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Covid-19 et vols annulés

L’Europe alerte les autorités sur le non-respect des droits des passagers

Un rapport de la Cour des comptes européenne, publié le 29 juin, montre que les droits essentiels des passagers n’ont pas été garantis pendant la crise sanitaire et ce, malgré les dizaines de milliards d’euros accordés par les États membres aux compagnies aériennes. Elle formule plusieurs recommandations pour renforcer le pouvoir de la Commission européenne de faire respecter la législation.

La pandémie de Covid-19 a, dans les premiers mois de 2020, cloué au sol une bonne partie du trafic aérien mondial : le nombre de passagers dans l’Union européenne a atteint 1 million en avril 2020, soit 99 % de baisse par rapport à 2019. Cette mise à l’arrêt du secteur a entraîné, selon les estimations, l’annulation d’environ 50 millions de billets rien qu’entre mars et mai 2020, forçant les passagers à tirer un trait sur leurs voyages… et trop souvent sur leur argent. Car, comme nous le dénoncions dès le mois de mars 2020, certaines compagnies ont décidé de ne pas proposer des remboursements, mais des avoirs, allant jusqu’à effacer de leur site toute indication sur ce possible remboursement monétaire !

Plus d’un an après le début de la crise, alors que certains passagers attendent toujours leur remboursement pour des vols annulés en mars 2020, la Cour des comptes européenne, basée au Luxembourg, vient de publier un rapport sévère sur la situation. « La crise du Covid-19 a mis en lumière le fait que les passagers aériens n’étaient pas pleinement informés de leurs droits et qu’ils risquaient par conséquent de perdre de l’argent qui leur est dû, écrit-elle dans ce document qui couvre la période allant de mars 2020 à mars 2021. Au moment de notre audit, la possibilité pour les passagers de se faire rembourser n’était toujours pas pleinement garantie, aussi bien lorsque des intermédiaires (par exemple des agences de voyages) étaient impliqués que quand des bons à valoir leur étaient imposés. En outre, les passagers détenteurs d’un billet ou d’un bon à valoir ne sont dans la plupart des cas pas protégés en cas d’insolvabilité d’une compagnie aérienne. »

Le constat de la Cour des comptes rejoint celui dressé par Que Choisir depuis plus d’un an. Elle dénonce, entre autres problèmes, « la distribution automatique de bons, la désactivation des liens vers le remboursement sur leur site Internet, la limitation de l’accès aux informations sur les droits au remboursement » par les compagnies aériennes, mais aussi le fait que les consommateurs ayant réservé via une agence de voyages « se voyaient obligés de contacter aussi bien la compagnie aérienne que l’intermédiaire, et qu’aucun des deux ne se considérait comme responsable du remboursement du billet ».

Les conseils de la Commission non respectés

La Cour des comptes européenne est d’autant plus courroucée qu’elle rappelle que des aides d’État pour un montant de 34,7 milliards d’euros ont été approuvées par la Commission entre mars 2020 et avril 2021, dont 90 % sont allées aux compagnies aériennes. Aucun des dossiers examinés par la Cour ne prévoyait le remboursement des passagers comme condition d’octroi de l’aide, malgré la suggestion de la Commission en ce sens aux États membres. « Les États membres ont laissé la gestion des remboursements des passagers aériens aux mains des seules compagnies aériennes, qui ont utilisé les aides d’État selon leurs propres priorités », regrette la Cour.

La Cour des comptes rappelle également que la Commission a œuvré pour que les droits des passagers soient respectés (une procédure d’infraction a notamment été ouverte contre la France, mais elle a été close lorsque les mesures d’exception prévues par l’ordonnance du 25 mars ont pris fin), mais sans grand effet, car « le cadre juridique est tel que la Commission ne disposait que d’un pouvoir limité pour faire en sorte que les États membres appliquent ces droits ».

Des recommandations formulées

Les compagnies aériennes et États membres ont beau jeu d’expliquer que ces manquements sont dus aux circonstances exceptionnelles liées à la pandémie : la Cour des comptes souligne que les difficultés à faire appliquer le droit ne datent pas d’hier. En 2013, après les perturbations du trafic causées par l’éruption du volcan Eyjafjallajökull, la Commission avait proposé une révision du règlement visant à offrir des garanties plus solides en matière de droits des passagers en temps de crise. Le Parlement européen avait soutenu cette proposition en 2014, mais pas le Conseil. En 2018, la Cour des comptes européenne avait aussi publié un rapport soulignant que la protection des droits des passagers présentait des lacunes.

Certaines des recommandations formulées à l’époque sont reprises dans ce rapport. La Cour des comptes propose, en résumé, « de mieux protéger les droits des passagers aériens et d’améliorer l’information en la matière » ; « de renforcer la coordination des mesures nationales et de lier plus étroitement le versement des aides d’État en faveur des compagnies aériennes au remboursement des passagers » ; « d’améliorer les instruments et la législation visant à garantir les droits des passagers aériens » et « d’examiner si les recommandations formulées dans le présent rapport pourraient être pertinentes pour d’autres moyens de transport également ».

Ces quatre recommandations sont déclinées en propositions concrètes, comme de donner aux passagers la possibilité de soumettre leurs demandes de remboursement aux compagnies aériennes à l’aide d’un formulaire normalisé à l’échelle de l’Union, à l’instar de ce qui a été adopté pour le transport ferroviaire. La création de fonds de garantie pour les annulations de vols et de forfaits comprenant des vols est aussi recommandée. Elle propose aussi de « faire en sorte que chaque compagnie aérienne mette en réserve un pourcentage déterminé de l’acompte payé pour le billet (“fonds cantonnés”) afin de pouvoir faire face aux demandes de remboursement des voyageurs », voire de « limiter la possibilité, pour les compagnies aériennes et les organisateurs de voyages, d’exiger le paiement d’un acompte au moment de la réservation ».

Dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes européenne, la Commission accepte l’ensemble des recommandations formulées et rappelle avoir déjà présenté une proposition législative à cet égard en 2013.

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