BILLET DE LA PRÉSIDENTE

Sous le sapin, la concentration du marché des communications électroniques en guise de cadeau empoisonné ?

Après plusieurs mois terrée dans l’ombre, l’hypothèse d’une concentration dans le secteur des télécommunications prend à nouveau les lumières de l’actualité par le biais d’informations concernant un possible rachat de Bouygues Telecom par Orange. Les démentis à l’eau tiède des responsables des deux opérateurs interrogés en on conjugués aux indiscrétions obtenues par les journalistes en off laissent entendre que cette négociation a des chances non négligeables d’aboutir à un accord de rachat.
Si cet accord devait se concrétiser, la voie vers le rachat effectif de Bouygues Telecom par Orange ne serait pas pour autant royale : en termes concurrentiels, ce scénario poserait un problème d’ampleur. Compte tenu de la structure du marché des télécommunications (aussi bien sur le mobile que sur le fixe) et des acteurs au centre de cet accord, il est absolument certain que cette fusion ne pourrait pas correspondre à une simple addition des parts de marché d’Orange et de Bouygues Telecom. En effet, les indices de concentration du secteur vireraient au rouge vif et des mesures correctives seraient alors immanquablement exigées par les autorités compétentes et notamment la Commission européenne qui aurait vraisemblablement la main sur le dossier (l’Autorité de la concurrence et l’ARCEP donneraient a minima leurs avis sur la question).
Evidemment, le veto que risquerait d’opposer la Commission européenne est une invitation pour les opérateurs à ficeler un accord intégrant cette perspective. C’est pour ça que je n’ai pas été surpris de lire que Free Mobile serait actuellement une partie prenante des discussions afin de racheter une partie du réseau de Bouygues Telecom et de récupérer éventuellement une partie de ses clients. Ce déroulement actuel des négociations, tel qu’il est rapporté par de nombreux médias généralement bien informés, ne sauraient me laisser sans réaction.
Si le principe selon lequel Free ne doit pas être laissé pour compte dans le cadre d’une concentration du secteur autour de trois acteurs n’est pas contestable c’est d’ailleurs ce que je préconisais en juin dernier au moment de la tentative de rachat de Bouygues Telecom par SFR/Numericable , le fait que ces tractations précédent l’accord de rachat est porteur d’interrogations. Est-on assurés que seuls des éléments techniques et financiers font l’objet de tractations ? La question des stratégies concurrentielles des opérateurs est-elle également à l’ordre du jour ? Si je pose ces questions, c’est que je n’oublie pas que par le passé trois opérateurs avaient su s’entendre pour geler leurs parts de marché, annihilant de facto une concurrence limitant leurs marges. A l’initiative de l’UFC-Que Choisir, la pratique avait d’ailleurs été alors sévèrement condamnée par le Conseil de la concurrence !
Pour être sûr que les négociations en cours entre les opérateurs ne se résument à un « passe-moi la salade, je t'envoie la rhubarbe » au détriment de l’intensité concurrentielle et donc au préjudice des consommateurs, il conviendra que toute la lumière soit faite.
Quoi qu’il en soit, si le renforcement de Free dans l’opération en cours constitue une mesure nécessaire, elle ne saurait être suffisante car elle ne préjugerait en rien du maintien de la concurrence une fois la concentration du secteur acquise. Noël ou pas, les consommateurs ne se laisseront pas « enguirlander » par de simples promesses sur le maintien d’une réelle concurrence dans le secteur des communications électroniques !
En cas de concentration du secteur, il conviendra de mettre en place tous les éléments garantissant aux consommateurs qu’un défaut de concurrence constaté (aboutissant à une hausse des prix des forfaits mobiles et/ou une hausse des abonnements en Internet fixe) sera promptement corrigé. Sur l’internet mobile, la possibilité de réserver des fréquences mobiles à des opérateurs virtuels indépendants des opérateurs de réseau ou à de potentiels nouveaux acteurs doit être considérée ; sur l’internet fixe, la capacité des fournisseurs d’accès alternatifs à accéder à des tarifs raisonnables aux réseaux pour proposer des prix attrayants aux consommateurs devra être assurée, a fortiori dans un environnement marqué par la fin programmée du réseau de cuivre.
C’est donc sur cette perspective d’une année 2016 peut-être charnière dans l’histoire des télécommunications que je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année.

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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