Erwan Seznec
Hausse toujours, tu m'intéresses...
Les mutuelles que nous avions interrogées en 2009 sur les hausses répétées de leurs tarifs laissaient entendre qu'un cycle s'achevait et que la stabilisation était proche. L'analyse n'a pas pris une ride : en 2010, les tarifs grimpent encore, et la stabilisation est toujours pour demain.
C’est désormais une certitude, les tarifs des mutuelles santé augmenteront encore en 2010. Le président de la Mutualité française, Jean-Pierre Davant, a annoncé une hausse moyenne des cotisations de l’ordre de 5 %, cette moyenne pouvant cacher des progressions nettement plus importantes pour certains contrats.
Les acteurs de la profession sont rarement à court d’arguments pour justifier l’envolée de leurs tarifs. La population vieillit, l’assurance maladie se désengage, se soigner coûte de plus en plus cher, l’État les taxe pour financer la couverture maladie universelle, etc. Tout cela est juste, mais insuffisant. Une donnée en particulier reste inexplicable. Entre 2002 et 2006, les cotisations des mutuelles ont progressé beaucoup plus vite (+36 %) que leurs prestations (+22 %). Un écart de quelques milliards d’euros s’est creusé entre les sommes que les mutuelles encaissent et les remboursements qu’elles opèrent.
Interrogés l’an dernier sur ce point, les acteurs de la profession nous avaient expliqué que leur métier obéit à un cycle long (lire notre enquête). Ils seraient régulièrement amenés à reconstituer leurs réserves, après avoir remboursé davantage qu’ils n’ont perçu pendant quelques années. 2001-2005, par exemple, était une période de déficit, « nécessairement » suivie d’une période d’alourdissement des cotisations, indispensable à l’équilibre du système. Plusieurs de nos interlocuteurs laissaient entendre il y a 12 mois que la phase de hausse de leurs tarifs s’achèverait en 2010, sans l’affirmer catégoriquement. Sage précaution, puisqu’ils grimpent de plus belle.
Gestion remise en question
Libre aux mutuelles de fixer leur prix, elles font partie du secteur privé. Mais libre aux consommateurs, après cette énième hausse, de se poser des questions sur leur gestion. Engagées dans un vaste mouvement de rachats et de concentration, certaines mutuelles ont dépensé sans compter ces dernières années pour gagner des parts de marché. La mutuelle étudiants Vittavi se retrouve ainsi en cessation de paiements depuis fin 2009, suite à un développement mal maîtrisé. D’autres ont peut-être pris des risques inconsidérés avec leurs placements, dans l’espoir d’accroître leur trésor de guerre. La caisse autonome de retraite des anciens combattants (Carac, adhérente de la Mutualité), par exemple, est partie civile dans l’affaire Madoff…
À rebours de la tendance générale, le régime local d’assurance maladie d’Alsace-Moselle a décidé, quant à lui, de ne pas augmenter ses cotisations en 2010. Héritage de la période allemande, ce régime est une sorte de complémentaire santé obligatoire à l’échelle de trois départements. Son taux de cotisation a baissé de 1,70 % à 1,60 % début 2008, et il est inchangé depuis (1). Ce régime est dans une situation financière saine. Soucieux d’assumer son rôle d’amortisseur social, il a décidé de puiser dans ses réserves en 2010 pour compenser la baisse des recettes consécutive à la crise économique. Un exemple intéressant, que l’immense majorité des mutuelles de France s’est empressée de ne pas suivre.
(1) 1,60 % de la part salariale des actifs des trois départements.