Erwan Seznec
Sécurité sociale étudianteUn nouveau rapport cinglant
Après l'UFC-Que Choisir et la Cour des comptes en 2012, le Défenseur des droits épingle les nombreuses défaillances des mutuelles étudiantes dans un rapport publié en mai. Parmi ces dysfonctionnements, l’autorité constate une communication lacunaire et des étudiants parfois laissés sans aucune protection sociale.
Près de 1 500 affiliés ont répondu à l'appel à témoignages mis en ligne du 5 décembre 2014 au 5 février 2015 par le Défenseur des droits, autorité administrative indépendante présidée par Jacques Toubon. La tonalité générale des témoignages est démoralisante pour quiconque reste attaché à l'idée d'une Sécurité sociale étudiante. Suite aux critiques que l'UFC-Que Choisir et la Cour des comptes avaient formulées sur leur qualité de service il y a bientôt trois ans, les dix mutuelles régionales du réseau Emevia ainsi que la LMDE avaient défendu leur bilan. La LMDE, qui couvre la moitié des étudiants, avait invoqué des difficultés temporaires liées à une réorganisation interne. Les dysfonctionnements récents relevés par le Défenseur des droits mettent cet argument à bas. Ils confirment le jugement porté en 2012 par un dirigeant de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) : « Dans cette situation, on serait mort ». Difficile en effet d'imaginer les salariés soumis au même traitement que les étudiants.
Le Défenseur des droits pointe du doigt les multiples cas concrets inadmissibles : étudiant souffrant d'un cancer laissé pendant des mois sans remboursement, justificatifs égarés deux fois par la mutuelle, carte Vitale délivrée avec un an de retard, etc.
Quelques chiffres éloquents résument la gravité de la situation. Alors que 1,7 million d'étudiants devraient avoir une carte Vitale, le régime étudiant de sécurité sociale (RESS) annonce 2,5 millions de cartes actives, soit 47 % de cartes erronées ou de doublons... Côté qualité de service, « 50 % des démarches entreprises par les étudiants auprès des mutuelles resteraient sans réponse. En outre, lorsqu’une réponse est apportée, 77 % des étudiants indiquent que celle-ci l’est trop tardivement ». Pas de réponse 1 fois sur 2 et une réponse trop tardive 3 fois sur 4 : 1 étudiant sur 8 seulement a donc obtenu une réponse de sa mutuelle. On est très loin des 88 % de satisfaits que la LMDE revendiquait en 2012, sur la base d'une enquête qu'elle avait organisée elle-même. Il va sans dire que le traitement des cas particuliers, étudiants salariés ou étrangers, ne remonte pas la note globale de satisfaction.
Affiliation directe des étudiants à la Sécurité sociale
Préconisations du Défenseur des droits : « mettre en œuvre toute solution permettant d’améliorer les délais d’affiliation des étudiants à leur Sécurité sociale, permettre à l’ensemble des étudiants de disposer d’une carte Vitale utilisable dès leur affiliation à leur Sécurité sociale et améliorer de manière significative les délais de remboursement. » Autant de missions élémentaires que le régime étudiant n'arrive manifestement pas à assumer. Le bon sens commanderait de le supprimer, pour affilier directement les étudiants à la Sécurité sociale comme le réclame l’UFC-Que Choisir depuis 2012. On en prend le chemin, mais à petits pas. La veille de la publication du rapport se tenait une assemblée générale extraordinaire de la LMDE, placée sous sauvegarde judiciaire depuis début février. Il a été décidé que ses activités de gestion du régime obligatoire de Sécurité sociale lui seraient retirées pour être confiées à la Cnamts. Nonobstant, la LMDE va se perpétuer. La Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) a refusé de lui apporter sa caution financière, comme elle le faisait depuis plus d'une décennie. C'est Intériale, autre mutuelle de la fonction publique, qui lui apportera des garanties de solvabilité. En attendant l'improbable remise à plat complète du régime étudiant.