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Crédit immobilier

L’expertiseur Humania en liquidation judiciaire

Spécialisée dans la contestation du taux effectif global (TEG) des crédits immobiliers, la société Humania promettait une victoire quasi certaine aux emprunteurs face à leur banque. Bilan, un fiasco de grande ampleur et des milliers de particuliers coincés dans des procédures coûteuses.

Rien ne va plus dans le business autrefois florissant du recalcul de taux effectif global (TEG). Entre 2013 et 2017, de nombreuses sociétés se sont positionnées sur ce créneau, promettant aux particuliers des gains de 10 000 € ou 15 000 €, en exploitant en justice les erreurs commises par les banques dans la fixation du TEG. Que Choisir avait déjà alerté les consommateurs contre leurs promesses irréalistes.

Repérer une faille dans le calcul d'un TEG est relativement facile, car les banques commettent souvent des erreurs. En général minimes, elles renchérissent le crédit de quelques centaines d'euros au total, étalés sur des années de remboursement. Des experts plus ou moins improvisés ont laissé croire à des emprunteurs qu'ils pourraient obtenir bien davantage qu'un simple dédommagement, en demandant à la justice la déchéance des intérêts. Le raisonnement était le suivant : comme le TEG est erroné, ce n'est pas le taux fixé par la banque qui s'applique, mais le taux légal (0,89 % au premier semestre 2018, mais 0,04 % début 2014 !).

C'est ainsi que la société montpelliéraine Humania Consultants a envoyé 6 000 à 7 000 consommateurs en justice, en leur assurant qu'ils ne pouvaient pas perdre. Elle leur a facturé plusieurs milliers d'euros de frais de dossier, produisant un argument-clé pour les convaincre. « En cas de décision contraire en justice, Humania Consultants s'engageait à rembourser intégralement », résume Me Bertrand de Campredon, du cabinet d'avocats parisien Goethe. La société avait souscrit un contrat d'assurance sur-mesure à cette fin, élaboré par le courtier Sphynx Affinity.

Double peine pour les particuliers

La justice, malheureusement, n'a pas du tout suivi ce raisonnement. Pire, quelques tribunaux, en particulier le TGI de Marseille, ont choisi « une ligne punitive », explique l'avocat. Non seulement les particuliers ont été déboutés contre les banques, mais ils ont été condamnés à payer les frais de procédure. « Ils ont perdu les 5 000 € versés à Humania Consultants et ils doivent payer 5 000 € de frais d'avocats à leur banque », résume Me Bertrand de Campredon. Leur situation, à ce jour, est très délicate.

Submergée par les dossiers perdus en justice, Humania a été placée sous procédure de sauvegarde en février 2017, puis en liquidation judiciaire en décembre. L'assureur, Garantie Assistance, renommé récemment Filassistance, refuse de rembourser les plaignants déboutés. Il estime avoir été trompé par Humania et par son fondateur et dirigeant, Daniel Margutti. L'assureur avait annoncé son intention de porter plainte pour escroquerie. Contacté pour savoir s'il l'avait fait, il ne nous a pas répondu. Il a par ailleurs assigné Humania Consultants en nullité du contrat, affirmant dans un communiqué que la société avait commis « un nombre de fautes conséquent », sans préciser lesquelles.

Des clients incités à aller en justice

L'amateurisme d'Humania semble avéré, mais quid du professionnalisme de Garantie Assistance ? La compagnie a repris le contrat en février 2014, quand Humania a cessé de travailler avec un autre assureur, Mutuaide. À cette date, personne n'avait de recul sur la position qu'allaient adopter les tribunaux sur les dossiers de TEG erronés. Sur quels éléments s'est basé le courtier Sphynx Affinity pour évaluer les probabilités de victoire des emprunteurs en justice ? Mystère. Basé à Avignon et Villeurbanne, ce petit cabinet annonce moins de dix salariés. Il a été fondé en mai 2013, exactement au moment où Humania s'est lancé dans le business du recalcul de TEG.

« Garantie Assistance a encaissé les primes, souligne Me Bertrand de Campredon. La jurisprudence dit qu'un assureur ne peut pas commencer à exécuter un contrat pour le suspendre au moment des remboursements. Ils vont perdre de l'argent sur le dossier, mais ils l'ont eux-mêmes mal évalué, à l'évidence. »

On pourrait en dire autant des conseils en patrimoine qui ont commercialisé le produit Humania. Il convient en effet de souligner que nombre de consommateurs n'ont pas spontanément cherché le conflit avec leur banque. Ils sont allés en justice parce que des professionnels mal avisés les ont incités à le faire...

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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