Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
Alors que l’UFC-Que Choisir dénonçait le mois dernier la prolongation pour 3 ans de l’expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte portée dans une proposition de loi, l’examen du texte qui se déroule aujourd’hui au Sénat peut laisser entrevoir une issue favorable pour les consommateurs. Encore faut-il que les sénateurs résistent jusqu’au bout aux faux arguments portés par les promoteurs de cette mesure inflationniste.
Au cours des débats autour de la proposition de loi du député Descrozaille, l’UFC-Que Choisir n’a pas manqué de rappeler l’absurdité du relèvement du seuil de revente à perte qui impose depuis 2019 à la grande distribution de réaliser au moins 10 % de marge sur les produits alimentaires (SRP + 10). Nous avons dès le départ mis en évidence que cette mesure avait entraîné une hausse des prix (particulièrement sur les produits premiers prix) grevant le pouvoir d’achat des consommateurs de 800 millions d’euros par an. Pire, alors que cette hausse de revenus pour les distributeurs était censée « ruisseler » vers les agriculteurs pour mieux les rémunérer, la réalité du terrain a parlé : les agriculteurs n’ont jamais vu la couleur de l’argent.
Dans le contexte actuel, alors que le budget des ménages est lourdement impacté par l’inflation alimentaire, le SRP + 10 est plus que jamais une aberration. Si à l’Assemblée nationale les députés ont voté contre toute logique la prolongation de cette mesure jusqu’en 2026, je me réjouis que la raison ait pris le dessus lors de l’examen du texte en Commission des affaires économiques du Sénat, qui sous l’impulsion de la rapporteure du texte, la sénatrice Anne-Catherine Loisier, a voté un amendement suspendant l’application du SRP + 10 jusqu’en 2025. Si la suspension n’est pas la suppression, il s’agit néanmoins d’une réelle avancée.
L’UFC-Que Choisir soutient en conséquence sans réserve la suspension de l’application du SRP + 10. Mais les lobbys des industriels veillent au mauvais grain, et font feu de tout bois pour que lors de la discussion du texte en séance, qui a lieu aujourd’hui, les sénateurs réintroduisent la prolongation du SRP + 10. Pourquoi ? Car ils considèrent que l’argent engrangé par la grande distribution grâce aux marges élevées obligatoires favorise les négociations commerciales, et peuvent leur permettre de vendre plus cher leurs produits à la grande distribution.
On constate que cette rhétorique frôlant l’escroquerie intellectuelle (accompagnée du faux argument selon lequel le SRP + 10 n’a eu qu’un impact inflationniste mineur) se retrouve dans de nombreux amendements portés aussi bien par le gouvernement que par des sénateurs. Pire, les exposés des motifs de ces amendements visant à réintroduire la prolongation du SRP + 10 ont parfois une rédaction strictement identique, ce qui démontre qu’en réalité ces amendements sont le faux nez du lobby des industriels. Je rappelle aux sénateurs que si les négociations commerciales doivent bien entendu être mieux encadrées, le relèvement du SRP + 10 est un sujet qui n’a strictement rien à voir.
Alors que le gouvernement promeut l’idée d’un panier anti-inflation qui relève surtout de l’exercice de communication, les sénateurs ont l’occasion de démontrer qu’ils sont, eux, authentiquement attachés à préserver le pouvoir d’achat des consommateurs en s’opposant au principe d’imposer, par la loi, des marges aux distributeurs.
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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