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1855.com

Un site à haut risque

Le site de ventes de vin en ligne 1855.com attise toujours la colère de ses clients qui ont acheté des bordeaux primeurs et qui n'ont toujours pas été livré. L'attente dure parfois depuis plusieurs mois.

En 2006, Michel Jacquet a commandé 80 bouteilles de bordeaux primeurs du millésime 2005 sur le site 1855.com. Si tout s'était passé conformément aux règles des ventes en primeur, il aurait dû recevoir sa livraison au complet dès septembre 2008 (voir l'encadré sur les primeurs ci-dessous). Malheureusement, cela n'a pas été le cas. Il aura fallu plusieurs dizaines de coups de téléphone et des courriers en recommandé pour qu'il obtienne enfin une partie de son dû (54 bouteilles) en novembre 2008... Six mois plus tard, 26 bouteilles manquent encore à l'appel. Les déboires de Michel Jacquet avec le site de ventes de vin en ligne 1855.com n'ont rien d'exceptionnel. Le forum du site « La passion du vin » s'est fait ainsi l'écho de plusieurs centaines de plaintes d'internautes qui n'ont jamais vu la couleur des bouteilles commandées depuis 3 ans.

À la limite de la légalité

En 2007, nous avions nous-mêmes alerté l'opinion sur les pratiques douteuses, à la limite de la légalité, de 1855.com. Le modèle économique de cette société repose en effet, au moins partiellement, sur la vente à découvert, qui consiste à encaisser les commandes de vins en primeur de ses clients sans disposer des allocations correspondantes auprès des châteaux bordelais. Compte tenu du principe de ce mode de vente, le site dispose d'un délai de 2 ou 3 ans pour s'approvisionner au meilleur prix. Cette stratégie peut se révéler payante (mais pas pour ses clients) lorsqu'elle concerne de petits millésimes vendus trop cher en primeur. Elle devient en revanche très périlleuse avec les millésimes exceptionnels. Ce fut notamment le cas des 2005, dont la cote a doublé depuis leur mise sur le marché (jusqu'à 2 000 euros la bouteille pour les neuf premiers grands crus classés). Une vraie catastrophe pour le site 1855.com, qui n'aurait honoré fin décembre 2008 qu'un quart de ses commandes. Selon plusieurs sources, le montant des primeurs (tous millésimes confondus) non encore livrés s'élevait alors à 10 millions d'euros.

Paravent financier

Pour sauver la mise, Emery Sauty de Chalon, le président de la société, compte sur le retournement de la conjoncture et l'effondrement des cours des derniers millésimes. Une hypothèse très aléatoire quand on sait que le millésime 2005 n'a baissé que de 20 % depuis le début de la crise. L'annonce, en janvier dernier, de la création d'une holding dotée de 16,8 millions d'euros ne lui permettra pas de remplir ses engagements. Car elle ne fait que regrouper les parts des associés fondateurs sur la base de 3,50 euros l'action, alors que la valorisation actuelle de la société ne dépasserait pas 400 000 euros. Il s'agit donc d'un simple paravent financier destiné à masquer un manque de trésorerie.

La colère des clients, qui se sont laissé séduire par les luxueuses plaquettes commerciales et les grandes dégustations dans un palace parisien ou au Carrousel du Louvre, est très légitime. Rien ne prouve qu'ils voient un jour la couleur de leurs prestigieux bordeaux, ou du moins qu'ils revoient celle de leur argent. Pendant ce temps, 1855.com continue de proposer des offres alléchantes pour les nouveaux millésimes, à grand renfort de mailings ciblés ou sur son site Internet. Des investissements à très haut risque pour les amateurs de bons crus ou de bonnes affaires.

Qu'est-ce que la vente en primeur ?

Depuis deux siècles, les châteaux bordelais mettent en vente une partie de leur récolte, juste après la vinification, le vin n'étant livré qu'après avoir été élevé et mis en bouteilles, en général 3 ans plus tard. Cette pratique, autrefois réservée aux professionnels, s'est étendue au grand public, les négociants servant de relais entre les châteaux et les particuliers. Elle devait permettre aux amateurs d'accéder à de belles bouteilles sans se ruiner. De leur côté, les propriétaires amélioraient leur trésorerie en vendant leurs vins plus tôt.

Cette stratégie gagnant/gagnant semble aujourd'hui se retourner contre les consommateurs. Nombre de millésimes ont été surévalués en primeur, de sorte que leurs acheteurs ont de plus en plus souvent la désagréable surprise de les retrouver bien moins cher chez les cavistes ou dans les foires aux vins des grandes surfaces.

Florence Humbert

Florence Humbert

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