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Alcool

Aucune consommation protectrice

L’idée selon laquelle il vaudrait mieux boire modérément, notamment du vin, que ne pas boire du tout est largement répandue. Un récent rapport de l’Inserm dément cette croyance.

Boire deux verres de vin par jour serait favorable à la santé, si l’on en croit une idée reçue largement diffusée. Selon ses propagateurs, il faudrait même voir dans une consommation modérée de vin l’une des explications du « french paradox » (1). Un rapport récemment publié par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dément catégoriquement cette assertion qui paraissait pourtant étayée par des recherches scientifiques sérieuses. Ces publications semblaient démontrer qu’il était préférable de boire de l’alcool modérément que de ne pas en boire du tout. Autrement dit, selon elles, les abstinents creuseraient leur tombe avec leur verre à eau. « En réalité, si l’on ne s’intéresse qu’aux études de bonne qualité, on ne constate plus aucun effet protecteur des faibles consommations », pointe Mickael Naassila, directeur du Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances de l’Inserm.

Problèmes méthodologiques majeurs

Car selon la rigueur avec laquelle le protocole est établi et les résultats interprétés, les conclusions peuvent considérablement varier. Or, des problèmes méthodologiques majeurs entachent la fiabilité de nombreuses études. Exemple donné par Mickael Naassila : « Dans bien des cas, les anciens gros buveurs qui ont arrêté sont classés dans les abstinents, alors que leur renoncement à l’alcool peut venir du fait qu’ils avaient des problèmes de santé. Donc comparativement, ceux qui boivent deux verres par jour apparaissent moins malades que les abstinents, mais c’est une illusion. » Des facteurs confondants peuvent aussi biaiser les résultats, notamment divers facteurs de risque cardiovasculaire (diabète, obésité, hypertension, etc.) qui incitent à ne pas boire d’alcool. Si les personnes concernées développent une maladie cardiovasculaire lors de l’étude, c’est en raison de ces problèmes préexistants, pas parce qu’elles n’ont pas touché à un verre. Autre problème, la plupart des évaluations sont basées sur la déclaration ‒ on se contente de demander aux personnes combien elles boivent ‒ ce qui entache leur fiabilité. Ainsi, la quantité d’alcool pur que les Français déclarent consommer est aujourd’hui de 11 g par jour alors qu’il s’en vend l’équivalent de 27 g par jour et par habitant. On ne peut se fier à des données aussi peu solides que le nombre de verres déclarés pour tirer des conclusions. Des publications plus récentes, utilisant une autre technique basée sur des marqueurs qui reflètent la consommation réelle d’alcool, ne retrouvent pas d’effet protecteur des faibles consommations.

D’autres recherches menées non pas sur les populations mais sur les composants du vin ont le défaut de toutes les expériences in vitro : utiles pour ouvrir des pistes, elles ne considèrent qu’une partie de la question. Les polyphénols du vin ont certainement des propriétés antioxydantes sur des cellules en laboratoire. « Mais ces études sont menées avec des quantités astronomiques, sans commune mesure avec celles contenues dans les boissons, relève Mickael Naassila. Surtout, l’éventuel effet protecteur est très largement contrebalancé par l’effet délétère d’autres composants de l’alcool. En particulier son premier métabolite, l’acétaldéhyde, toxique à divers titres. »

Si une consommation modérée n’est pas protectrice, elle est, très logiquement « à moindre risque », comparativement à un apport plus important, selon la terminologie employée par Santé publique France. Ses recommandations ? Pas plus de deux verres par jour, pas plus de dix verres par semaine, des jours sans alcool. En les respectant, on ne pourra plus croire qu’on boit pour garder la forme. On devra se contenter d’y trouver du plaisir. Ce qui n’est pas rien !

(1) L’expression est issue d’une étude publiée en 1981 montrant une faible mortalité cardiovasculaire en France comparativement à d’autres pays, malgré une consommation élevée de graisses.

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