par Élisa Oudin
Arnaques bancairesLa Cour de cassation redonne espoir aux victimes de mails frauduleux

Quelques mois après un arrêt de la Cour de cassation particulièrement sévère pour les victimes de fraudes bancaires, une nouvelle décision de la même haute juridiction vient d’infléchir cette position… Et condamner la banque à rembourser son client.
En résumé
- La Cour de cassation exige désormais des banques qu'elles prouvent que les opérations litigieuses ont été correctement authentifiées, enregistrées, comptabilisées et qu'aucune déficience technique n'est en cause, avant même d'examiner la négligence éventuelle du client.
- Les banques ne peuvent plus systématiquement invoquer la « négligence grave » du client pour se dédouaner de leur responsabilité. Elles doivent désormais apporter la preuve qu'elles ont respecté leurs propres obligations de vigilance et de contrôle.
Deux affaires de virements frauduleux viennent d’être successivement examinées par la Cour de cassation cette année. Mais avec deux issues radicalement différentes. À chaque fois, les victimes ont ouvert un mail « suspect » et cliqué sur un lien contenu dans le courriel. En faisant cela, elles ont téléchargé un virus espion dans leur ordinateur. Le 15 janvier 2025, la Cour de cassation a estimé que le fait de cliquer sur le lien contenu dans le message douteux constituait « une négligence grave ». Et jugé la banque fondée à ne pas rembourser les sommes volées. Mais, il y a un mois, revirement total dans une autre affaire. La haute juridiction censure cette fois l’arrêt de la cour d’appel qui donnait raison à la banque. Elle dispose ainsi, dans son arrêt du 30 avril 2025 (1) : « Sans rechercher, comme il lui incombait, si les opérations de paiement litigieuses avaient été authentifiées, dûment enregistrées et comptabilisées et qu’elles n’avaient pas été affectées par une déficience technique ou autre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »
On voit qu’ici la Cour de cassation n’examine même pas la question de la négligence grave du client. Elle pose en effet un préalable, avant même d’en arriver à cette étape. Les juges doivent vérifier que la banque a bien apporté toutes les preuves montrant que, de son côté, elle a respecté ses obligations de vigilance et de contrôle en matière de virement bancaire.
La banque ne peut s’exonérer de ses devoirs
En l’espèce, sept virements bancaires ont été réalisés en peu de temps. On s’interroge, notamment sur la vigilance de la banque face à cette temporalité. C’est peut-être aussi ce qui a motivé la position de la Cour de cassation. En tout cas, l’arrêt a pour conséquence de rappeler la charge de la preuve : les banques ne peuvent plus se retrancher systématiquement derrière la notion de négligence grave du client, pour s’exonérer de toute responsabilité. Elles doivent apporter devant le juge tous les éléments matériels dont elles disposent. Éléments qui pourront ensuite permettre de déduire s’il y a eu négligence grave du consommateur ou plutôt défaut de vigilance de la banque.
Cette récente décision de la haute juridiction française est essentielle dans le contexte actuel. Alors que les tentatives de fraudes bancaires se multiplient, en particulier celle du faux banquier, la chambre sociale de la Cour de cassation semble en effet vouloir renforcer la sécurité juridique des consommateurs, en livrant un véritable mode d’emploi à l’usage des juges du fond…
Élisa Oudin