BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Interpellation de l’Arjel sur les jeux vidéo

Le pari gagnant de l’UFC-Que Choisir

Comme l’annonçait la semaine dernière l’UFC-Que Choisir dans sa communication consacrée aux dérives constatées dans l’univers des jeux vidéo, j’ai envoyé un courrier au Président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), Monsieur Charles COPPOLANI, pour, sinon l’alerter sur ces dérives, tout du moins lui soumettre notre analyse de la situation et lui faire part de notre souhait que la leur soit précisée.

Avant de revenir sur le fond du sujet, je me dois d’indiquer que ce courrier a fait l’objet d’une réponse qui me réjouit pour deux raisons.

En premier lieu sa célérité puisque l’UFC-Que Choisir l’a reçue dès le lendemain de sa communication. Je n’ai ainsi pas eu le temps de désespérer d’obtenir un retour, alors que mon expérience en tant que Président de l’UFC-Que Choisir, assez longue pour avoir envoyé au moins une centaine de plis à diverses autorités administratives indépendantes, avait fini par me résoudre à la patience contrainte. Chapeau !

En second lieu, et là est le principal, cette réponse de l’autorité administrative a un mérite majeur : ne pas être purement… administrative, puisqu’une action concrète est annoncée, en plus d’une réflexion sur le fond.

Tout d’abord donc, le fond. Il s’agit de considérer la nature des loot boxes, ou, en bon français, des coffres de butin. Ces coffres sont présents dans certains jeux vidéo et permettent aux joueurs de les acquérir (pour gagner des personnages plus performants par exemple) soit avec du faux argent gagné dans ces jeux, soit avec de l’argent n’étant pour le coup pas du tout virtuel.

Quant au contenu de ces coffres, mystère ou encore hasard… Hasard ? Si le hasard entre en ligne de compte dans un jeu, alors l’idée qu’il s’agit d’un jeu de hasard prend corps. Or les jeux de hasard sont en France soumis à une réglementation et sont régulés par l’Arjel. Cette régulation permet d’encadrer la pratique et impose notamment une information aux consommateurs sur « les règles du jeu ».

Nous considérons à l’UFC-Que Choisir que ces coffres de butin disposent généralement des caractéristiques du jeu d’argent. Si des discussions avec le régulateur ou encore le législateur sont nécessaires pour déterminer précisément les types de coffres de butin devant entrer dans le champ de la régulation, il est évident que le statu quo n’est pas admissible. C’est donc avec intérêt qu’au-delà de ces évolutions attendues je prendrai connaissance de la position de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) saisie par l’Arjel (là est son action concrète), sur les formes que doit prendre selon elle l’information délivrée aux consommateurs par les éditeurs de jeux vidéo s’ils devaient être qualifiés de jeux de hasard.

Je tiens toutefois à rappeler ici que pour l’UFC-Que Choisir le sujet dépasse la seule problématique des coffres à butin (qui peuvent initier certaines personnes, notamment les plus jeunes, aux vices du jeu) puisqu’il concerne plus largement les achats intégrés (qui eux introduisent le vice au jeu).

Les derniers cas relevés sur le marché des jeux vidéo l’attestent. Il s’agit pour les développeurs de rendre artificiellement difficile la progression à l’intérieur de ces jeux afin de pousser les joueurs, pour qui l’espoir de les finir devient nul sans achats supplémentaires, à acheter des contenus le leur redonnant. Cette désagréable invitation à faire passer les consommateurs à la caisse dans le jeu, même après y être passés pour l’acheter (jusqu’à 70 euros), constitue une pratique bien dommageable, infidèle à l’histoire des jeux vidéo.

S’il est peu probable que la loi puisse interdire cette pratique, les consommateurs pourraient toutefois agir pour qu’elle cesse en jouant leur plus beau rôle, auquel je suis fondamentalement attaché : celui de régulateur, en se détournant de ces jeux et en incitant ainsi leurs éditeurs à adopter à nouveau des pratiques plus vertueuses (un simple achat initial). Des initiatives de boycott sont même prises parfois, comme actuellement le cas pour le jeu FIFA 18, dont l’un des modes de jeu pousse à la consommation de caisse à butin. Mais encore faut-il pour cela que l’ensemble des joueurs soient en mesure d’agir en toutes connaissances de cause. Or aujourd’hui ils sont loin d’être tous avertis de la présence des achats intégrés et de leurs impacts sur la progression dans le jeu, et ignorent de toute façon quasi-systématiquement leurs coûts totaux. Ils doivent donc disposer d’une information claire sur le fait que des bâtons leurs seront mis dans les manettes afin de les pousser à la consommation.

Gageons, pour ne pas dire parions, que les évolutions législatives et réglementaires permettant toute la transparence sur la présence d’achats intégrés et leurs caractéristiques seront rapidement mises en place.

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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