souvent moins élevés quand on passait par les sites étrangers. Dans le sillage de cet article, Bruxelles communiquait les résultats de ses propres observations. Qui corroboraient celles de Que Choisir. La Commission enjoignait alors aux loueurs de mettre fin sans délai à ces pratiques discriminatoires, contraires à la directive européenne sur les services.

Particularité américaine… et corse

Ces injonctions ont-elles été respectées ? L’UFC-Que Choisir l’a vérifié en procédant à de nombreuses simulations. À l’arrivée, les professionnels de la location sont rentrés dans le rang et ont mis fin à ces différences de traitement, du moins pour l’Europe. Car, curiosité révélée par notre étude, pour trois des sept compagnies passées en revue, les loueurs proposent des tarifs différents et plus avantageux sur les sites localisés aux États-Unis. Les compagnies visées qui ont adopté cette politique sont américaines (Avis, Budget et Hertz). Et, toutes catégories de véhicules confondues, la réservation effectuée depuis l’Hexagone peut revenir jusqu’à 28 % plus chère (Hertz) ! Quant aux tarifs pratiqués chez nous par rapport à nos voisins européens, ils se situent, d’après les résultats de notre étude, dans la moyenne. Mais la France est moins intéressante que les pays qui l’entourent (Allemagne, Belgique, par exemple). Elle est même hors de prix par rapport au Danemark, champion européen de la location bon marché : les coûts y sont 70 % plus bas que chez nous. Ces différences se retrouvent aussi à l’intérieur de nos frontières. Sur la base de nos estimations, la location d’un véhicule de catégorie A (citadine) pour les dix premiers jours de juillet 2015 revient en moyenne (tous loueurs confondus) à 327 € en Corse, région la plus chère, et à 250 € en Rhône-Alpes, la meilleure marché, soit une différence de 30 %. Pour un véhicule de catégorie C (routière), elle atteint même 43 % entre les deux régions. Le fait que les agences implantées dans l’île de Beauté soient toutes franchisées, quel que soit le réseau considéré, explique peut-être cet état de fait.

Options indues

Côté tarifs, au-delà de la question des assurances proposées (imposées ?) qui vaudrait une étude à elle seule, deux options retiennent l’attention. En premier lieu, la facturation d’un éventuel second conducteur. Elle peut être au forfait comme chez Ada et Sixt (15 et 25 €) ou à la journée (de 7 à 9 €). Un supplément peu pertinent. Vis-à-vis de la sécurité routière, d’abord : le conducteur du véhicule de location doit pouvoir passer le volant à quelqu’un d’autre s’il se sent fatigué. Ensuite, la justification économique ne vaut que pour le loueur, qui se dégage de la marge supplémentaire à bon compte. Certes, un deuxième conducteur peut laisser penser que la voiture roulera davantage lors de la location. Mais, en réalité, cela occasionnera souvent une facturation au kilomètre, une fois que le forfait kilométrique (par exemple, 250 ou 450 km) inclus dans le prix de la location aura été dépassé. Partant de là, l’UFC-Que Choisir demande que la désignation d’un second conducteur soit gratuite (voir encadré). Les frais de dossier imputés au conducteur lorsqu’il est flashé par un radar soulèvent également la critique. S’il est tout à fait normal de devoir payer l’amende, le niveau des prélèvements (de 19 € chez Sixt à 35 € chez Avis et Budget, deux compagnies liées) semble en revanche bien excessif, le loueur se contentant de faire suivre le P-V à son client. Bref, de l’argent facilement gagné !

Prélèvement automatique à encadrer

La location de voiture (7,5 millions d’usagers en 2014, dans les trois quarts des cas pour le loisir) suscite par ailleurs de nombreux litiges, notamment pour les locations à l’étranger (Italie, Espagne, Portugal). Si certains naissent lors de la prise du véhicule (état des lieux, par exemple), la majorité d’entre eux surviennent à sa restitution. Des conflits qui sont fréquemment un mélange entre dégâts au véhicule et dépôt de garantie. Quand le client se présente en agence, il doit en effet donner sa carte bancaire et taper son code confidentiel, autorisant de fait le loueur à débiter le compte (en plus du montant de la location) dans la limite d’un montant prévu au contrat. Des sommes qui diffèrent selon l’entreprise de location et le type de voiture : de 800 à 6 000 € chez Avis, de 850 à 1 650 € chez Europcar… Si cette situation est confortable pour le loueur, elle l’est bien moins pour le locataire ! Des dommages au véhicule lui sont imputés à tort, faute d’état des lieux contradictoire lors de la restitution ? Galère assurée pour essayer de se faire rembourser les sommes prélevées, généralement sans l’envoi d’une facture ou d’un devis préalable (1). Dans de telles conditions, l’UFC-Que Choisir réclame la limitation du montant maximal du dépôt de garantie au double du prix de la location (avec un minimum forfaitaire de 150 €) et une information préalable du consommateur avant tout débit (voir encadré). De telles mesures obligeraient sûrement les professionnels de la location de voitures à revoir leurs process, mais cela ne les pénaliserait pas outre mesure. Ils ont toutes les coordonnées de leurs clients, ce qui permet de les retrouver sans difficultés en cas de contentieux. Et les loueurs se sont « protégés » en créant, début 2015, un fichier commun appelé Claris. Un fichier qui recense les « mauvais » locataires, ceux qui traînent dans leur sillage une collection d’incidents de paiement, d’utilisations inappropriées des véhicules ou encore de sinistres.

Concurrence : Soupçons d’entente

Les loueurs de voitures visés par l’Autorité de la concurrence ? Cette dernière soupçonne sept d’entre eux (Avis/Budget, Europcar, Hertz, Sixt, Ada, Citer) de s’être livrés à des pratiques anticoncurrentielles. Le premier volet de l’enquête concerne les surcharges tarifaires qui auraient été imposées « de manière concertée » aux clients pour les voitures louées dans les agences situées dans les gares ferroviaires (de 2005 à 2008). Un surcoût désormais inclus dans le prix de la location. L’autre volet touche les aéroports. Leurs gestionnaires, relève l’Autorité, ont transmis aux loueurs des informations régulières sur l’activité de leurs concurrents (entre 2003 et 2008). Des renseignements qui auraient pu influer sur les orientations commerciales suivies et, en corollaire, entraîner des comportements anticoncurrentiels. Les loueurs contestent.

Ce que souhaite l’UFC-Que Choisir

À la lumière de l’étude qu’elle a conduite pendant plusieurs semaines, l’UFC-­Que Choisir demande :„ que la Commission européenne maintienne sa vigilance, afin d’éviter que les loueurs ne reviennent à des ­pratiques tarifaires discriminatoires selon le pays de réservation ;„ que les pouvoirs publics français imposent un plafonnement du dépôt de garantie au double (au maximum) du montant de la location avec un montant minimal de 150 € et la gratuité de l’inscription d’un éventuel deuxième conducteur lors de la signature du contrat ;„ que la Direction générale de la ­concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) contrôle l’effectivité de l’envoi de devis ou factures préalablement à toute utilisation du dépôt de garantie, comme l’exigent d’ailleurs diverses décisions de justice sur cette question.

(1) Le loueur n’effectuera pas forcément la réparation en cas de dégâts causés au véhicule. Mais les sommes prélevées serviront à compenser la perte de valeur du véhicule lors de sa revente (au bout de 6 à 12 mois).

Arnaud de Blauwe

Arnaud de Blauwe

Rédacteur en chef

Maxime Chipoy

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