ACTUALITÉ
Nanomatériaux

Principe de précaution

L'impact sur la santé et l'environnement des nanomatériaux est loin d'être précisément cerné. L'Agence santé et environnement (Afsset) recommande d'imposer traçabilité et étiquetage aux industriels et de n'autoriser que les applications vraiment utiles.

Les nanomatériaux sont partout. Des cosmétiques aux produits alimentaires, du ciment au matériel de sport en passant par les vêtements, pansements ou jouets antibactériens, ces composés infiniment petits (on peut mettre 1 000 nanoparticules dans l'épaisseur d'un cheveu) font partie de notre quotidien. Or, leurs éventuels effets délétères sont encore très mal cernés. Car, en passant à l'état nanométrique, un composé change de propriétés, il peut avoir des effets nocifs spécifiques. En outre, sa petite taille lui permet de se faufiler partout, notamment dans l'organisme de l'utilisateur. Pour tenter d'évaluer un peu mieux les risques pour la population et l'environnement, les experts de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) ont planché sur la question pendant 18 mois. Ayant recensé 246 produits contenant des nanoparticules sur le marché français, ils ont choisi de centrer leur évaluation des risques sur des exemples concrets.

Ainsi, concernant la silice, utilisée comme antiagglomérant dans certains produits alimentaires (sel, sucre, produits en poudre, bonbons...) et étiquetée E551, « en l'absence d'études toxicologiques spécifiques, le risque ne peut pas être évalué, il ne peut donc pas être exclu ». Le dioxyde de titane introduit dans certains cosmétiques (crèmes solaires notamment) peut, selon certaines études, passer la barrière cutanée. Avec quelles conséquences ? Là encore, on l'ignore. Même incertitude concernant l'exposition cutanée au nanoargent contenu dans les vêtements antibactériens, en particulier les chaussettes, dont l'utilisation représente une menace importante sur le plan environnemental. Si seulement 10 % de la population porte de telles chaussettes, ont calculé les scientifiques, ce sont 18 tonnes d'argent qui seront rejetées chaque année avec l'eau de lavage. De quoi entraver dangereusement le travail des micro-organismes utilisés dans les stations d'épuration. Sans parler de l'effet toxique sur la faune aquatique.

Accélérer la recherche !

L'Afsset prend cet exemple pour appeler à davantage de discernement vis-à-vis des nanomatériaux. Elle recommande « l'interdiction de certains usages pour lesquels l'utilité est faible par rapport aux dangers potentiels ». Autre recommandation : rendre obligatoire la traçabilité de ces matériaux, ainsi qu'un étiquetage spécifique. Martin Guespereau, directeur général de l'Afsset, a également insisté sur la nécessité impérieuse d'accélérer la recherche. « Aujourd'hui, seulement 2 % des recherches concernent les risques et 98 % les applications. Or, il y a urgence, la tâche est immense, a-t-il martelé. Les nanomatériaux sont d'une telle diversité et d'une telle complexité, la connaissance est aujourd'hui si parcellaire qu'il faudrait 50 ans pour parvenir à cerner leurs risques. La méthode actuelle d'évaluation des risques sanitaires est dépassée, nous nous proposons d'en imaginer une plus adaptée. » Pour cela, la collaboration entre les équipes de recherche au niveau international est nécessaire ; la bonne volonté des industriels l'est tout autant. « Leur comportement est déterminant : on a besoin d'industriels qui déclarent les quantités de nanomatériaux utilisées, qui fournissent leurs études de toxicité. Or, dans le secteur agroalimentaire en particulier, ils n'arrivent pas à franchir cette étape de la transparence », a regretté Martin Guespereau.

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