par Elsa Casalegno
Emballages en polystyrèneL’interdiction annulée avant même d’avoir commencé

Alors que la loi Climat de 2021 proscrit les emballages styréniques (dont le polystyrène) à usage unique depuis le 1er janvier, la loi de « simplification » votée début avril revient sur cette interdiction, et reporte un recyclage effectif des plastiques à… 2035 !
Polystyrène, le retour… Ou plutôt le non-arrêt ! Un article de la loi « Climat et résilience » de 2021 avait prévu d’interdire, à partir du 1er janvier 2025, les emballages styréniques (dont le polystyrène) « non recyclables et dans l’incapacité d’intégrer une filière de recyclage », en raison de la pollution environnementale qu’ils engendrent mais aussi du fait des risques de migration par contact dans les aliments. La filière alimentaire est particulièrement concernée, en tant qu’utilisatrice majeure de polystyrène – dans les pots de yaourt et les barquettes de viande ou de plats préparés, par exemple.
Or, il a suffi d’une petite phrase absconse au détour d’un article, dans la loi dite « d’adaptation au droit européen » adoptée le 4 avril dernier, pour annuler cette mesure. En indiquant que « L’avant-dernier alinéa du III de l’article L. 541-15-10 du Code de l’environnement est supprimé », l’article en question entérine le retour du polystyrène – ou plutôt son maintien, l’interdiction n’ayant pas vraiment été appliquée jusqu’à présent.
Éviter les surtranspositions…
Motif : un règlement européen existe déjà, qui impose « de rendre tous les emballages réutilisables ou recyclables d’ici à 2030 », et de mettre en place une recyclabilité effective d’ici 2035. Ce qui est « incompatible » avec l’interdiction française, souligne Elipso, l’association professionnelle représentant les fabricants d’emballages en plastique en France. Supprimer l’article de la loi Climat éviterait donc toute « surtransposition ». Pour les filières industrielles, c’est le soulagement. Elles ont encore 10 ans devant elles pour trouver des pistes de recyclabilité des plastiques d’emballage… ou de nouvelles échappatoires.
… et surtout l’interdiction
Pour les associations environnementales, en revanche, c’est la douche froide. Il s’agit d’un « retour en arrière », alors que la France aurait pu maintenir cette interdiction du polystyrène, estime Zero Waste France. Car recycler cette matière est en soi problématique. Le recyclage mécanique permet d’obtenir des cintres, des pots de fleurs ou des pare-chocs, mais pas de nouveaux emballages alimentaires (ce qui veut dire que la production d’emballages alimentaires à usage unique va se poursuivre).
Quant au recyclage chimique, il est source de nuisances environnementales (consommation d’énergie et d’eau, rejets de polluants) difficiles à évaluer faute d’informations, et ne peut absorber qu’une part marginale des volumes de plastique. Résultat, « les pots de yaourt en polystyrène vont probablement continuer à être brûlés, alors qu’on ne voit aucune perspective de réelle baisse d’utilisation », se désole Manon Richert, responsable communication de Zero Waste France.
→ Lire aussi : Pots de yaourt – Enfin recyclés ?
Cette déconvenue risque fort d’être suivie d’autres, car l’offensive pour démanteler les réglementations environnementales n’est pas finie : diverses mesures de la loi Agec (loi antigaspillage pour une économie circulaire) ainsi que certaines obligations concernant l’information du consommateur (sur les « qualités et caractéristiques environnementales » d’un produit, sur le taux de matières recyclées utilisé dans sa fabrication, sur la compostabilité, la durabilité ou encore la réparabilité d’un produit) ou le réemploi (en particulier la part d’emballages réemployés ou réutilisés) sont également dans le collimateur des industriels.
Un perturbateur endocrinien
Le recul sur l’interdiction du polystyrène en tant qu’emballage alimentaire est d’autant plus dommageable que ce matériau est soupçonné d’effets perturbateurs endocriniens. Ainsi, une étude menée en 2016 par l’Ifremer en association à d’autres organismes de recherche a montré des conséquences délétères sur les mollusques. Des huîtres adultes ont été élevées dans de l’eau contenant des billes en polystyrène. Au bout de 2 mois, elles présentaient des problèmes de reproduction (baisse du nombre d’ovocytes et de la vitesse du sperme). Les problèmes touchent également leur descendance, avec un développement des larves pénalisé.
Elsa Casalegno