ACTUALITÉ

GreenwashingShein à nouveau épinglé

FM

par Fabienne Maleysson

Au printemps dernier, la marque chinoise de vêtements à bas prix a lancé une campagne publicitaire affichant le message : « Chez Shein, nous œuvrons chaque jour pour rendre la mode accessible à toutes et tous, et travaillons chaque jour à l’amélioration continue de notre modèle. » Saisi de plusieurs plaintes, le Jury de déontologie publicitaire a estimé que les allégations environnementales de Shein étaient bien trop floues.

Décidément, le greenwashing de Shein ne passe pas ! Récemment condamnée à des amendes sur ce fondement à la fois en France (1) et en Italie, voilà l’enseigne de fast fashion chinoise qui se fait rabrouer par le Jury de déontologie publicitaire (JDP) (2). L’organisme, dont les décisions n’ont aucun caractère contraignant, a estimé dans un avis publié lundi 13 octobre que la dernière campagne de la marque méconnaissait les règles déontologiques en matière de publicité.

Il avait été saisi au printemps dernier de quatre plaintes émanant de particuliers et d’une venant de l’association France nature environnement au sujet d’une série de trois affiches. Vantant la mode accessible proposée par Shein, celles-ci étaient assorties d’un QR code menant à une page où figurent les engagements environnementaux de la marque. C’est sur ce point en particulier que les reproches du JDP s’accumulent. Pour les plaignants, on ne peut se présenter comme une entreprise responsable quand on a déployé un modèle basé sur la surconsommation au détriment de l’environnement et des droits humains. Et de citer diverses enquêtes montrant que les travailleurs de la chaîne d’approvisionnement travailleraient plus de 18 h par jour et seraient payés l’équivalent de 4 centimes d’euros par vêtement ; que le coton utilisé serait récolté par le biais du travail forcé ; que les vêtements de la marque sont composés à près de 80 % de plastique et finissent pour la plupart, comme tous les rebuts de vêtements bon marché, dans des décharges sauvages en Afrique ; que les délais de livraison raccourcis impliqueraient que 5 000 tonnes de marchandises soient chaque jour expédiées par avion, d’où un triplement des émissions de CO2 de la marque depuis 2021, etc. Des arguments rejetés par Shein au motif qu’ils émanent d’enquêtes de presse qui ne présentent « aucune garantie scientifique ».

Sur son site Internet, dénommé Pour une mode accessible, Shein n’hésite pas à présenter ses engagements pour une mode plus durable.

Le jury, quant à lui, s’attache surtout à montrer que le flou artistique des allégations ne permet pas aux consommateurs de se forger un avis étayé. La marque parle d’horizons lointains (parfois 2050) et ne fournit pas les repères utiles pour mesurer l’intérêt des démarches. Exemple : l’affirmation selon laquelle 19 500 tonnes d’eau ont été économisées depuis 2022. « Cette réduction de consommation en eau n’est pas rapportée à la consommation de l’annonceur pour sa production pendant cette même période, ce qui ne permet pas de mesurer à quel point elle est significative ou non », souligne l’avis. Au sujet du polyester recyclé qui, si l’on en croit la marque, représentera 31 % du polyester qu’elle utilisera en 2030 : « Ce recyclage demeurera relativement minoritaire alors que cette matière est un produit dérivé du pétrole, énergie fossile dont l’extraction, la production et le transport ne peuvent être présentés comme compatibles avec un développement durable. » L’effet de loupe est également pointé au sujet d’une promesse selon laquelle la consommation d’eau a été réduite de 70,5 % lors du lavage du denim : le jury déplore que le consommateur ne soit pas en mesure de contextualiser l’information « alors qu’il s’agit d’un procédé qui se rapporte à un seul type de produit commercialisé par Shein et qui intervient seulement dans une phase de sa production ».

« Force est de constater, conclut l’avis, que les informations dont dispose le consommateur ne sont ni adaptées, ni lisibles, ni accessibles pour lui permettre de vérifier comment son "droit" à la mode [une expression contestable utilisée par Shein] s’exerce effectivement […] puisqu’il n’est pas informé des conditions précises dans lesquelles les produits sont fabriqués. »


(1) La DGCCRF a également épinglé Shein pour ses fausses promotions : 57 % de celles qu’elle a vérifiées n’offraient aucune baisse de prix, 19 % une baisse moins importante qu’annoncé et 11 % étaient en réalité des augmentations de prix !
(2) Le Jury de déontologie publicitaire est un organisme d’intérêt général associé à l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dont la mission est de faire appliquer les règles déontologiques du secteur.

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