Morgan Bourven
L’efficacité énergétique enjolivée
Les résultats de nos tests en laboratoire de climatiseurs mobiles monoblocs montrent que les fabricants ont tendance à utiliser la norme de calcul de l'efficacité des appareils à leur avantage, afin que leurs modèles s'affichent dans les meilleures classes énergétiques.
Cela fait déjà plusieurs années que l’UFC-Que Choisir et ses homologues de plusieurs pays pointent les limites de l’« étiquette énergie » apposée sur les appareils d’électroménager et constatent parfois des écarts importants entre les consommations annoncées par les fabricants et les consommations réelles (voir notre enquête : Consommation des appareils électroménagers - Une vérité pas bonne à dire). C’est valable pour l’automobile comme pour l’électroménager, avec dans les deux cas des causes identiques : les tests officiels sont trop simples, trop éloignés des usages réels et trop faciles à contourner.
Les climatiseurs mobiles ne font pas exception et nos tests montrent que, cette fois, c’est l’efficacité énergétique qui pose problème. Abrégé en EER (Energy Efficiency Ratio), ce chiffre est un standard de mesure permettant de comparer les appareils entre eux. Il se calcule en divisant la puissance de refroidissement de l'appareil (énergie frigorifique fournie ou chaleur absorbée) par l'énergie électrique consommée. Concrètement, plus l'EER est élevé, moins l'appareil sera énergivore, une information traduite en classe (A, A+, A++, etc.) sur l'étiquette énergie. Depuis le 1er janvier 2014, les appareils des classes F à B ne peuvent plus être vendus dans l'Union européenne.
Or, la norme de calcul est bien généreuse car elle offre une tolérance de 10 % sur l’EER déclaré par le fabricant. Nos tests en laboratoire de climatiseurs mobiles montrent donc des différences entre la classe annoncée par les fabricants et la réalité. Par exemple, le climatiseur Alpatec Taurus AC 280 est annoncé en classe A par son fabricant, mais la puissance de refroidissement mesurée par notre laboratoire est de 2 463 W pour une consommation d'électricité de 1 105 W. La classe énergétique déterminée selon nos mesures est donc C (EER de 2,23). Si on réduit de 10 % la consommation d’électricité, on obtient un EER de 2,48, ce qui lui permet de grimper en B sur l'échelle des classes énergétiques. Un autre climatiseur que nous avons testé, le Beko BNAP09C, a une puissance de refroidissement mesurée en laboratoire de 2 275 W et une consommation d'électricité de 1 021 W, soit un EER de 2,23 (classe C), là où le fabricant annonce A+.
Contactés par Que Choisir, les fabricants jugent nos tests très sévères et réfutent nos résultats (et pour cause : des appareils classés C ne pourraient pas être vendus !). Ils nous assurent être conformes à la norme... ce qui est le cas, puisque l'astuce consiste à tirer parti au maximum de la tolérance prévue dans les textes !
Si l'on ne peut pas parler de ClimatiseurGate – à l’image du DieselGate – pour un appareil qui ne sera utilisé que quelques semaines dans l’année, cette différence peut se traduire par une consommation d’électricité supérieure de 10 % à celle déclarée. Elle montre aussi que l'étiquette énergétique est loin d'être parfaite, même si elle a permis ces dernières années de tirer vers le haut la qualité des appareils. La puissance frigorifique déclarée (en kW) et l’électricité consommée restent donc des indicateurs importants pour juger des performances de l’appareil, bien que les écarts de consommation entre les appareils soient faibles. Si vraiment l'efficacité énergétique est primordiale dans votre choix, nous vous conseillons d'installer un climatiseur fixe, mieux isolé et plus efficace.
Aissam Haddad
Rédacteur technique