GUIDE D'ACHAT
Complémentaire santé individuelle

Comment choisir une mutuelle ?

Entre l’inflation des honoraires médicaux et la réduction des remboursements, la mutuelle apparaît plus que jamais indispensable. Mais son coût ne cesse d’augmenter. D’où l’importance de souscrire un contrat au ratio prix/garanties optimal.  

Plus personne ou presque n’envisage aujourd’hui de se passer d’une complémentaire santé. Ce contrat que l’on appelle couramment « mutuelle » est en effet au cœur de notre système de santé puisque Sécurité sociale et organismes complémentaires se partagent la prise en charge financière des soins quotidiens (consultations, médicaments) et de ceux qui le sont moins (hospitalisation, appareillage dentaire…). Pour autant, comment s’y retrouver dans ce marché pléthorique de l’assurance individuelle qui se caractérise par un « foisonnement de contrats qui rend l’offre difficilement lisible », si l’on reprend les termes employés dans une note du Conseil d’analyse économique (CAE), instance présidée par le Premier ministre et composée de chercheurs et d’économistes de sensibilités diverses ? Les clés pour vous y aider.

Appréhender les différents niveaux de garanties

La plupart du temps, les contrats individuels responsables et solidaires, qui représentent la quasi-totalité des contrats du marché, comportent 2 ou 3 niveaux de garanties, le marketing se chargeant d’en donner une définition maison, c’est-à-dire propre à chaque assureur, d’où la difficulté de pouvoir comparer les offres en un coup d’œil !  

1er niveau de garantie : le ticket modérateur

Le premier niveau de garantie couvre en principe le seul ticket modérateur, pour les postes de soins les plus courants : consultation, médicaments, soins paramédicaux… Il propose aussi l’offre 100 % santé pour les équipements optiques, dentaires et les audioprothèses éligibles. Dans l’esprit, ces contrats de premier niveau s’apparentent peu ou prou à la complémentaire santé solidaire (C2S) et seules les personnes au budget extrêmement restreint, mais dont les revenus sont trop élevés pour prétendre à la C2S, optent généralement pour un tel contrat. 

Il en va de même pour les adeptes des alternatives médicales (homéopathie, phytothérapie…) qui, en cas de problème médical grave ou persistant, seront couverts à moindre coût. Pour les soins courants et l’hospitalisation, dans la mesure où vous respectez non seulement le parcours de soins coordonnés, mais évitez à tout prix les consultations ou les actes avec dépassements d’honoraires, votre reste à charge se limitera aux participations et franchises usuelles. À noter que le forfait journalier hospitalier est désormais remboursé de façon illimitée dans le temps (ce n’est pas toujours le cas pour les hospitalisations en établissement psychiatrique). 

Pour les médicaments dont le service médical rendu est « majeur ou important » ainsi que pour les préparations magistrales, le ticket modérateur vient compléter les remboursements de l’assurance maladie qui ont lieu à hauteur de 65 %. En revanche, pour les médicaments considérés par l’assurance maladie obligatoire comme ayant un « service médical rendu modéré ou faible », la plupart des complémentaires basiques excluent toute prise en charge de leur ticket modérateur. Quant aux actes ou équipements coûteux (monture de lunettes, prothèse dentaire…), mieux vaut se tourner vers les équipements 100 % santé car ce type de contrat ne sert pas à grand-chose, sauf si l’organisme assureur a introduit des bonus ou des options lui permettant de se distinguer des produits de la concurrence, ce qui est de plus en plus rare pour ces contrats.

2e et 3e niveaux de garanties

Les autres niveaux de garanties sont plus couvrants, mais plus chers aussi. Tous ont la particularité de prendre en charge une part plus ou moins élevée des dépassements d’honoraires médicaux ou chirurgicaux (150 % ou 200 % par exemple avec des prises en charge moindres si vous ne respectez pas le parcours de soins coordonnés), d’offrir des remboursements sous forme de forfaits pour divers équipements (monture et verres de lunettes, prothèses…), pour des actes totalement ignorés par l’assurance maladie (ostéopathie, naturopathie…) ou encore pour les frais de séjour à l’hôpital (forfait pour une chambre individuelle, pour des repas spécifiques…). Chaque organisme assureur a ici la liberté de bâtir les garanties de ses contrats. La concurrence est donc particulièrement vive.

Analyser sa consommation de soins

Pour autant et même si vous êtes du genre « ceinture et bretelles », rien ne sert de vous assurer au maximum si vous consommez volontairement au minimum ! Pour choisir avec perspicacité votre niveau de garantie, analysez votre comportement en tenant compte :

  • de la façon dont vous respectez ou non le parcours de soins coordonnés ;
  • de la fréquence de vos soins (consultations et médicaments hors dispositif pour affection de longue durée) ;
  • du type de vos soins (conventionnels, c’est-à-dire remboursés pour partie par l’assurance maladie ou non) et de leur tarif (avec ou sans dépassements d’honoraires). 

Faites ensuite un calcul chiffré de leur coût annuel réel après prise en charge de l’assurance maladie obligatoire (il ne reste donc à votre charge que le ticket modérateur, le forfait journalier hospitalier le cas échéant et les éventuels dépassements d’honoraires) et comparez ce montant à ce que vous coûterait une complémentaire basique (limitée au remboursement du ticket modérateur). Si le total de vos restes à charge demeure inférieur à ce que vous devriez débourser pour une individuelle santé, vous pouvez envisager de vous passer de mutuelle, ne serait-ce que temporairement. Dans le cas inverse, en fonction de l’importance du ratio obtenu, vous aurez une meilleure idée du niveau de garanties à souscrire.

Comprendre la mécanique des options

C’est une tendance récente dans laquelle s’engouffrent de nombreux acteurs : vous permettre de moduler votre contrat par le biais de différentes options qui vous permettent, ponctuellement, d’être mieux remboursé. Avantage de ce système : obtenir des renforts de remboursement sur certains postes de soins sans avoir à souscrire un niveau général plus élevé sur toutes les garanties. Inconvénient : à terme, ce système n’est pas forcément moins cher. Contrairement à ce que le marketing laisse entendre, ces renforts qui sont de fait systématiquement consommés conduisent en effet les organismes assureurs à majorer dès le départ la cotisation demandée !

Repérer les bonnes opérations commerciales

Comme au supermarché, les promotions se multiplient sans complexes dans les rayons des mutuelles. Notamment en fin d’année où, pour vous inciter à changer d’organisme (les contrats débutent souvent en janvier), 1 mois, plus rarement 2 mois de cotisation (répartis dans ce cas sur 2 années consécutives) peuvent vous être offerts. Et parce que deux adhésions valent mieux qu’une, celle du conjoint permet souvent de faire baisser la facture de 5 % par an. 

Depuis peu, il y a encore mieux… Certains organismes ont mis en place un système de compensation qui vous accorde une ristourne, de 10 % le plus souvent, sur le montant de la cotisation à condition que vous acceptiez un reste à charge de 1 € ou de 2 € par exemple par ordonnance de pharmacie ou par consultation. D’autres organismes proposent une option qui limite les remboursements de médicaments à ceux qui sont uniquement remboursés à 65 % par l’assurance maladie, car leur service médical rendu est considéré comme majeur ou important (contrairement aux médicaments remboursés à 30 % dont le service médical rendu est modéré ou à ceux remboursés à 15 % du fait d’un service médical faible). Ces incitations peuvent faire mouche si vous êtes plutôt en bonne santé ou, au contraire, si vous souffrez d’une pathologie considérée comme une affection de longue durée (ALD) pour laquelle les soins et les médicaments s’y rapportant sont pris en charge à 100 % par l’assurance maladie. Mais si vous devez multiplier subitement consultations et soins, vous ne serez probablement pas gagnant !

Saisir les économies des réseaux de santé

Ces réseaux regroupent des professionnels qui acceptent de baisser leur prix en contrepartie d’un afflux de clients. Pour l’optique comme pour les prothèses dentaires ou auditives, c’est un vrai plus puisqu’il limite les restes à charge (les prix sont plus raisonnables) pour les patients. Pour l’optique surtout, c’est un paramètre dont il faut impérativement tenir compte au vu de la nouvelle réglementation des contrats responsables qui plafonne en montant d’une part, et dans le temps d’autre part, les remboursements. Pour autant, attention à l’interprétation qu’en font les acteurs du marché… Certains assureurs proposent ainsi un seul et même forfait de remboursement, quel que soit votre choix : vous diriger vers un professionnel totalement indépendant ou un professionnel rattaché à leur réseau de partenaires santé. À l’inverse, les mutuelles sont autorisées à aller vers des remboursements forfaitaires à deux niveaux, sachant que le niveau le plus élevé (qui peut être jusqu’à 2 ou 3 fois supérieur à celui du second niveau !) est strictement réservé aux actes effectués auprès de leur réseau de soins. 

Savoir profiter de remboursements majorés

Autre tendance qui vise à un comportement plus responsable : l’accès à des bonus. Le principe est très simple : ne pas consommer le forfait optique ou dentaire deux années consécutives ouvre droit l’année suivante et celle d’après, à une majoration de ce même forfait (220 € puis 250 € au lieu des 200 € initiaux par exemple). Certains contrats figent même le bonus à son maximum la 4e année. Revers de la médaille : il faut évidemment conserver le contrat plusieurs années pour en profiter !

Accorder de l’importance aux prestations d’assistance

De plus en plus d’organismes complémentaires introduisent dans leurs contrats un volet « assistance » (compris d’office ou éventuellement proposé sur option) opérationnel en cas d’hospitalisation. Même si les prestations proposées varient d’un assureur à l’autre, on y trouve fréquemment le portage de repas, la livraison de médicaments, le bénéfice d’heures de ménage si personne dans l’entourage immédiat ne peut aider l’assuré et le gardiennage temporaire des animaux domestiques. Lorsque l'on avance en âge, la présence de ce type de prestations d’assistance constitue un élément différenciant tout aussi important que les niveaux de prise en charge des différents postes de soins : il convient donc de les examiner de près. Les acteurs les plus performants sur ce point sont les mutuelles : certaines appliquent aussi ce type de prestations aux maternités à risque (heures d’aide à domicile…) ou aux personnes en perte d’autonomie (visite d’un ergothérapeute, installation d’un service de téléassistance…). 

Un tarif de plus en plus fonction du risque

Le prix d’une mutuelle dépend essentiellement de la consommation de soins et de biens médicaux, du niveau de garanties choisi, mais aussi de l’âge de la personne assurée (celui-ci va très souvent crescendo avec la consommation de plus en plus forte des garanties). En bref, la cause des augmentations régulières de cotisations est due pour partie au vieillissement de la population. Pour les assureurs, ces hausses de tarif sont annuelles ; pour les mutuelles, elles peuvent avoir lieu par paliers, tous les 5 ans par exemple, mais cela devient de plus en plus rare. 

D’autres paramètres interviennent également dans le montant de la cotisation : lieu d’habitation (en PACA comme en Île-de-France, les dépassements d’honoraires sont plus fréquents tandis qu’en Alsace-Moselle, les complémentaires interviennent moins du fait d’un régime d’assurance maladie local spécifique), catégorie socio-professionnelle et sexe. À l’opposé, certaines (mais rares) mutuelles appliquent une tarification en lien direct avec le niveau de revenus ou de pension de retraite. 

À noter enfin que certaines collectivités territoriales ont mis en place ces dernières années des mutuelles communales qui s’adressent aux habitants ne pouvant plus bénéficier d’un contrat collectif (retraités, jeunes sans emploi…) et pour lesquels le prix d'un contrat individuel est cher, voire dissuasif, ainsi qu’aux personnes ne pouvant pas non plus bénéficier de la complémentaire santé solidaire du fait de revenus juste au-dessus des plafonds d’éligibilité. L’avantage principal de ce type de contrat (dûment négocié en amont avec un organisme assureur) est de ne pas tenir compte de l’âge des assurés, ce qui peut être intéressant pour des personnes âgées aux ressources modestes mais néanmoins au-dessus des plafonds de la complémentaire santé solidaire. Cependant, et cela peut aussi être un inconvénient, il n’existe généralement qu’un seul niveau de garanties, choisi pour répondre aux besoins du plus grand nombre.

Des cotisations en hausse constante

Sécurité sociale et mutuelles se partagent la prise en charge financière des soins. Cette répartition est pourtant loin d’être harmonieuse : au-delà des grandes orientations publiques en matière de santé, elle s’est construite en partie au détriment des assurés. Face aux hausses régulières et ininterrompues des dépenses de santé (+2 % en 2022, après +9,19 % en 2021 et +3,4 % en 2020) et qui se chiffrent à 4 600 € par habitant, et face au déficit structurel de la branche maladie de la Sécurité sociale, de multiples mesures d’économies n’ont cessé d’être prises depuis ces vingt dernières années : instauration d’un parcours de soins coordonnés, de participations forfaitaires et de franchises, diminution des taux de remboursement de certains médicaments ou de certains actes… Toutes ces mesures ont directement impacté le budget des particuliers. Car les complémentaires santé, qui répondent pour la quasi-totalité d’entre elles au cahier des charges des contrats dits « responsables », ont interdiction de rembourser tout ou partie de ces différents frais ou restes à charge. 

Parallèlement, les transferts de remboursement se sont accentués, obligeant les complémentaires santé à intervenir davantage dans la prise en charge financière des soins. Il en va ainsi du dispositif 100 % santé en optique, audioprothèses et prothèses dentaires, ce qui a représenté, en 2022, un tiers des dépenses financées par les seuls organismes complémentaires ! (1) Il en va également de l’augmentation de la consommation de soins hospitaliers (+4,3 % en 2022, après +6,7 % en 2021 et +6,2 % en 2020) pour lesquels les assureurs santé prennent en charge le forfait journalier hospitalier notamment, de la hausse de la consommation de médicaments (+5,3 % en 2022 et +4,3 % en 2021) et, plus récemment, de l’augmentation du ticket modérateur pour les soins bucco-dentaires, hors offres 100 % santé (celui-ci est ainsi passé de 30 % à 40 % en octobre 2023). Sans oublier les dépassements d’honoraires éventuellement financés (tout dépend du niveau de garantie souscrit) par les seuls organismes complémentaires : depuis 2011, le nombre de médecins spécialistes pratiquant des dépassements a par exemple augmenté de +0,9 % par an en moyenne selon les données de l’assurance maladie (cette tendance est au contraire au repli pour les médecins généralistes).

Résultat : lorsque les assureurs santé mettent davantage la main au portefeuille, les cotisations des assurés subissent de fortes augmentations ! Pour la seule année 2024, ces hausses devraient se situer entre +5 % et +10 %. La participation directe des ménages aux dépenses de santé s’établit à 17 milliards d’euros en 2022. Plus concrètement, le reste à charge moyen a été évalué à 250 € par an et par habitant pour 2022. Le rapport de la Drees note toutefois que « cette moyenne cache de grandes disparités de reste à charge selon l’âge ou l’état de santé » (1). 

(1) Source : Drees, Les dépenses de santé en 2022, édition 2023.

Roselyne Poznanski

Roselyne Poznanski

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