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Rachat d’électricité solaireLe ciel s’assombrit pour JPME et ses centaines de factures encore impayées

FP

par Fabrice Pouliquen

Ce fournisseur d’énergie s’est spécialisé dans l’achat et la valorisation des surplus d’électricité de particuliers équipés de panneaux photovoltaïques. Les offres étaient alléchantes. Mais de nombreux consommateurs reprochent à JPME d’avoir rarement honoré sa part du contrat. Résultat : des litiges à la pelle, des procédures judiciaires et même un carton rouge du médiateur de l’énergie.

Arnaud G., de Picardie, et Thierry L., habitant dans le Var, ont pour point commun d’avoir investi dans des panneaux photovoltaïques en 2023 et de les avoir installés eux-mêmes sans passer par un installateur reconnu garant de l’environnement (RGE). À la clé, de substantielles économies. Mais il y a une contrepartie : celle de ne plus être éligible à « l’obligation d’achat » (OA), cette aide au développement du photovoltaïque qui permet de vendre au moins le surplus de son électricité solaire – soit la part de sa production qui n’a pu être autoconsommée ‒ à EDF, via sa filiale EDF OA. En effet, celle-ci impose parmi les conditions d’éligibilité au dispositif d’avoir fait installer ses panneaux par un artisan RGE.

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Pas si grave, se disent Arnaud G. et Thierry L. Quelques acteurs privés proposent, eux aussi, d’acheter les surplus de production de particuliers dans le but, derrière, de revendre plus cher cette électricité sur les marchés ou via des contrats de fournitures avec des grands consommateurs (industries, grandes entreprises, etc.). Dans le lot, Actelios Solutions, lancée en 2009 d’abord sur la vente de panneaux solaires avant de se réorienter vers les activités de fournisseur d’électricité et d’achat d’électricité, via sa marque JPME (Je produis mon électricité).

Une offre très alléchante sur le papier

Et en 2023, son offre est plus qu’alléchante puisque ce fournisseur propose d’acheter le surplus de production de ses clients à 17,21 centimes d’euros le kWh. Du moins, la première année du contrat. « À l’époque, on était plus à 8 centimes chez la concurrence », compare Arnaud G. « EDF OA, pour sa part, achetait ce surplus 12 centimes d’euros », ajoute Joël Mercy, président du Groupement des particuliers producteurs d’électricité photovoltaïque (GPPEP).

Pour profiter de l’offre de JPME – et ça vaut aussi pour les autres acheteurs privés ‒, il faut tout de même s’acquitter d’un droit d’entrée. « Cela m’a coûté 690 € mais ce tarif englobait toutes les démarches pour faire passer le consuel [comité chargé d’attester la validité de l’installation photovoltaïque, ndlr] et obtenir l’autorisation d’injecter son électricité dans le réseau », reprend Arnaud G. Ce premier chèque ne décourage pas le Picard, pas plus que Thierry L., qui a, lui, payé 400 €, persuadés qu’ils s’y retrouveraient dans le temps, grâce à la vente de leur surplus d’électricité. Le premier signe donc un contrat avec JPME en juillet 2023, quelques mois plus tôt pour le second.

JPME mauvais payeur

Le surplus de leur production devait leur être réglé dans le mois qui suit chaque anniversaire de leur contrat, après que JPME a fait le décompte via les compteurs Linky. « En août 2024, je ne reçois aucun virement de JPME et aucune réponse à mes multiples relances, raconte Arnaud G. Il a fallu que je dégotte les numéros de téléphone portable des dirigeants et que je les prévienne du lancement d’une procédure judiciaire à leur encontre pour qu’ils réagissent. » En octobre, Arnaud G. finit par recevoir un virement de 245 €, « mais sans aucune facture associée ni autre document détaillant leurs calculs ». Il s’en accommodera, ses estimations ne tombant pas si loin, « à 15 € près ».

Arnaud G. est presque bien loti. En deux ans, Thierry L., lui, n’a jamais rien reçu de JPME. « Et pourtant, ils continuent, aujourd’hui encore, de récupérer ma production et de la valoriser sur mon dos », peste-t-il. Le Varois estime à 2 000 € la somme que doit lui régler ce fournisseur. Il aimerait mettre fin à cette mascarade en rompant une bonne fois pour toutes son contrat. « Mais je crains alors que JPME ne réponde encore moins à mes appels et messages et considère que je fais une croix sur l’argent qu’ils me doivent », reprend l’ancien électricien.

Leurs cas sont loin d’être isolés. Sur Trustpilot, site Internet qui recense des avis sur des entreprises, il y en a 793 concernant JPME, la très grande majorité très négatifs (note moyenne de 1,94/5). Publié fin mai, le rapport d’activité 2024 du médiateur national de l’énergie, l’instance chargée de recommander des solutions aux conflits entre les consommateurs et les opérateurs du secteur de l’énergie, égratigne aussi sérieusement ce fournisseur en lui adressant un carton rouge. Et pour cause, elle a reçu 188 saisines à son sujet l’an dernier et 250 encore sur les trois premiers mois de 2025. Les griefs sont toujours les mêmes : « défauts de paiement de l’électricité rachetée à ses clients » et « service clients particulièrement défaillant, voire inexistant ».

Amateurisme pur ?

De l’escroquerie ? Joël Mercy évoque plutôt un « amateurisme pur ». Les litiges ont éclaté en 2024, au moment du premier anniversaire des contrats signés en 2023 sur la base d’un tarif d’achat de 17,21 centimes d’euros le kWh. « L’afflux de production d’énergies renouvelables a entraîné une chute des prix de l’électricité aux heures, notamment, où les installations photovoltaïques produisent le plus, recontextualise le président du GPPEP. On en est arrivé à avoir des prix du kWh négatif. JPME n’a pas anticipé ce phénomène et s’est retrouvé à acheter très cher le surplus de production de ses clients qui ne valaient plus rien sur les marchés. » Par ailleurs, ce tarif alléchant de 17,12 cts d’euros a permis à JPME d’enregistrer un afflux de clients que le fournisseur n’a, là encore, pas anticipé. « Ils n’avaient même pas de logiciel de facturation, les factures étaient faites sur fichier Excel », illustre Joël Mercy.

Sophie Bressol, entrée à JPME en 2018 et devenue directrice générale en décembre dernier, reconnaît les erreurs et manquements de l’ancienne direction de l’entreprise révoquée en mai 2023. Depuis décembre, elle affirme s’employer à réparer les dégâts. JPME se réoriente désormais sur la fourniture d’électricité à destination des professionnels (b-to-b), « activité pour laquelle nous sommes rentables ». Quid des particuliers ? JPME ne prend plus de nouveaux clients sur son offre d’achat de surplus d’électricité solaire. En revanche, elle propose encore aujourd’hui son offre « e-batterie », une autre solution pour valoriser son surplus de production (lire encadré). « Mais nous ne faisons actuellement pas de communication autour », précise Sophie Bressol.

Encore 600 000 € de factures à rattraper

Tout de même, sur ses 7 000 clients, JPME en compte encore 3 100 qui lui sont liés par un contrat d’achat de surplus d’électricité et un millier d’autres sous un contrat e-batterie. Dans les deux cas, des particuliers attendent d’être payés de leur surplus d’électricité (e-surplus) ou de recevoir leurs remises sur factures (e-batterie). Combien précisément ? Sophie Bressol n’avait pas ce chiffre en tête lors de notre interview. « Depuis décembre, je m’attelle à régler les factures non honorées, assure-t-elle. En 6 mois, j’en ai émis 670 pour un montant de 276 000 €. »

Ces dernières semaines, sur la page Facebook qui les rassemble, plusieurs clients lésés annoncent avoir enfin reçu les premiers virements de JPME. Mais d’autres dossiers restent en souffrance et l’entreprise reste très difficilement joignable. Sophie Bressol dit avoir encore besoin de temps pour régler les factures encore impayées et dont le montant, au total, s’élèverait encore à 600 000 €. La nouvelle directrice se fixe l’objectif d’avoir rattrapé 90 % de ces retards d’ici fin 2025.

Faut-il y croire ? Quoi qu’il en soit, cette reprise en main de JPME arrive bien tard. Trop même, craint Joël Mercy. La réputation de ce fournisseur est en effet très écornée par les nombreux avis négatifs sur Internet. JPME est également visé par plusieurs procédures judiciaires, lancées par des collectifs de clients lésés avec l’aide du GPPEP. Une première décision de justice, dans une affaire jugée fin mai par le tribunal judiciaire de Montpellier, est attendue d’ici peu. En parallèle, en novembre dernier, le médiateur de l’énergie a saisi la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) d’une demande de retrait de l’autorisation d’achat pour revente d’électricité qu’elle avait donnée en septembre 2016 à Actelios Solutions. Le dossier est toujours en cours d’instruction, mais si la DGEC suit le médiateur, JPME ne pourrait plus exercer d’activités de fournisseur d’énergie. Son avenir s’assombrirait alors nettement.

JPME continue de surfer sur l’e-batterie

La batterie virtuelle est un concept en vogue de plus en plus proposé par les fournisseurs d’électricité aux particuliers équipés de panneaux photovoltaïques. Contrairement à la simple vente de son surplus d’électricité, opter pour une batterie virtuelle nécessite en premier lieu de prendre l’entreprise qui la propose comme fournisseur d’électricité. L’offre proposée est bien souvent – c’est le cas pour JPME ‒ identique et indexée au tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) encadré par les pouvoirs publics, sur le prix du kWh (20,16 cts d’euros) comme sur l’abonnement. La batterie virtuelle se remplit ensuite dans les moments où la production d’électricité par son installation photovoltaïque dépasse ses consommations. Ces kWh stockés sont restitués lorsque la situation s’inverse, typiquement l’hiver. « Sur cette électricité rendue, nos clients ne paient alors que les taxes et les tarifs d’acheminement, soit en ce moment environ 13 cts le kWh au lieu, donc, de 20,16 cts d’euros », indique JPME. Le bilan est dressé une fois par an, au moment de la facture de régulation, et accorde des remises en fonction de l’usage qui a été fait de la batterie virtuelle.

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Fabrice Pouliquen

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