par Anne-Sophie Stamane
MédecinsDes aides à l’installation peu utiles, voire injustifiées
La Cour des comptes déplore, dans un récent rapport, que les médecins bénéficient d’exonérations fiscales sans lien avec les besoins de santé des territoires.
Pour convaincre les médecins, jeunes et moins jeunes, d’aller s’installer dans les territoires où l’offre se raréfie, le soutien financier est, depuis longtemps, la principale carotte utilisée par les pouvoirs publics, tant au niveau national que local. Encore faut-il que les nombreux dispositifs d’aide actuels soient pertinents.
C’est loin d’être toujours le cas. Ainsi, dans son récent rapport consacré aux subventions existantes, la Cour des comptes relève une véritable anomalie : les médecins fraîchement diplômés peuvent bénéficier, les premières années, d’exonérations fiscales très avantageuses, à condition d’ouvrir leur cabinet dans une zone franche urbaine (ZFU) ou dans une zone « France ruralités revitalisation » (ZFRR). Pourtant, ces territoires ne sont pas nécessairement des déserts médicaux…
76,2 millions d’euros en 2023
D’ailleurs, ceux où les professionnels de santé manquent ont leurs propres sigles : les plus touchés s’appellent « zones d’intervention prioritaire » (ZIP), les autres, « zones d’accompagnement complémentaire » (ZAC). En somme, ces allègements fiscaux constituent aux yeux de la Cour des comptes des aides injustifiées, puisque accessibles indépendamment des besoins de santé de la population. D’autant qu’ils représentent un montant loin d’être anecdotique : en 2023, leur coût total a atteint 76,2 millions d’euros (pour un peu plus de 5 000 bénéficiaires). Dans la mesure où des systèmes d’incitation existent spécifiquement pour attirer les jeunes docteurs en zones sous-denses, la Cour des comptes ne voit aucune raison de maintenir les exonérations fiscales liées aux ZFU et ZFRR. Pas sûr qu’elle soit entendue : le projet de budget pour 2026 prévoit d’étendre aux médecins les avantages fiscaux liés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, dont le périmètre est plus vaste que celui des ZFU.
L’argent n’est pas le nerf de la guerre
Tout en faisant le distinguo entre les coups de pouce justifiés par une réelle désertification médicale, et ceux qui ne le sont pas, la Cour des comptes reconnaît une réalité bien connue des spécialistes de la démographie médicale : attirer les jeunes médecins en leur promettant plus d’argent n’a jamais réellement fonctionné. Pour une raison simple : s’installer dans une zone « désertifiée » garantit très rapidement des revenus confortables, car la demande sera au rendez-vous.
D’autres critères comptent plus : l’exercice en équipe, les opportunités d’emploi pour le conjoint, la présence de services publics comme les écoles ou les crèches. Il est également établi que les jeunes originaires du territoire sont plus enclins, une fois leurs études de médecine terminées, à s’y installer.
L’UFC-Que Choisir demande aussi que l’installation des médecins, comme celle des pharmaciens ou des dentistes, fasse l’objet d’une régulation.
Anne-Sophie Stamane