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Immobilier défiscalisé

La réforme de trop

Le gouvernement veut rendre la défiscalisation plus attractive pour les classes moyennes. Une bonne idée pour la croissance, un désastre à venir pour les particuliers qui se laisseraient séduire.

La décision n'est pas prise, mais elle est officiellement à l'étude : le ministère de l'Économie envisage de modifier les dispositifs de défiscalisation type Robien, afin de les rendre plus attractifs pour les classes moyennes.

Actuellement, le Robien (du nom de Gilles de Robien, ancien ministre chargé du Logement qui a initié le dispositif) accorde une déduction d'impôt sur le revenu aux particuliers qui investissent dans la pierre, à condition qu'ils mettent leur bien en location pendant au moins 9 ans.

La déduction fiscale est proportionnelle à l'impôt. Schématiquement, plus vous êtes imposé, plus vous pouvez déduire. Bien entendu, ce mode de calcul rend la défiscalisation peu attractive pour les particuliers payant moins de 2 000 euros d'impôt sur le revenu par an. D'où l'idée du gouvernement de transformer l'avantage du Robien. Il deviendrait un crédit d'impôt calculé en pourcentage de l'investissement (avec un plafond).

Des dizaines de villes saturées

Le principe semble attractif. Il relancerait probablement une industrie de la défiscalisation anémiée par la crise. Il doperait l'activité dans le bâtiment, le Robien représentant plus de la moitié de la construction dans le neuf. La réforme serait bonne pour la croissance et le PIB.

Mais elle serait aussi, à n'en pas douter, désastreuse pour les particuliers, à tel point qu'on se demande comment le gouvernement peut l'envisager. Les signes indiquant que le marché du Robien a déraillé sont, en effet, flagrants. Des dizaines de villes moyennes ou grandes sont aujourd'hui saturées de logements trop chers ou mal situés, qui ne trouvent pas de locataire. Or, sans location, pas de défiscalisation, quelle que soit la forme de cette dernière !

Les experts du Crédit foncier, l'Agence nationale d'information sur le logement (Anil) et l'Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) ont dressé le constat : l'offre dépasse la demande en maints endroits. Les quelques excellentes réalisations ne doivent pas faire oublier les programmes désastreux, qui se comptent par dizaines. Même la Fédération des promoteurs constructeurs (FCP), longtemps réservée sur le sujet, a admis ces derniers mois que la défiscalisation posait problème. La rendre plus « attractive » reviendrait à envoyer des particuliers dans le mur. Là où la demande locative est forte, comme Lyon, Nice ou Paris, le foncier fait défaut. Si des programmes Robien voient demain le jour, ce sera dans des agglomérations où on trouve des terrains, mais pas de locataires !

Opération de rabattage

Du reste, une des rares voix qui s'élèvent pour défendre une relance du dispositif est celle de François Jouven, patron d'Akerys, leader national de la défiscalisation. Son groupe est aussi celui qui suscite le plus de récriminations dans les courriers reçus par l'UFC-Que Choisir. La réforme envisagée s'apparente tout simplement à une vaste opération de rabattage en sa faveur.

Il est encore impossible de savoir quelle décision prendra le gouvernement. Si jamais la relance du Robien l'emportait, on ne peut qu'appeler les consommateurs à la plus grande prudence. Les déconvenues ont été très fréquentes ces dernières années. Elles pourraient devenir quasi systématiques avec les programmes à venir.

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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