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Système U

Un panier anti-inflation un peu léger

Face à la hausse des prix des denrées alimentaires, les distributeurs lancent des initiatives en ordre dispersé. Système U propose une liste de 150 articles du quotidien « à prix coûtant ». Mais le choix de certains produits laisse à désirer et l’ensemble de cette offre n’est pas toujours disponible.

Les prix des produits de grande consommation affichaient une inflation de 15,4 % en janvier par rapport à janvier 2022, comme nous le constations dans nos relevés mensuels. De quoi freiner les achats des Français en grande surface. Et inquiéter les distributeurs, qui multiplient ces derniers mois les opérations promotionnelles.

Le 1er février, Système U a dégainé ses « 150 produits U à prix coûtant » (la liste comporte en réalité 155 articles). À première vue, elle est éclectique : légumes, viandes, plats préparés, produits du petit déjeuner, mais aussi quelques articles de puériculture, deux autres pour les animaux de compagnie et un zeste de produits d’hygiène.

Une baisse des prix de 14 % par rapport au mois dernier

Impossible de contrôler si les articles sont effectivement revendus « à prix coûtant », faute de pouvoir consulter les contrats d’achat du distributeur. À défaut, nous avons vérifié si les prix étaient en baisse pour une vingtaine de produits choisis dans cette liste. Résultat, ils affichent effectivement un recul de 14 % par rapport au mois précédent. Et s’ils sont en hausse de 7 % sur 1 an, cela reste largement inférieur aux 15 % d’inflation de janvier. Ces chiffres correspondent aux informations fournies par Thierry Desouches, porte-parole de système U, sur le renoncement de l’enseigne à 15 % de taux de marge.

Précision, les produits ne sont en réalité pas vendus « à prix coûtant », qui serait le prix d’achat aux fournisseurs, mais avec un taux de marge minimal de 10 % (dit seuil de revente à perte) imposé par la loi Égalim, le distributeur l’explique sur son site de façon plutôt discrète.

Alcools, chips et bonbons dans la liste

Mais en se penchant de près sur les produits alimentaires, au nombre de 138, il y a de quoi bondir. Alors qu’ils sont censés aider les ménages à se nourrir à prix raisonnable, on peut s’interroger sur la présence de pas moins de 8 alcools différents. Vodka, whisky, rhum, pastis, bières… Pour les enfants, un choix de plusieurs jus de fruits et sodas, classés Nutri-Score C, D ou E. Afin d’accompagner ces boissons, des chips et des cacahuètes, également peu diététiques.

Autre point regrettable, l’absence de fruits et légumes frais. U préfère proposer une gamme de légumes en conserve, surgelés (diététiquement corrects) ou intégrés à des plats préparés. Les enfants, eux, trouveront leur bonheur dans cette liste, mais pas forcément un équilibre alimentaire conforme aux préconisations des autorités de santé publique : une bonne vingtaine de biscuits, viennoiseries et chocolats, ainsi que deux sachets de bonbons, y figurent.

« Pour constituer cette liste, nous nous sommes appuyés sur les produits de la marque U à forte rotation, justifie Thierry Desouches. Nous avons essayé de proposer une gamme large, même si on peut toujours trouver matière à interroger. Proposer des fruits et légumes frais était trop complexe à mettre en place, car leur achat n’est pas centralisé, mais géré localement par les magasins [Système U est un groupement d’indépendants, ndlr]. »

Parmi les produits proposés dans le panier des magasins U, de nombreux alcools.

39 % des produits sont Nutri-Score D ou E

En retirant les 15 produits qui n’affichent pas de Nutri-Score (eaux minérales, levure et alcools), nous en avons comptabilisé 17 notés E et 31 notés D, soit 39 % dont la note nutritionnelle est médiocre à mauvaise. Pour les autres, 28 % sont A, 10 % sont B et 14 % sont C. Effort louable néanmoins, plusieurs produits bio figurent dans la liste.

Le choix des produits d’hygiène peut aussi prêter à sourire : peut-être y a-t-il plus indispensable au quotidien qu’un nettoyant pour four (ça marche aussi à l’eau chaude savonneuse) et des fixatifs à cheveux ? Enfin, si les chiens ont droit à leurs croquettes et les chats à leur litière, l’inverse n’est pas vrai. Or, les tarifs des aliments pour félins ont flambé ces derniers temps.

Quelques-uns des aliments affichant un Nutri-Score E.

Valable « dans la limite des stocks disponibles »

Enfin, ce panier moins cher est-il réellement accessible aux clients ? Réponse : à peu près. Système U prévient d’ailleurs que l’offre est valable « dans la limite des stocks disponibles », car même les plus gros magasins ne peuvent garantir en permanence la totalité de cette sélection. À l’Hyper de Châteaugiron (35), il manquait seulement 6 produits à l’appel hier matin. Au Super U de Montreuil (93), 15 articles faisaient défaut, et 24 à celui de Grenoble (38). Au U Express de Paris Orfila (75), aucune mention du panier anti-inflation, mais il s’avère que ce format de magasins n’est pas concerné par l’opération.

Système U n’est pas le seul à lancer des initiatives commerciales face à la flambée des prix des produits de grande consommation. Ainsi, Carrefour parle de « défi anti-inflation », avec une sélection de fruits, légumes et produits du quotidien à moins de 1 € (la pièce, par sachet ou par kilo), de produits bio à moins de 2 €, et d’autres encore à « prix bloqué ». Casino, lui, promet un « pack pouvoir d’achat » qui consiste en une série de « bons plans », comme des remises sur sa marque Leader Price ou des ristournes sur les courses suivantes (attention, elles ne sont valables que quelques jours). Leclerc « défend votre pouvoir d’achat » avec « les offres de la semaine » ‒ réservées aux détenteurs de sa carte de fidélité…

Des initiatives qui court-circuitent le gouvernement

Ces campagnes coupent l’herbe sous le pied de la ministre déléguée au Commerce, Olivia Grégoire. Cette dernière avait précisé deux jours avant à quoi pourrait ressembler le panier anti-inflation qu’elle souhaite mettre en place à partir du mois de mars, avec une liste de « 50 produits à prix bas » valable dans toute la France. Les négociations étaient en cours avec la grande distribution, malgré le manque d’enthousiasme de cette dernière. Plusieurs enseignes préfèrent visiblement faire cavalier seul : un moyen de garder la maîtrise de la liste des produits en question, de leurs niveaux de prix et des conditions de vente.

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