
par Marie-Noëlle Delaby, Elsa Casalegno
par Marie-Noëlle Delaby, Elsa Casalegno
Provenance, terroir, qualité du fruité… Les mentions se multiplient sur les étiquettes des bouteilles d’huile d’olive. Comment faire la part du marketing dans toutes ces indications ? Et surtout, comment faire son choix en fonction de ses goûts, de son budget et de l’utilisation que l’on veut faire du produit ? Quelques éléments de réponse.
La mention de la provenance est obligatoire sur l’étiquette des huiles commercialisées dans l’Union européenne (UE). Elle indique à la fois l’origine des olives et le lieu de production de l’huile. Pour les huiles qui ne sont pas sous signe de qualité (AOP ou IGP), cela consiste en une simple référence à un pays ou à l’UE. Le consommateur n’est pas forcément mieux informé pour autant, car la plupart des produits proposés dans le commerce sont des mélanges d’huiles de diverses provenances (Espagne, Italie, Grèce, Tunisie…) reconnaissables à des mentions comme « huiles d’olive de l’Union européenne » ou même « assemblage d’huiles d’olives originaires de l’UE et non originaires de l’UE » (autant dire le monde entier !). L’indication d’un pays d’origine unique n’apporte pas de précisions sur la qualité, notamment lorsqu’il s’agit de très gros producteurs d’huile d’olive comme l’Espagne (qui approvisionne à elle seule environ 50 % du marché mondial), l’Italie ou la Tunisie, où tous les niveaux de qualité coexistent.
Toutefois, si l’on recherche une huile typée, le mieux est d’orienter son choix vers des produits bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une indication géographique protégée (IGP), qui garantit le lien entre le produit et son terroir, entendu au sens large (sol, climat, savoir-faire). On compte près d’une centaine d’appellations d’origine en Europe, dont 42 en Italie, 26 en Espagne et 9 en France. La mention d’une origine locale ou régionale leur est réservée.
Une vérification qui permet d’éviter les fausses huiles de terroir parfois vendues sur les marchés provençaux, les foires locales ou les stands de bord de route. Si l’origine France n’est pas clairement indiquée, il s’agit généralement de produits d’assemblage issus de l’UE que l’on trouve pour moitié moins cher en grandes surfaces.
→ Lire aussi : Huiles d’olive - Les AOP françaises
À l’échelle mondiale, 97 % de l'huile d’olive provient du bassin méditerranéen, où se trouvent les pays traditionnellement producteurs. À elle seule, l’UE – principalement l’Espagne, la Grèce et l’Italie – en fournit 70 %. Mais la culture de l’huile d’olive aussi s’est mondialisée, et des oliviers sont désormais cultivés aux États-Unis, dans une grande partie de l’Amérique du Sud et même en Australie et en Nouvelle-Zélande.
À noter que, du fait du réchauffement climatique, les volumes récoltés peuvent varier de façon conséquente d’une année à l’autre, et entraîner des baisses de qualité globale de l’huile d’olive.
Production en tonnes (prévisionnelle) | Évolution par rapport à la campagne 2023-2024 | |
---|---|---|
Production mondiale | 3 197 000 | -0,3 % |
Espagne | 1 289 900 | +51 % |
Grèce | 250 000 | +43 % |
Italie | 224 000 | -32 % |
Turquie | 450 000 | +109 % |
Maroc | 90 000 | -15 % |
Tunisie | 340 000 | +5 % |
Syrie | 105 000 | +31 % |
Portugal | 195 000 | +21 % |
Reste du monde | 431 600 | -14 % |
Les dénominations des différentes huiles d’olive sont strictement réglementées, sous l’égide du Conseil oléicole international.
De qualité supérieure, cette huile est obtenue par une première pression à froid, sans chauffage. De plus, elle doit répondre à des critères très stricts, conjuguant un test de dégustation par des experts agréés par le Comité oléicole international (COI) – une organisation intergouvernementale –, et des analyses physicochimiques irréprochables (par exemple, teneur en acide oléique). Le moindre défaut lui vaut de perdre le qualificatif « extra », et de se contenter du « vierge ».
Les procédés d’extraction de l’huile vierge sont uniquement mécaniques ou physiques, sans traitement chimique, et avec un éventuel chauffage doux. Elle est pure (non mélangée à d’autres huiles) et non raffinée. Elle peut être consommée en l’état, mais elle présente des défauts mineurs qui ne permettent pas de la classer en vierge extra.
L’huile présente trop de défauts (forte acidité, goût désagréable) qui la rendent impropre à la consommation. Elle ne peut être vendue, et doit être raffinée puis mélangée à de l’huile vierge pour être consommée. Elle est destinée aux industries du raffinage ou à des usages techniques.
Elle est obtenue par raffinage d’huiles d’olive vierges, via un processus industriel utilisant solvants, centrifugation, filtration, lavage et séchage à haute température. L’huile est ensuite mélangée avec de l’huile d’olive vierge ou vierge extra pour être commercialisée sous la dénomination « huile d’olive ».
Huile constituée par le coupage d’huile d’olive raffinée et d’huiles d’olive vierges propres à la consommation en l’état.
Elle est obtenue par traitement des grignons aux solvants ou d’autres procédés physiques. Elle se divise en 3 catégories : huile de grignons d’olive brute (destinée au raffinage), huile de grignons d’olive raffinée (obtenue par raffinage d’huile de grignons d’olive brute), et huile de grignons d’olive (constituée par le coupage d’huile d’olive raffinée et d’huiles d’olive vierges).
Les huiles d’olive portant le logo AB se multiplient dans les grandes surfaces. Mais attention, si la certification « agriculture biologique » garantit l’absence de traitement chimique des olives, donc a priori l’absence de résidus de pesticides, elle n’a pas d’impact sur la qualité gustative de l’huile, ni sur la présence des autres contaminants que nous recherchons lors de nos tests, à savoir les huiles minérales et certains plastifiants comme les phtalates.
Les méthodes de culture bio limitent drastiquement la présence de résidus de pesticides. Toutefois, les huiles d’olive conventionnelles affichent habituellement des taux de contamination par des résidus de pesticides assez bas par rapport aux autres cultures fruitières ou légumières.
Comme pour le vin, il faut apprendre à déguster les huiles d’olive afin d’apprécier pleinement leurs différences. Votre palais sera toujours votre meilleur guide, davantage que votre nez : une huile au parfum puissant ne sera pas forcément riche en goût, et inversement.
On classe le fruité d’une huile d’olive selon trois familles de goût. Le moment de la récolte influe sur le fruité des olives. On distingue ainsi les huiles de type « fruité vert » aux saveurs végétales (herbe, foin coupé, poivron, artichaut, tomate verte…), car elles proviennent d’olives récoltées presque vertes, alors que les huiles de type « fruité mûr » auront des saveurs plus douces. À ne pas confondre avec le « fruité noir », caractéristique de l’AOC Provence en « olives maturées ».
Le fruité vert caractérise les huiles issues d’olives récoltées quelques jours avant leur pleine maturité, quand leur couleur est « tournante » ou légèrement « purpurine », c’est-à-dire qu’elle passe du vert au mauve. Ce sont souvent les plus qualitatives, car les plus aromatiques et les plus riches en polyphénols. Au nez et en bouche, les sensations herbacées dominent. On peut y trouver des arômes d’artichaut, de poivron et de fruits verts. Ces huiles peuvent présenter de l’ardence ou de l’amertume, dues à la fraîcheur des olives au moment de la trituration (opération visant à extraire l’huile des olives).
Les huiles italiennes sont particulièrement réputées pour leur fruité vert, mais on en trouve également en France, en Andalousie ou dans le nord de la Catalogne.
Le fruité mûr s’obtient avec des olives récoltées à maturité et noires. L’huile a alors des saveurs plus douces (peu ardentes et peu amères) et rondes en bouche, avec des arômes d’amande, de fruits rouges ou jaunes, de tilleul ou des arômes floraux.
Les huiles espagnoles ou tunisiennes offrent majoritairement des fruités mûrs. En France, les huiles AOP de Nîmes et de Nyons également.
Le fruité noir, enfin, est élaboré selon une méthode ancestrale nécessitant un début de fermentation des olives dans des conditions contrôlées (oxygène, temps et température). Il en résulte une huile crémeuse, aux arômes particuliers de cacao, de champignons et de sous-bois, appréciée de certains amateurs. Néanmoins, toute trace de fermentation constituant, vis-à-vis de la réglementation européenne, un défaut organoleptique, ce type d’huile est classé « vierge » et non « vierge extra ».
Deux autres attributs contribuent positivement à la saveur d’une huile d’olive : l’amer et le piquant. Ce sont dans ce cas des qualités, contrairement à des goûts tels que le ranci, le moisi ou le chômé.
La mise en bouteille, et non l’année de récolte, détermine la date optimale de consommation.
Pour garantir un produit loyal jusqu’au bout de sa commercialisation, une huile d’olive vierge extra doit être d’une qualité irréprochable à son embouteillage afin de minimiser sa courbe du vieillissement. Elle doit aussi afficher une DDM (date de durabilité minimale, anciennement DLUO) raisonnable afin de limiter l’impact des altérations liées au stockage de ce produit fragile.
La DDM est obligatoire et indique la durée pendant laquelle l’huile doit conserver toutes ses qualités. Mais attention, fixée par les fabricants eux-mêmes, elle varie selon les marques d’un à deux ans à compter de la mise en bouteille. De plus, elle n’est pas calculée à partir de l’année de récolte mais de celle de la mise en bouteille. Or, beaucoup de produits de grande consommation mélangent des huiles de millésimes différents : on peut ainsi trouver une huile composée de 15 % de 2021, 30 % de 2022 et le reste en 2023, avec une date limite affichée en fonction de la date d’embouteillage ! Et dans les faits, les DDM les plus longues ne garantissent pas nécessairement des produits impeccables. Or, contrairement au vin, l’huile d’olive vieillit mal. Seule garantie pour le consommateur : l’indication de la date de récolte des olives, hélas rarement mentionnée sur les bouteilles et habituellement réservée aux huiles très haut de gamme. Dans tous les cas, mieux vaut consommer l’huile d’olive au cours de son année de production et dans les trois ou quatre mois après l’ouverture de la bouteille. Il faut aussi la conserver dans un endroit frais et sec, à l’abri de la lumière et de la chaleur, car elle est très sensible à l’oxydation et au rancissement qui en résulte. Pour le limiter, mieux vaut utiliser un huilier, par exemple en grès, dans lequel transvaser la quantité d’huile dont on a besoin pour manger ou cuisiner, et laisser la bouteille à l’abri dans un placard.
Suave ou fruitée, fraîche ou longue en bouche, d’une grande finesse ou d’une rusticité intense, la palette gustative des huiles d’olive est très riche. Il en va donc de l’huile d’olive comme du vin. Son marché est très segmenté, du tout-venant aux grands crus.
Grande favorite des consommateurs français, l’huile de catégorie vierge extra regroupe en principe le haut de gamme des huiles d’olive vierges, qui doivent obligatoirement être obtenues par procédé mécanique (pressage), sans traitement chimique ni chauffage susceptible d’altérer leur qualité. Mais pour décrocher le qualificatif « extra », elles doivent également répondre à des critères chimiques et sensoriels précis censés garantir « l’usage des meilleures olives et l’embouteillage des meilleures huiles ».
Dans cette catégorie reine, les écarts de qualité demeurent très grands. Ainsi, une huile de Toscane produite à quelques dizaines d’hectolitres sur un terroir d’exception ou une huile catalane primée dans de prestigieux concours internationaux peuvent dépasser les 50 €/l, quand le prix plancher des produits industriels démarre à 4 ou 5 €/l. Ces derniers ne sont pas nécessairement de mauvaise qualité, mais manquent généralement de caractère car ils résultent d’assemblages de plusieurs huiles provenant de régions (voire de pays) et de variétés différentes, afin d’obtenir une qualité et un goût acceptables du plus grand nombre mais uniformisé. Ils conviennent parfaitement pour la cuisson, car la plupart des arômes de l’huile sont détruits par la chaleur. Nul besoin, donc, de prendre une huile vierge extra pour cuisiner, une huile vierge (moins riche en goût mais tout aussi sûre d’un point de vue sanitaire) sera largement acceptable pour cet usage.
On a donc tout intérêt à avoir plusieurs huiles dans son placard, l’une, basique, pour la cuisine, et les autres, plus subtiles, que l’on appréciera pleinement sur des préparations crues.
Attention enfin, la mention « première pression à froid » sur une huile d’olive n’est plus autorisée. Non prévue par la réglementation, cette mention signifie en effet que l’huile est obtenue par un chauffage à moins de 27 °C qui n’altère pas ses qualités. Or c’est aujourd’hui un prérequis pour toutes les huiles d’olive vierges extra, ce qui rend cette mention obsolète. Autrefois, une deuxième pression avec de l’eau chaude était nécessaire pour extraire la totalité de l’huile. Grâce aux progrès techniques, elle n’est plus utile et cette mention est devenue un pur argument de vente, illicite. De même, la mention « récolte manuelle » n’est pas prévue par la réglementation.
Les huiles d’olive, à l’instar des huiles d’arachide et de tournesol oléique (variété particulière de tournesol), sont composées en majorité de lipides monoinsaturés, aussi appelés oméga 9. Ces acides gras, neutres pour l’organisme, procurent aux huiles une résistance aux hautes températures qui les rend stables à la cuisson, même en friture.
En revanche, l'huile d’olive n'est pas particulièrement riche en acides gras oméga 3. Néanmoins, elle reste recommandée par les autorités de santé, pour son effet positif sur la santé. Peut-être du fait de sa richesse en acide oléique (qui participerait à la régulation du cholestérol) et en antioxydants et plus particulièrement en polyphénols, tocophérols et vitamine E ? Cette réputation lui vaut d’être l’un des piliers du régime crétois (ou régime méditerranéen), lequel réduit le risque d’infarctus, d’AVC, de diabète de type 2 mais aussi de cancers, de maladies inflammatoires, etc.
Conséquence de l’engouement pour le régime crétois, la consommation d’huile d’olive en France est stable depuis les années 2000, après avoir triplé en 15 ans : environ 2 litres par habitant et par an. Elle est la quatrième huile la plus consommée derrière l’huile de tournesol, l’huile de colza et l’huile de palme (cette dernière étant présente dans les aliments transformés), et la seconde en termes d’achat en grande distribution, derrière le tournesol. Les foyers français achètent en moyenne 10 litres d’huile par an, toutes huiles confondues.
La production nationale, très modeste (0,16 % de la production mondiale), est largement inférieure à nos besoins. Sur ces vingt dernières années, elle n’a représenté que 4 % de la consommation hexagonale, largement dominée par l’Espagne – leader en conventionnel –, l’Italie et la Tunisie – leader dans l’huile d’olive bio. L’huile française se positionne essentiellement dans le marché haut de gamme, avec 30 % des volumes sous AOP, et des produits vendus autour de 25 € le litre.
Au sein de la catégorie des huiles d’olive vierges extra, préférées des Français (80 % de la consommation), l’huile d’olive bio est en progression et représente aujourd’hui 20 % du marché, avec des prix variant de 7 € le litre pour certaines huiles tunisiennes à 25 €/l pour des huiles AOP françaises !
Du côté des marques présentes en France, les leaders de l’huile d’olive vierge extra (hors bio) sont Puget, Carapelli, Terra Delyssa et Tramier. Mais devant ces marques bien identifiées du public, ce sont les marques de distributeurs (MDD) qui dominent les ventes en grandes surfaces, avec 39 % des parts de marché.
En bio, Carapelli, premier gros huilier à avoir proposé une gamme bio dans l’Hexagone, est toujours leader en parts de marché devant Puget, Soléou puis Tramier. Attention, malgré le nom à consonance française de certains de ces huiliers, leurs produits de milieu de gamme (à environ 20 €/l) ne contiennent pas d’huile française, sauf exception.
Marie-Noëlle Delaby
Elsa Casalegno
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