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Résidence de tourisme

Le gouvernement se penche enfin sur les dérives

Le secrétariat d’État au tourisme a décidé « la mise en place d’un groupe de travail » qui va se pencher sur les résidences de tourisme et « les risques financiers pour les propriétaires-investisseurs ». Il était temps.

La décision du secrétariat d’État au tourisme n’a pas fait l’objet d’une annonce officielle, mais les associations de propriétaires ont été informées par courrier. Le groupe de travail sera animé par la sous-direction du tourisme, en copilotage avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).  Il commencera le 20 ou 21 octobre par une réunion sur « l’information préalable du consommateur ».

Celle-ci est gravement défaillante, comme Que Choisir l’explique en détail dans une récente enquête sur l’immobilier défiscalisé. La DGCCRF s’est déjà penchée sur le sujet en 2013. Les commercialisateurs exagèrent les perspectives de rendement, qu’ils basent sur des loyers irréalistes, en général revus à la baisse de 30 % à 60 % après une saison sans locataire. Quant aux promoteurs, ils sont très discrets sur l’état réel du parc de résidences français, en particulier à la montagne. Les assises du tourisme qui se sont tenues en juin 2014 ont pourtant largement abordé la question de ce qu’on appelle les « lits froids ». Les stations des Pyrénées et des Alpes, en particulier les Alpes du Sud, regorgent de résidences des années 1970 et 1980 qui ne se louent plus. Leurs propriétaires, souvent âgés, les occupent seulement quelques jours par an. Cette situation connue n’a pas empêché les promoteurs de lancer des programmes de résidences représentant des dizaines de milliers de lits supplémentaires dans les années 2000, dans le cadre des lois Demessine ou Censi-Bouvard. Les élus locaux ont délivré les permis de construire en faisant mine de croire que le parc existant ne pesait pas sur les loyers décemment exigibles. Résultat, des stations comme Font-Romeu (66) ou Superdévoluy (05) vides à 90 % en été et qui peinent à franchir la barre des 40 % d’occupation en moyenne sur un hiver. Même la semaine de Noël, les hôtels de stations des Alpes du Sud sont vides à 40 % (57 % de taux d’occupation exactement en 2012, selon les chiffres de l’Observatoire national des stations de montagne).

Les chiffres exagérés du tourisme hexagonal

Les travaux du groupe de travail apporteront d’ailleurs peut-être des éléments de réponse à une question récurrente. Pourquoi la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) exagère-t-elle systématiquement les chiffres de fréquentation touristique de la France ? Le communiqué rituel annonçant que le pays a battu un record mondial (85 millions de visiteurs en 2015, après 83,7 millions en 2014…) est devenu un motif de plaisanterie chez les professionnels indulgents, et d’agacement chez les autres. Voici ce qu’écrivait le 12 août 2014 à ce sujet le très sérieux Comité pour la modernisation de l’hôtellerie et du tourisme français : « Beaucoup de facteurs indiquent que la façon d’établir ces statistiques officielles ne peut être qu’approximative, sinon légère. En premier, la dépense moyenne par touriste venant en France est extrêmement basse. Si on divise en toute simplicité les recettes touristiques "officielles" par le nombre d’arrivées "officielles", on obtient seulement 647 $ de dépenses par touriste en 2012, ce qui relègue la France au 83e rang mondial sur ce registre » ! Pour ne prendre qu’un exemple, la France compte comme deux visiteurs (une fois à l’aller, une fois au retour) le Néerlandais qui traverse notre pays en une journée pour se rendre en Espagne. En apparence inoffensive, cette désinvolture contribue à entretenir des illusions sur le potentiel du secteur. Et elle a justifié des dispositifs de défiscalisation immobilière dont la remise à plat n’a que trop tardé.

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