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Gaz et électricitéLe grand bazar des offres à prix fixe… qui ne le sont pas

Fabrice Pouliquen

par Fabrice Pouliquen

La grande majorité des fournisseurs de gaz et d’électricité proposent des offres dites « à prix fixe ». En réalité, aucune ne l’est et certaines le sont même moins que d’autres. Explications.

« Mettez-vous à l’abri des hausses de prix de l’électricité », promet TotalEnergies pour promouvoir son offre d’électricité fixe 2 ans. Alors que la crise énergétique de 2022 est encore dans toutes les têtes, cette promesse d’une stabilité des prix appliqués fait certainement mouche auprès de particuliers. Nombreux, en tout cas, sont les fournisseurs d’électricité ou de gaz qui proposent une offre à prix fixe en mettant en avant la protection qu’elle assure contre la volatilité des cours de l’énergie.

Certes, les prix de l’abonnement et du kilowattheure (kWh) varient moins dans ces offres que dans celles indexées sur les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) encadrés par l’État et beaucoup moins même que celles indexées sur les prix de marché. Pour autant, ils ne sont pas entièrement fixes sur la durée du contrat. Surtout, d’un fournisseur à l’autre, ce terme « fixe » recouvre des périmètres bien différents.

Des offres à prix fixe… uniquement sur la part fourniture

Ainsi, dans cette offre fixe 2 ans de TotalEnergies, seuls les prix hors taxes de l’abonnement et du kWh sont fixes. Autrement dit, si au cours du contrat, l’État modifie le montant des taxes ou des contributions appliquées à la fourniture d’énergie, alors TotalEnergies répercutera ces évolutions sur le contrat de ses clients. À la hausse ou à la baisse.

D’autres offres dites « à prix fixe » fonctionnent différemment. Un exemple avec l’offre Constance de La Belle Énergie. Ce fournisseur précise que les prix de l’abonnement et du kWh sont fixés à la souscription du contrat et pour une durée garantie de 2 ans… « à l’exclusion des taxes appliquées », comme pour TotalEnergies donc, mais La Belle Énergie exclut également « l’acheminement ».

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Pas simple à comprendre. Il faut savoir que 3 grandes briques composent le prix final de l’électricité comme du gaz. Elles comptent chacune pour environ un tiers de ce prix.

La part fourniture. Elle couvre les coûts d’approvisionnement (autrement dit, les coûts auxquels le fournisseur achète l’électricité), ses coûts de production (s’il produit lui-même de l’énergie) ou encore sa marge.

La part acheminement. C’est le coût d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution pour acheminer le gaz ou l’électricité du site de production jusqu’à votre logement. Ces tarifs d’utilisation du réseau sont les mêmes pour tous les fournisseurs. Il s’agit du Turpe pour l’électricité et l’ATRD pour le gaz. Ils sont fixés par les pouvoirs publics et évoluent une fois par an.

Les taxes et contributions diverses. Il y en a trois, que ce soit pour le gaz ou l’électricité : la contribution tarifaire d’acheminement (CTA), l’Accise et la TVA à 20 %. Comme pour l’acheminement, les fournisseurs collectent ces taxes auprès de leurs clients avant de les reverser à l’État. Là encore, le montant de ces taxes et contributions varie une fois par an.

Ainsi, dans l’offre d’électricité Constance de La Belle Énergie, seule la partie fourniture reste stable sur la durée de contrat. Pour l’offre fixe de TotalEnergies, c’est le cas de la part fourniture et de la part acheminement. Si jamais le Turpe augmente en cours de contrat, alors le fournisseur ne répercute pas la hausse sur la facture de ses clients mais rogne sur ses marges.

Un début d’harmonisation

Les particuliers qui cherchent avant tout la stabilité dans les prix de l’énergie auront ainsi intérêt à opter pour une offre comme celle de TotalEnergies. Faut-il encore pouvoir les distinguer. Pas évident alors que les subtilités de ces offres à prix fixes sont rarement mises en avant sur les supports commerciaux des fournisseurs. Bien souvent, il faut lire les notes en petits caractères relayées en bas de page ou se plonger dans les fiches descriptives que les fournisseurs doivent publier pour chacune de leurs offres. Dans les deux cas, mieux vaut aimer décrypter les jargons juridiques.

Il y a tout de même un léger mieux depuis novembre 2024. Après concertation des fournisseurs et associations de consommateurs, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ‒ instance chargée de veiller au bon fonctionnement des marchés de l’énergie ‒ a rédigé 13 bonnes pratiques visant à garantir plus de transparence dans les offres d’électricité et de gaz. Sur les 28 fournisseurs nationaux, 20 se sont engagés à les suivre. La mesure 1 leur impose notamment d’appliquer une typologie commune élaborée par la CRE pour classer leurs offres. 5 catégories ont ainsi été définies. L’une d’elles est celle des offres à prix fixe, elle-même divisée en 2 sous-catégories :

Les offres à « prix fixe tout compris », dont les prix ne varient que sur la part taxes et contributions. L’offre fixe 2 ans de TotalEnergies en fait partie. Clairement, très peu de fournisseurs proposent de telles offres aujourd’hui. La CRE en comptabilise six : quatre nationaux et deux locaux.

Les offres « à prix fixe », dont finalement seule la part fourniture du prix de l’électricité ou du gaz est fixe. L’offre Constance de La Belle Énergie est dans cette catégorie, comme la très grande majorité des offres à prix fixe aujourd’hui proposées.

« Offre à prix fixe de la part électricité »

Désormais, ces 20 fournisseurs doivent mentionner dans quelle catégorie se rangent leurs offres. Cette précision est le plus souvent apportée en en-tête de leurs fiches descriptives.

D’abord, il faut le savoir, ensuite l’intitulé de la deuxième sous-catégorie – « offre à prix fixe » ‒ reste très ambiguë, laissant entendre que la totalité du prix de l’électricité ou du gaz sont fixes tout au long du contrat. Pour corriger le tir, la CRE en a changé la dénomination dans une délibération du 6 novembre dernier. D’offre à prix fixe, on passe à offre « à prix fixe de la part de l’électricité » ou « de la part de gaz ». Ces 20 fournisseurs ont jusqu’au 6 janvier pour faire la modification sur l’intégralité de leurs supports commerciaux.

L’instance espère ainsi que cette précision mettra la puce à l’oreille des consommateurs et qu’ils auront plus tendance à aller voir ce qui est réellement fixe dans les offres. Loin d’être évident. On aurait pu imaginer des terminologies plus explicites encore. Par exemple « offre à prix fixe hors taxes et acheminement » ou « offre à prix fixe sur la part fourniture », proposition qui avait le plus les faveurs de l’UFC-Que Choisir. Trop peu vendeur sans doute pour les fournisseurs, mais bien plus précis.

Des offres à prix fixes encore moins fixes avec l’intégration des CEE

Via le mécanisme des certificats d’économies d’énergie (CEE), l’État oblige les fournisseurs d’énergie (électricité, gaz, fioul, carburants…) à financer des actions et des travaux en faveur des économies d’énergie. Chaque fournisseur se voit fixer un objectif triennal de montant d’obligation à atteindre. Ces CEE représentent un coût que les fournisseurs répercutent alors sur la facture de leurs clients. Comme pour les taxes et le tarif d’acheminement, les fournisseurs ne sont pas à l’abri d’évolutions réglementaires modifiant, durant la période de contrats de leurs clients, le montant de leurs obligations liées à ces certificats d’économies.

En publiant ses 13 lignes directrices à l’été 2024, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) n’avait pas prévu que les fournisseurs puissent répercuter ces éventuelles évolutions sur la facture de leurs clients dans leurs offres à prix fixe. Cet obstacle a été levé dans la délibération du 6 novembre dernier : les fournisseurs peuvent désormais intégrer l’ensemble des évolutions réglementaires, y compris celles liées aux CEE, dans la part variable de leurs offres à prix fixe. Ça vaut aussi sur les certificats de production de biogaz, qui concernent exclusivement cette fois-ci les fournisseurs de gaz. En résumé, les offres à prix fixes qui ne l’étaient déjà pas le sont encore moins.

Fabrice Pouliquen

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