Les banalités bientôt taxées ?

Les appels sur portable vraiment importants sont si rares qu'ils pourraient facilement devenir gratuits sans compromettre l'équilibre économique des opérateurs. C'est du moins le constat dressé par une équipe mixte de sémioticiens et de mathématiciens de l'université de Paris-Sud Orsay. Travaillant à partir de conversations relevées dans les TGV ouest pendant 3 mois (conversations rendues totalement anonymes), ils sont arrivés à la conclusion que les appels « signifiants » représentaient à peine 3 % du temps total de conversation relevé.

Les indicateurs d'appels superflus sont, selon leur travaux, étonnamment faciles à repérer : surreprésentation des expressions « oui-oui », « t'es où, là ? », « écoute », « grave », « je sais pas trop », « il faut qu'on en rediscute », et énonciations répétées d'évidences, type « je suis dans le train », « on a été coupés », « oui, c'est ça, à la gare », etc.

Sachant que la voix représente déjà un volume minoritaire sur les réseaux (où transitent désormais surtout des données Internet et des SMS), les chercheurs estiment possible, en théorie, de proposer des forfaits gratuits ou extraordinairement bon marché aux particuliers qui vont à l'essentiel. En compensation, il suffirait de taxer d'une manière quasiment indolore (quelques centimes par mois) les appels sans intérêt. Ces derniers seraient identifiés par des robots d'analyse textuelle. De tels logiciels existent déjà et sont pratiquement opérationnels. Les agences d'information boursière anglo-saxonnes Reuters et Thomson Financial, par exemple, testent en ce moment des logiciels capables d'éliminer les informations secondaires dans une masse d'articles économiques et de retenir seulement les éléments importants pour en faire la synthèse.

En ce qui concerne la téléphonie, l'immense difficulté consiste bien sûr à concilier un dispositif financièrement intéressant pour les consommateurs avec le respect de la vie privée. On est toutefois encore loin des applications pratiques. Les chercheurs de Paris-Sud devraient présenter officiellement leurs travaux en juin prochain au Canada, à l'occasion d'un colloque international consacré à la modélisation informatique du langage (« Modelizing language : robotics as a new paradigm ? », Toronto, 16-19 juin, 7e congrès de l'International Semiologic Organization).