Fabienne Maleysson
Un additif sous surveillance
Des chercheurs viennent de montrer que les rats à qui ils avaient administré le colorant E171 à des doses similaires à celles que nous consommons développaient des troubles du système immunitaire et des lésions précancéreuses. Le gouvernement a saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pour qu’elle se prononce sur l’existence d’un risque chez l’homme.
Mise à jour du 14/04/2017
Avant de trancher, l’Anses appelle à enfin étudier les risques pour l’homme
Dans un avis publié le 12 avril, l’Anses se garde pour l’heure de trancher sur un éventuel risque pour la santé humaine mais appelle à mener des travaux pour étudier enfin les effets de l’additif E171 sur la santé. L’agence française estime que les résultats de l’Inra ne permettent pas de remettre en cause l’évaluation de l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) qui avait jugé en septembre dernier que les expositions des consommateurs ne présentaient pas de risque. Mais elle souligne que l’étude de l’Inra met en avant des effets qui n’avaient pas été étudiés jusqu’à présent tels que des effets promoteurs du cancer. L’Anses conclut donc à la nécessité de conduire « les études nécessaires à la parfaite caractérisation des effets sanitaires potentiels liés à l’ingestion de l’additif alimentaire E171 ». Et appelle l’Efsa à poursuivre ses investigations sur cet additif alimentaire.
M-N. D.
Très présent dans les chewing-gums et les M&M’s mais aussi dans d’autres confiseries, des laitages aromatisés ou des plats cuisinés, le colorant E171 est prisé de l’industrie agroalimentaire. C’est sa taille en partie nanométrique qui a attiré l’attention des chercheurs. Infiniment petites, les nanoparticules ont des propriétés particulières, dont celle de pouvoir pénétrer à travers les barrières physiologiques de l’organisme, et leur comportement imprévisible justifie une vigilance accrue.
Pour la première fois, des scientifiques ont utilisé cet additif tel qu’introduit dans les produits alimentaires – ils l’ont acheté chez un fabricant d’ingrédients – et aux doses moyennes ingérées par les consommateurs. Deux types d’exposition ont été testés : pendant une semaine en administration quotidienne unique et pendant cent jours de façon fractionnée dans l’eau de boisson.
Première constatation : le E171 pénètre la paroi de l’intestin et passe bel et bien dans le sang puisqu’on en retrouve trace dans le foie des rongeurs. Deuxième découverte : au bout de sept jours, on constate des phénomènes qui signent un abaissement des défenses immunitaires. Et enfin, des lésions précancéreuses se forment chez 40 % des animaux et de telles lésions induites volontairement voient leur développement accéléré par l’additif. « On ne peut pas extrapoler sur cette seule base et conclure que le dioxyde de titane est cancérogène pour l’homme, précise Fabrice Pierre, directeur de recherche à l’unité Toxalim de l’Inra (Institut national de recherche agronomique), un des responsables de l’étude. Mais cela justifie clairement qu’une étude de carcinogenèse selon les lignes directrices en vigueur soit désormais menée, avec une attention particulière portée aux effets sur l’immunité. »
Devant ces conclusions inquiétantes, les ministres de l’Économie, de la Santé et de l’Agriculture ont saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) afin de déterminer si le colorant E171 présente un risque pour les consommateurs. Les conclusions sont censées être rendues d’ici deux mois mais on voit mal comment l’Anses pourrait se prononcer sur cette question dans un laps de temps si court.En attendant, on peut toujours traquer le E171 sur les étiquettes, d’autant que la plupart des produits qui en contiennent sont des confiseries qu’on peut aisément éviter de consommer. Le dioxyde de titane sous forme nanométrique est également utilisé dans d’autres produits de consommation courante, notamment les cosmétiques où il peut jouer le rôle d’opacifiant et surtout de filtre solaire. Il est alors indiqué dans la liste d’ingrédients sous le nom de titanium dioxide. Son passage dans le sang après application sur la peau n’est pas exclu. Pire, il est présent dans plus de 4 000 médicaments.