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Médicaments antireflux

Prescrits un peu trop systématiquement

Les médecins français auraient-ils la main trop lourde sur les médicaments antireflux ? Ils ont, en tout cas, tendance à beaucoup les prescrire pour limiter les effets gastriques des anti-inflammatoires. Y compris lorsque cela n’est pas nécessaire.

Oméprazole (Mopral), pantoprazole (Eupantol), lansoprazole (Ogast), ésoméprazole (Inexium), rabéprazole (Pariet)… À ce jour, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont le meilleur traitement contre le reflux gastro-œsophagien (RGO). Près de 16 millions de personnes ont reçu ces médicaments antireflux en 2015, soit un quart de la population française. Un chiffre en large progression depuis 2010, et ce malgré des conditions de prescription strictes. C’est ce qu’a constaté l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans une récente étude. Et pour cause : ces recommandations ne sont pas toujours respectées par les médecins prescripteurs.

Dans les faits, l’utilisation de ces molécules devrait être limitée à quelques situations : le traitement du RGO et de l’ulcère, bien sûr, mais aussi des lésions gastriques provoquées par certains médicaments (anti-inflammatoires non-stéroïdiens, corticoïdes, etc.). Uniquement chez les personnes à risque, elles peuvent aussi être utilisées en prévention de ces mêmes lésions. C’est sur ce dernier point que des abus ont été observés.

Dans un traitement sur deux, les IPP sont prescrits contre les lésions gastriques dues aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (les AINS comme le kétoprofène, le diclofénac, l’ibuprofène, etc.). « Compte tenu de la fréquence observée d’initiation concomitante de l’IPP et de l’AINS (supérieure à 90 %), il s’agissait probablement dans la grande majorité des cas d’un traitement à visée préventive plutôt que curative », commente l’ANSM dans son rapport.

Des doutes à long terme

Cette prudence est excessive car, dans la plupart des cas (80 %), le patient ne présente aucun facteur de risque. Pour que la prescription soit justifiée, il faudrait que la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens soit destinée à :

  • une personne de plus de 65 ans (plus à risque de lésions gastroduodénales) ;
  • une personne ayant des antécédents d’ulcère gastroduodénal ;
  • une personne recevant un antiagrégant plaquettaire, un anticoagulant ou un corticoïde (dont l’association avec l’AINS augmente le risque de lésion).

Cet usage est donc trop frivole, surtout quand on sait que l’arrêt des IPP s’accompagne d’un effet rebond temporaire : pendant un temps, le reflux s’aggrave avant de revenir à son niveau de base.

Autre dérive qui inquiète l’Agence de sécurité du médicament : les usages au long cours. La durée moyenne de traitement par IPP est de 41 jours mais elle tend à se rallonger avec l’âge. Selon les indications, la durée du traitement peut aller jusqu’à 133 jours en moyenne. De fait, aucune limite n’est posée. Mais depuis quelques années, des doutes émergent sur la sécurité à long terme de ces médicaments antireflux. Leur utilisation prolongée serait associée à des infections digestives, voire des maladies rénales.

Des interactions médicamenteuses ont également été répertoriées, diminuant l’absorption de certains traitements (lévothyroxine, kétoconazole, atazanavir, enoxacine, etc.) et augmentant celle d’autres (nifedipine, digoxine, alendronate).

Anti-inflammatoires : comment protéger son estomac

De nombreux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent provoquer des troubles digestifs, allant des brûlures d’estomac à l’ulcère en passant par l’hémorragie. Heureusement, ils ne se produisent pas automatiquement. C’est pourquoi le recours systématique aux inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) n’est pas recommandé. Pour protéger son estomac et ses intestins, il convient d’abord d’identifier les principaux facteurs de risque : l’âge (après 65 ans, la probabilité est plus élevée), la sensibilité individuelle et la prise de médicament. Associées aux AINS, certaines molécules favorisent les hémorragies ou les ulcérations (aspirine, antiagrégants, corticoïdes, etc.). Si cela s’avère nécessaire, la prise d’IPP pourra être évoquée avec le médecin. Sinon, prendre l’AINS en cours de repas est vivement recommandé.

Comment arrêter un médicament antireflux

En prenant quelques précautions, il est possible d’arrêter un IPP que l’on prend depuis plusieurs mois ou plusieurs années. Nos conseils.

Audrey Vaugrente

Audrey Vaugrente

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