par Elsa Casalegno
Cadmium dans le chocolatUne contamination bien réelle

Les tablettes et autres confiseries à base de cacao peuvent afficher des teneurs élevées en cadmium, un élément métallique nocif pour la santé. Une consommation régulière de chocolat peut donc contribuer notablement à notre contamination.
Si l’alerte récente des médecins a remis le cadmium sur le devant de la scène, cela fait des années que les autorités sanitaires mettent en garde contre ce polluant. L’alimentation est, de loin, la principale source d'exposition des consommateurs au cadmium, du moins pour les non-fumeurs : elle y participe à hauteur de 90 % ! Les plus gros contributeurs sont les produits à base de céréales (pain, pâtes, riz, céréales du petit-déjeuner, biscuits, barres céréalières, etc.), les pommes de terre, les fruits de mer, certains légumes verts tels que les épinards… et le chocolat.
Une teneur en cadmium parfois élevée
Les tests que nous avions réalisés en 2021 sur des tablettes de chocolat noir confirment leur contamination généralisée, dans des proportions qui variaient de 1 à 20 : les teneurs mesurées allaient de 0,022 à 0,458 mg de cadmium par kg de chocolat. Les références bios ou provenant d’Amérique latine affichaient les plus mauvais résultats – tout en respectant les normes.
Les agences sanitaires française et européenne, l’Anses et l’Efsa, ont retenu une dose maximale tolérable de 0,35 μg par kg de poids corporel et par jour pour les humains, soit par exemple 10,5 μg par jour pour un enfant de 10 ans pesant 30 kg, et 26,25 μg pour un adulte de 75 kg. À raison d’une barre de chocolat par jour (soit environ 20 g), ce sont jusqu’à 9 μg de cadmium qui sont potentiellement ingurgités quotidiennement. Cette portion apporte 85 % de la dose maximale chez l’enfant, et le tiers chez l’adulte. Quant à la tablette entière, elle apporterait, au-delà de la crise de foie, entre trois et neuf fois la dose maximale ! Attention aussi aux goûters et petits-déjeuners des enfants, qui contiennent souvent des quantités non négligeables de chocolat…
Le cacao contaminé par les sols
Parmi les ingrédients d’une tablette, c’est le cacao qui est la source de cette contamination. Et c’est la géologie qui est responsable : ce métal est naturellement présent dans la croûte terrestre, dans des concentrations plus élevées dans certaines régions du globe, comme le Maroc ou l’Amérique latine. En se dégradant, la roche libère le cadmium, qui est ensuite absorbé par les plantes. C’est le cas dans de vastes zones de culture de cacao au Pérou, en Équateur ou en Colombie. Comble d’ironie, ces pays ont davantage développé la production de cacao bio, et les filières équitables y sont beaucoup plus implantées qu’en Afrique de l’Ouest ou en Asie du Sud-Est, les autres zones majeures de production. Ce qui explique les mauvais résultats, sur ce critère, des références bios et équitables.
D’autres facteurs peuvent contribuer à cette contamination, tels que « l’acidité des sols, les pratiques agricoles locales (épandages d’engrais, de pesticides, utilisation des cabosses et des feuilles comme source d’humus, etc.) », énumère le Syndicat du chocolat, qui représente les fabricants du secteur (1). Ces derniers sont conscients de ce problème. Pour limiter la teneur dans leurs produits, « les acheteurs imposent des limites sur les fèves de cacao, pour s'assurer que les produits finaux se situent en dessous des niveaux maximums autorisés », explique le Syndicat du chocolat (2). Avec une grande interrogation : les limites fixées par la réglementation européenne sont-elles assez protectrices, dès lors que l’on parle de substance cancérogène ou ayant un effet perturbateur endocrinien ?
Nocif pour la santé
En 2012, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a classé le cadmium cancérogène certain. Il est également suspecté d’être mutagène sur les cellules germinales, toxique pour la reproduction et perturbateur endocrinien, et il peut aussi altérer la fonction rénale et favoriser l’ostéoporose. Son élimination par l’organisme est possible, mais difficile et très lente. Ses effets délétères sont liés à son accumulation dans l’organisme au fil du temps, en particulier dans les reins, le foie et les muscles. Les agences sanitaires française (Anses) et européenne (Efsa) ont établi des doses maximales tolérables pour l’humain. C’est, hélas, insuffisant : l’Anses constate, via les enquêtes épidémiologiques nationales, que l’exposition des Français s’est aggravée ces dernières années, particulièrement chez les enfants de moins de 3 ans.
(1) Concernant les céréales ou les légumes cultivés en France, la pollution est principalement due aux engrais phosphatés à forte teneur en cadmium.
(2) Il est aussi possible de réduire l’absorption du cadmium par les plantes via des pratiques agronomiques adaptées : épandage de chaux ou de charbon bio, semis de plantes bioaccumulatrices, qui pompent cet élément dans le sol, engrais appauvris en cadmium, etc.
Elsa Casalegno