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Lait et produits laitiersL’étiquetage de l’origine non obligatoire

Le Conseil d’État juge « illégal d’imposer l’étiquetage géographique du lait car il n’y a pas de lien avéré entre son origine et ses propriétés ». Par une décision du 10 mars, il interrompt cette expérimentation qui devait courir jusqu’à la fin de l’année 2021. Aux dépens de l’information du consommateur sur la provenance du lait qu’il achète.

En 2016, alors que les éleveurs laitiers subissaient une grave crise économique, le gouvernement avait lancé une expérimentation sur l’étiquetage obligatoire de l’origine du lait, qu’il soit en bouteille ou utilisé comme ingrédient dans des produits alimentaires (1). La mention « UE » ou « non UE » devait être apposée sur l’emballage, sous peine de sanctions. Cet étiquetage de l’origine est une demande forte de l’UFC-Que Choisir, les consommateurs étant en droit de connaître la provenance de ce qu’ils mangent.

L’expérimentation, débutée en 2017, devait s’achever au 31 décembre 2021. Malheureusement, elle vient de connaître une fin anticipée, du fait du leader mondial des produits laitiers, le groupe Lactalis.

Pas de lien entre les propriétés du lait et son origine géographique

En 2018, Lactalis avait demandé l’annulation de cette obligation, l’estimant contraire au règlement européen concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (2). L’affaire était de taille : elle est remontée jusqu’à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ! Et cette dernière a donné raison à l’industriel laitier. Dans un jugement du 1er octobre 2020, elle estime qu’un État membre ne peut imposer un tel étiquetage qu’à deux conditions cumulées : que « la majorité des consommateurs attache une importance significative à cette information » ; et qu’il existe un « lien avéré entre certaines propriétés d’une denrée alimentaire et son origine ou sa provenance ».

S’appuyant sur ce jugement, le Conseil d’État a donc tranché. Il estime « qu’il est illégal d’imposer l’étiquetage géographique du lait car il n’y a pas de lien avéré entre son origine (UE, non UE) et ses propriétés », dans une décision du 10 mars 2021. Les arguments de l’État en faveur de cette expérimentation se sont avérés trop peu étayés, s’appuyant « uniquement [sur] l’importance que la majorité des consommateurs attachent, d’après des sondages, à l’existence d’une information sur l’origine ou la provenance du lait » alors que, « en dehors de cette approche subjective, il n’y avait pas objectivement de propriété du lait qui puisse être reliée à son origine géographique ». Une décision regrettable, qui revient à cautionner l’opacité qui prévalait auparavant sur la provenance du lait et des viandes utilisés dans les aliments transformés, à rebours de la demande de transparence des consommateurs.

« Un étiquetage qui dérange Lactalis »

Il est dommage que le ministère de l’Agriculture n’ait pas réécrit son décret sur une base juridique plus solide, dès la plainte de Lactalis… Pour Arnold Puech d’Alissac, administrateur de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, « les industriels ont le droit de continuer à marquer cette origine, mais ils n’en ont plus l’obligation. Nous espérons néanmoins que la plupart continueront à le faire. Cet étiquetage est fait pour créer de la valeur pour le lait français – et les éleveurs ! Mais il dérange Lactalis… »

Ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas tant pour Lactalis de lutter pour l’intérêt du consommateur, que d’avoir les mains libres pour optimiser ses approvisionnements en lait et produits laitiers, quelle que soit leur provenance. L’industriel possède des filiales en Europe et sur tous les continents. Les produits laitiers circulent d’un pays à l’autre, sous forme de fromages, mais aussi de poudres de lait utilisées ensuite dans diverses fabrications, dont les yaourts par exemple. Indiquer le pays d’origine du lait, s’il vient d’Allemagne ou de Pologne, n’est pas très vendeur !

En attendant, ne reste que la bonne volonté des fabricants pour poursuivre, ou pas, cette politique de transparence sur la provenance de nos aliments…

L’étiquetage des viandes en restauration toujours en attente

L’étiquetage de l’origine des viandes dans la restauration collective ne serait pas concerné par le jugement de la CJUE. Pour autant, les filières viande et les restaurateurs sont toujours dans l’attente du décret, en cours de validation par le Conseil d’État. Le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie le promet pour la réouverture des restaurants.

(1) Décret n° 2016-1137 du 19 août 2016 relatif à l'indication de l'origine du lait et du lait et des viandes utilisés en tant qu'ingrédient.

(2) Règlement 1169/2011, dit règlement INCO.

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