par Fabienne Maleysson
Dioxyde de titaneLa Commission européenne interpellée pour son inaction

Bruxelles n’a toujours pas statué sur l’interdiction du dioxyde de titane dans les médicaments. L’association Avicenn, spécialisée dans les nanotechnologies, tape du poing sur la table.
En résumé
- Malgré l'interdiction du dioxyde de titane dans l'alimentation depuis 2022 et l'engagement de statuer sur son utilisation dans les médicaments avant février 2025, la Commission européenne n'a toujours pas pris de décision.
- Le dioxyde de titane est suspecté d'être cancérogène, génotoxique et perturbateur endocrinien. Son maintien dans les médicaments, pour des raisons esthétiques puisqu’il s’agit d’un colorant, soulève des préoccupations de santé publique.
Interdit dans les denrées alimentaires, le dioxyde de titane (TiO2) devrait, en toute logique, l’être également dans tous les produits que l’on ingère, en particulier les médicaments. Un enjeu que la Commission européenne a évidemment identifié. En décidant du bannissement dans les aliments, début 2022, elle s’était engagée à statuer « dans un délai de trois ans », soit au plus tard le 7 février de cette année, sur le maintien ou non de l’autorisation dans les médicaments. Elle encourageait clairement l’industrie pharmaceutique à trouver des alternatives et avertissait qu’elle ne pourrait prendre en considération pour son maintien que « des raisons objectives vérifiables liées à l’impossibilité de le remplacer ». Le délai annoncé est aujourd’hui dépassé depuis plusieurs mois. C’est pourquoi l’association Avicenn, spécialisée dans la veille et l’information sur les nanotechnologies (1), associée à une patiente souffrant de la maladie de Crohn, interpelle officiellement la Commission. Faute de réponse dans un délai de deux mois, elle introduira un recours en carence contre l’institution.
Un simple colorant
Le dioxyde de titane est sur la sellette depuis des années. Si l’étude des risques qui y sont liés est complexe, les soupçons s’accumulent sur ses différents effets nocifs : il serait cancérogène, génotoxique, perturbateur endocrinien, facteur de diabète et d’obésité et on en passe. Alors que les industries alimentaires sont rapidement parvenues à remplacer l’additif dans leurs produits, ce n’est pas le cas des laboratoires pharmaceutiques. Selon une recension menée par des chercheuses de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et du Centre international de recherche sur le cancer (Circ), on retrouve l’excipient dans la quasi-totalité des gélules (95 %) et la grande majorité des comprimés. Ces produits de santé pourraient donc favoriser certaines pathologies pour une simple raison esthétique puisque le dioxyde de titane est un colorant. Un paradoxe difficile à accepter par les patients, notamment par les malades chroniques, qui prennent le plus souvent plusieurs traitements. Hélas, la Commission européenne, supposée garantir la santé des citoyens de l’Union, semble, comme le note Avicenn, « enlisée dans un processus décisionnel soumis à une forte pression des laboratoires pharmaceutiques ». Ce puissant lobby demande des délais toujours rallongés pour remplacer le TiO2 : il parlait de 7 à 12 ans en 2021… et encore de 7 à 12 ans en 2024, note l’association.
Les patients vont donc devoir l’être plus que jamais ‒ patients ‒ si la Commission ne joue pas avec suffisamment de détermination son rôle de régulateur. Malgré tout, les risques éventuels liés au dioxyde de titane ne constituent pas un motif suffisant pour interrompre un traitement efficace.
(1) Le dioxyde de titane est le plus souvent présent sous forme de nanoparticule. C’est à cette taille infiniment petite que sont liés ses effets nocifs soupçonnés.
Fabienne Maleysson