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ArnaqueUn faux courtier plus vrai que nature

Marie Bourdellès

par Marie Bourdellès

Les consommateurs en quête d’un emprunt immobilier continuent à être la cible d’escrocs usurpant l’identité de vrais courtiers. Les échanges et la procédure mise en place sont tellement professionnels que l’une de nos adhérentes s’est récemment fait piéger. Récit.

En résumé

  • Un internaute renseigne ses données personnelles sur un faux site de courtage, sans le savoir. Il demande à être contacté. Des escrocs usurpant l’identité de vrais courtiers en prêt immobilier l’appellent et entament une recherche d’emprunt, jusqu’au paiement de l’apport sur un compte frauduleux.
  • Les malfaiteurs maîtrisent les pratiques et procédures propres au courtage en prêt immobilier sur le bout des doigts. Ils sont aussi très convaincants et parviennent à délester les victimes de quelques milliers à plusieurs dizaines de milliers d’euros.
  • Lorsque vous naviguez sur Internet en vue d’un emprunt bancaire, vérifiez que l’entreprise du site sur lequel vous êtes existe bel et bien. N’hésitez pas à rechercher la société dans le registre du commerce et des sociétés et sur le site de l’Orias et à contacter par vous-même le courtier dont l’identité a pu être usurpée.

Aux côtés du faux conseiller bancaire cohabite maintenant le faux courtier, en forte croissance depuis l’an dernier. Tous deux font des ravages et pillent leurs victimes. Leur pire caractéristique commune : il est facile de se faire piéger, tant le niveau d’expertise des malfaiteurs est élevé. Rien n’est laissé au hasard.

Une adhérente prise au piège

Madame S., adhérente de l’association locale de l’UFC-Que Choisir de l’Essonne, peut en témoigner. À la fin du mois de mai dernier, elle s’active pour trouver un financement pour l’achat d’une résidence principale. Elle se rend sur un site Internet afin d’être rappelée par un courtier spécialisé dans le prêt immobilier. Très rapidement, un homme l’appelle et se présente comme Michaël Brizard, de la société Helloprêt. Après avoir recueilli ses besoins au téléphone, il lui envoie des documents à remplir et à renvoyer avec toutes les pièces nécessaires au montage de son dossier. Les échanges se poursuivent par e-mail et par téléphone.

Pour mettre en confiance leurs victimes, les escrocs vont jusqu'à entretenir une conversation très professionnelle pendant des semaines, exactement comme le ferait un vrai courtier.

La consommatrice se sent en confiance, car la procédure mise en œuvre correspond à celle d’un vrai cabinet de courtage… à deux ou trois détails près. En particulier, l’agent lui demande de verser l’argent de l’apport sur un compte dédié à la CaixaBank, auprès de qui elle souscrira l’emprunt. Il lui envoie le RIB afin qu’elle l’ajoute à ses bénéficiaires sur son espace Boursorama. Ce soi-disant « compte de dépôt » a pour fonction de « débloquer [son] capital emprunté par le dépôt de [son] apport avant la date de déblocage des fonds », lui indique-t-on dans un e-mail. Le pseudo-courtier joint à ce message les codes d’accès à ce compte.

La banque arrive trop tard

Madame S., rassurée par les échanges des trois dernières semaines avec son interlocuteur, s’exécute et verse la somme totale de 73 400 €, en trois virements de 500 €, 49 000 € puis 23 900 €, étalés sur huit jours.

Trois jours après le dernier virement, elle reçoit une alerte de sa banque, Boursorama : le RIB du compte sur lequel a été effectué le premier virement « a été utilisé dans le cadre d’une fraude au faux prêt ». Elle réalise la supercherie, contacte l’établissement bancaire et demande le remboursement des trois versements. La banque refuse, au motif que ces transactions ont été authentifiées, enregistrées et comptabilisées. Elle rejette donc la responsabilité sur sa cliente, qui vient de perdre les économies de toute une vie, et continue aujourd’hui de se battre pour récupérer ses fonds, soutenue par les bénévoles de l’UFC-Que Choisir. Le butin, lui, a bien évidemment disparu.

Les courtiers pris de court

Michaël Brizard, courtier senior chez HelloPrêt, est la personne dont l’identité a été usurpée dans le cas précité. Dans le métier depuis dix ans, il n’avait jamais vécu cela. Il s’est intéressé de près à ce phénomène, afin d’en décortiquer le procédé : « Ces escrocs ont un aplomb diabolique. Ils sont très forts et affichent un niveau d’expertise égal au nôtre. Ils couvrent toute la France et ciblent une population non initiée aux pratiques du courtage. La volumétrie de cette arnaque est colossale. »

Le niveau d’expertise et de connaissance dont savent faire preuve ces personnes malveillantes s’avère en effet très élevé. Tout d’abord, ils créent de très nombreux faux sites web s’inspirant des vrais tels que HelloPrêt ou Meilleurtaux pour élaborer leur questionnaire. Ces contenus arrivent en bonne place des résultats lorsqu’un internaute tape une requête telle que « courtier pas cher » et font aussi l’objet de publicités en ligne.

Une fois ferrée grâce au faux site, la future victime est appelée par l’escroc, qui se fait passer pour un vrai courtier. Commence alors un processus de courtage en prêt immobilier plus vrai que nature : réception et validation du dossier, propositions de financements, choix d’un organisme bancaire, attente de validation par la commission d’approbation, élaboration du contrat avec la banque choisie… Seule fausse note : la demande de versement de l’apport sur un compte de dépôt ouvert par le courtier, ici à la CaixaBank, établissement espagnol qui n’est pas implanté en France. Cette pratique n’existe pas en courtage : « Aucun courtier ne donnera un RIB pour déposer l’apport. Le déblocage de la somme émane systématiquement d’un notaire », martèle Michaël Brizard.

Née il y a plusieurs années, cette arnaque a connu une recrudescence l’an dernier. Elle continue de s’étendre et de surprendre une partie de la profession. « Ce fléau a démarré en avril 2025 dans notre cabinet. Tous nos courtiers se sont fait usurper leur identité, je ne suis pas le seul, révèle Michaël Brizard. Un de mes collègues a même subi des violences par l’une des victimes qui le prenait pour l’auteur réel de cette fraude. Hormis cela et le vol d’identité, cette arnaque ne nous nuit pas directement, mais elle crée des drames pour les victimes, qui perdent d’énormes sommes. C’est à elles de porter plainte. »

Repérer les signes de l’arnaque au faux courtier

Lorsque vous êtes sur un site, vérifiez :

  • que la marque est enregistrée sur le registre du commerce et des sociétés ou encore le site de l’Orias ;
  • que le site présente ses conditions générales et ses coordonnées ;
  • si tous les liens sont cliquables.

Ensuite, lors de l’appel de votre interlocuteur, tapez son numéro de téléphone sur Internet. Vous verrez ainsi s’il est identifié comme un support d’arnaque.

L’adresse mail de votre interlocuteur peut aussi vous mettre sur la piste, car elle ne correspond pas à celui de la vraie société falsifiée. Attention aussi à la banque choisie et aux offres bancaires proposées, qui affichent généralement des taux d’intérêt bas.

Le faux courtier ne fait pas payer de frais de courtage. Pourtant, « le courtage pas cher n’existe plus, affirme Michaël Brizard. Aujourd’hui, une prestation s’élève au minimum à 1 500 €, et peut aller jusqu’à 10 000 €, en fonction du montant du bien et du prêt. »

Enfin et surtout, ayez à l’esprit qu’aucun courtier ne demandera de déposer l’apport directement sur un compte bancaire de la banque élue. Cette transaction doit être effectuée par le notaire de l’une des deux parties de la vente et par personne d’autre.

Marie Bourdellès

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