Audrey Vaugrente
Polémique sur les centres de référence
Cinq centres de référence ont été nommés pour coordonner la prise en charge des personnes souffrant de la maladie de Lyme, transmise par les tiques. Les associations de patients ont exprimé leur inquiétude : dans tous ces hôpitaux exercent des médecins qui se sont publiquement opposés aux recommandations publiées l’an dernier par la Haute Autorité de santé. Explications.
Bénéficier d’une prise en charge structurée, c’était l’attente des associations de patients atteints de la maladie de Lyme, transmise par les tiques. Aucun service hospitalier ne coordonne leur suivi à ce jour. Pour régler ce problème, cinq Centres de référence ont été nommés le 3 juillet, à l’issue d’une réunion au ministère de la Santé(1). Mais les représentants des malades ont déchanté : l’issue, loin de leur être favorable, a réveillé les souvenirs d’une bataille vieille d’un an.
Ces cinq centres sont des « établissements d’expertise, de prise en charge, de recours et de coordination ». Ils ont été choisis sur trois critères : leur qualité scientifique, leur capacité à travailler de manière pluridisciplinaire, et l’importance donnée à la démocratie sanitaire. Leur mission : mener des projets de recherche clinique, suivre les cas complexes qui ont été référés par des hôpitaux moins spécialisés, donner le « la » des bonnes pratiques.
Un désaccord de fond
Ces structures « s’engageront à respecter les recommandations nationales » et à « prendre en compte les attentes des patients et des associations », comme l’a rappelé la direction générale de la Santé (DGS). Et c’est là que le bât blesse. Les associations s’inquiètent car les centres nommés ne leur sont pas vraiment favorables. Dans leurs rangs figurent le groupe hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges (associé au CHU de Créteil), le CHU de Strasbourg (associé au CHU de Nancy), le CHU de Rennes, le CHU de Clermont-Ferrand (associé au CHU de Saint-Étienne) et le CHU de Marseille.
Pour comprendre les inquiétudes des représentants des malades, il faut revenir en juin 2018. La Haute Autorité de santé (HAS) s’apprête alors à publier un protocole de diagnostic et de soins (PNDS) sur la maladie de Lyme, le premier du genre. Associations et sociétés savantes ont travaillé ensemble à son élaboration. Mais peu avant l’annonce officielle, la Société de pathologie infectieuse en langue française (SPILF) refuse de signer le document en raison d’un profond désaccord sur un point : le syndrome persistant polymorphe (SPPT).
Les infectiologues font savoir publiquement leur opposition. La HAS publie tout de même le protocole, sous forme de « recommandations de bonnes pratiques ». En mai 2019, la SPILF édite – avec d’autres sociétés savantes – son propre avis sur la prise en charge de la maladie de Lyme. Deux divergences majeures émergent : les tests sanguins (sérologie) restent un outil diagnostique majeur et le SPPT est nié par ces experts. Parmi les signataires, des médecins exerçant dans la quasi-totalité des hôpitaux nommés Centres de référence – hormis Créteil. On imagine mal comment ces professionnels pourront consentir à appliquer des recommandations à laquelle ils se sont tant opposés.
Un parcours en trois niveaux
Côté patients, on vit ces nominations comme une défaite totale. Les deux centres soutenus par les associations membres du comité de pilotage (France Lyme, Lympact, Relais de Lyme, FFMVT), l’hôpital de Garches et le centre hospitalier de Lannemezan, ont été exclus. Alors on tente de relativiser : le parcours des patients sera structuré en trois niveaux. D’abord le médecin traitant, qui reste le premier référent. Des centres de compétence, pas encore nommés, pourront être sollicités en cas de besoin. Il y en aura un par région. Les centres de référence seront la solution de dernier recours pour les cas complexes.
Reste que le message envoyé est ambigu et que ces intervenants devront bien trouver un point d’accord. La DGS a rappelé que soulager les patients est l’objectif clé. Par ailleurs, en septembre, ces acteurs se retrouveront pour une mise à jour des recommandations de la HAS. Il y a fort à parier que les débats seront houleux.
(1) Cinquième comité de pilotage dans le cadre du plan national de prévention et de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques.