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Alimentation

Le bio, parent pauvre des aides à l’agriculture

Pour la Cour des comptes, le soutien des pouvoirs publics au bio est très insuffisant. L’institution énonce 12 recommandations pour soutenir plus efficacement ce mode de production, aujourd’hui en difficulté.

Peut (beaucoup) mieux faire. C’est en substance la critique que formule la Cour des comptes sur les politiques de soutien à l’agriculture biologique, dans un rapport publié le 30 juin. La vénérable institution rappelle en préambule « les bénéfices de l’agriculture bio, notamment en termes de santé et d’environnement » et estime qu’à ce titre, son développement « est le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale ». Mais, malgré ces atouts, les aides n’ont pas suivi, et le bilan est loin d’atteindre les objectifs fixés pour 2022, de 15 % des surfaces agricoles converties et 20 % d’aliments bio dans les cantines.

Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, énumère les entraves au développement de la filière : « Une communication insuffisante ; l’ambiguïté des labels concurrents, en particulier le HVE (Haute valeur environnementale), moins-disants que le bio et pourtant soutenus au même niveau ; des soutiens financiers qui ne sont pas à la hauteur, avec des aides à la conversion sous-dimensionnées et des aides au maintien supprimées ; un soutien à l’innovation pour les industries agroalimentaires moins développé qu’en conventionnel… » Il regrette ce « décalage », qui ne pourra pas se résorber sans une inflexion majeure de la politique agricole française.

L’enjeu est aujourd’hui particulièrement crucial pour la filière bio, traversée par une crise de surproduction à l’heure où la consommation s’effrite en raison de la crise économique. Au point que l’inquiétude monte sur la pérennité de cette filière, et celle des agriculteurs récemment convertis.

Pour atteindre les objectifs français (18 % des surfaces en bio en 2027) et européens (25 % en 2030), la Cour des comptes a donc élaboré 12 recommandations selon trois orientations :

  • mieux informer les consommateurs des atouts du bio (entre autres via des campagnes de communication) ;
  • réorienter et amplifier les soutiens publics (par exemple en instaurant une rémunération pour services agroécologiques) ;
  • favoriser la création de valeur dans la filière (via un soutien à la recherche et développement pour les maillons agricole et agroalimentaire).

Le gouvernement entendra-t-il ces préconisations, alors qu’il négocie âprement avec la Commission européenne son plan stratégique national (PSN) ‒ la déclinaison française de la prochaine politique agricole commune (Pac), qui s’appliquera à partir de 2023 ? Bruxelles avait reproché à Paris un PSN très insuffisant sur un plan environnemental, et dont le bio était le parent pauvre, mais le ministre de l’Agriculture d’alors, Julien Denormandie, avait refusé toute amélioration substantielle. Réponse dans les prochains jours.

Pas d’engrais de synthèse, mais moins de rendements

Conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, des millions de tonnes de blé, de maïs, de tournesol, de colza font défaut au reste de la planète, tandis que le gaz et les engrais russes se renchérissent, voire se tarissent pour l’Occident. Face à cette situation, l’agriculture bio et l’agriculture conventionnelle sont handicapées, pour des raisons diamétralement opposées : la première n’est pas tributaire des engrais de synthèse importés (1), tandis que la seconde en a un cruel besoin ; mais le bio affiche des rendements inférieurs de 18 % à ceux du conventionnel, réduisant d’autant l’autonomie alimentaire.

Face à ce potentiel de rendements moindre, qui soulève des craintes en temps de guerre, la Cour des comptes se veut rassurante : elle rappelle qu’accroître la part du bio dans l’alimentation nécessite en parallèle de réduire le gaspillage et de faire évoluer les régimes alimentaires vers plus de protéines végétales, et moins de viandes. Elle souligne également que les rendements en bio ont un potentiel d’amélioration, qui dépend des efforts en recherche et développement ‒ donc des financements accordés.

(1) La France importe la quasi-totalité de ses engrais azotés et phosphatés de synthèse, soit directement, soit indirectement (en important du gaz, premier constituant des engrais azotés).

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