par Arnaud Murati
VoitureQuand la radio n’est plus de série sur les véhicules neufs

Alors que les prix des voitures neuves explosent, certains constructeurs dépouillent leurs versions d’entrée de gamme afin de tirer les prix vers le bas : Dacia ou encore Citroën ont ainsi décidé de se passer de radio sur certains modèles. Ce qui entraîne de vrais risques de dérives, selon l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (Arcom).
À 16 900 € la citadine, impossible de proposer une radio de série ? La Dacia Spring « Essential », comme les autres Dacia qui proposent cette finition d’entrée de gamme, fait désormais fi de l’autoradio. « Pour une offre essentielle, il faut faire la chasse aux éventuels doublons et le smartphone fait office de navigateur, radio, etc., avec une optimisation de son intégration dans l’environnement du véhicule », indique-t-on chez Dacia. La marque roumaine n’est pas la seule à procéder de la sorte. Sur la récente Citroën C3, décision a aussi été prise de se passer de la radio : « Ce choix résulte d’études clients et d’observations de leurs usages. Les smartphones, indispensables à notre quotidien, se sont démocratisés et intègrent de nombreuses fonctionnalités permettant de se divertir, de se déplacer ou de s’informer », explique la marque aux chevrons. Il s’agit donc de ne plus écouter directement ses stations préférées sur les modèles d’entrée de gamme ; la radio fait en revanche toujours partie des équipements proposés de série sur les finitions supérieures.
Un enjeu quasi vital aux États-Unis
Cette absence d‘autoradio sur les véhicules les plus abordables pourrait passer pour une broutille si elle n’était pas symptomatique d’un mouvement de fond : les constructeurs automobiles ont de plus en plus tendance à négliger l’équipement radio. Volonté réelle de faire des économies, ou pression de certains de leurs partenaires ? En Italie, l’affaire fait déjà grand bruit : « Vingt-six millions d’Italiens risquent de se retrouver à voyager en voiture sans pouvoir écouter la radio », peste Massimiliano Capitanio, commissaire de l’Agcom, qui représente l’Autorité de garantie des communications de l’autre côté des Alpes. Aux États-Unis, l’Association nationale des radiodiffuseurs publics (Nasba) pointe le risque sécuritaire de l’absence de radio à bord des véhicules : « La radio AM [les ondes courtes, ndlr] joue un rôle vital dans le système d’information d’urgence de notre nation, elle en est la colonne vertébrale, rappelle l’association. Quand l’électricité est coupée et que les réseaux de téléphonie mobile ne fonctionnent plus, la radio dans la voiture est souvent le seul moyen de s’informer pour les populations, parfois durant plusieurs jours. » Il est vrai que le sud des États-Unis est régulièrement sujet à des ouragans et autres phénomènes climatiques extrêmes.
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Point d’ouragan dans l’Hexagone, mais la préoccupation des autorités qui s’occupent de la radio n’en est pas moins vive. L’Arcom, le régulateur de la communication audiovisuelle en France, avait déjà remarqué que les constructeurs automobiles renâclaient de plus en plus à installer la radio à l’occasion de la rédaction d’un livre blanc paru en 2024 : « Depuis 2011, la voiture est le premier lieu d’écoute de la radio. Si cette tendance allait jusqu’à l’éviction de l’audience hertzienne par l’IP, cela engendrerait certains risques pour les éditeurs comme pour les citoyens. » Sollicité par Que Choisir, Romain Laleix, membre du collège de l’Arcom, s’explique : « La radio, c’est universel et totalement égalitaire : vous choisissez la radio que vous voulez écouter. Demain, les distributeurs ne seraient pas obligés de reprendre tous les signaux et ils pourraient mettre en avant telle ou telle radio. C’est un énorme problème, nos voisins britanniques ont commencé à s’en soucier dans le domaine des enceintes connectées. »
Risques de dérive
La donne est donc la suivante : s’il n’y a plus de radio à bord et que les automobilistes s’y connectent avec leur smartphone, un tiers (un distributeur) va s’instituer entre les radios et le grand public. Ce tiers pourra ainsi prendre le contrôle de la diffusion de la radio à bord de la voiture. Telle fréquence n’est pas au goût du constructeur ? Qu’à cela ne tienne, le distributeur a accepté de ne plus la proposer dans les voitures de cette marque. Telle fréquence n’a pas souhaité rémunérer le distributeur ? Elle ne sera plus proposée, voilà tout… « C’est aussi une question de justice sociale que de ne pas priver les automobilistes de l’accès au service universel, gratuit et anonyme qu’est la radio hertzienne », fait encore remarquer l’expert de l’Arcom.

En attendant d’y apporter une réponse au niveau européen, ce souci de disparition progressive de l’autoradio pourrait être prochainement traité au niveau français. Dans la très controversée proposition de loi de réforme de l’audiovisuel public, le sénateur auteur du texte a glissé un article consacré à la radio : « Tous les véhicules neufs devront également permettre de recevoir la radio numérique terrestre », est-il simplement proposé.
Les résultats de nos tests de voitures :
Arnaud Murati