BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Le plan eau d’Emmanuel Macron

Une goutte d’eau dans le désert

Alors que 2 000 communes ont connu, cet été, des difficultés d’approvisionnement en eau potable dues à la sécheresse, nombreux étaient ceux qui, comme moi, attendaient avec impatience un véritable plan politique et stratégique pour préserver cette ressource vitale… Malheureusement, le grand plan jupitérien de 53 mesures, annoncé par Emmanuel MACRON fin mars, m’a laissé sur… ma soif d’ambition ! Le Président a multiplié les appels à la sobriété oubliant les plus grands soiffards… Retour sur les principales carences de ces annonces.

Deux gadgets tout d’abord : des récupérateurs d’eau de pluie dans les maisons ? La réutilisation des eaux usées par les collectivités ? Certes, cela permet de remplacer de l’eau potable par une eau moins chère car non traitée, mais cela ne diminue en rien les consommations globales en eau. Passons aux vieux principes jamais appliqués : la protection des sources d’eau potable vis-à-vis des pollutions agricoles grâce à l’agroécologie ? Une obligation qui date des années 90, renforcée en 2007 par le Grenelle de l’environnement mais qui n’a jamais été respectée, l’État ayant toujours eu peur de la résistance du lobby agricole. Une gouvernance de l’eau rénovée ? Depuis sa fondation dans les années 60, celle-ci a toujours soigneusement ménagé les intérêts des irrigants et ce ne sont pas les quelques strapontins qu’on promet aux ONG au sein du Comité National de l’Eau (une instance d’ailleurs sans le moindre pouvoir au niveau local) qui y changeront quoi que ce soit.

Mais ce sont surtout bel et bien les appels à la sobriété qui m’ont fait bondir : alors qu’on annonce pour les consommateurs une tarification incitative de l’eau au-delà d’un certain seuil de consommation, pour l’agriculture intensive, en revanche, pas la moindre mention du principe "préleveur-payeur". Aucun effort n’est demandé à l’irrigation qui siphonne pas moins de 80 % de l’eau disponible en été, notamment pour le maïs, une plante tropicale inadaptée à nos climats ! Pire, le Président annonce vouloir encore accélérer la construction des retenues d’eau (les fameuses bassines). Et pour mieux nous endormir – pour ne pas dire nous noyer – il nous promet pour demain une irrigation économe et une agriculture non polluante grâce à… 130 millions d’euros versés aux agriculteurs, soit à peine un pourcent des aides annuelles de la PAC ; une goutte d’eau ! On est loin d’une mobilisation à la hauteur de la nécessité d’un changement systémique de notre modèle agricole, réclamé par le Conseil économique, social et environnemental dans un avis pour une gestion durable de l’eau, largement voté (à l’exception, ça n’est pas surprenant, de la plupart des représentants agricoles) mardi dernier.

Alors que les hydrologues prévoient d’ici 2050 une baisse de nos ressources en eau de 30 % à 40 %, les consommateurs ne peuvent se satisfaire de mesurettes ou de promesses creuses. Ils exigent que l’impératif de la réduction de nos consommations soit équitablement réparti entre tous les acteurs, à commencer par la première consommatrice d’eau, l’agriculture intensive, qui doit véritablement être engagée dans un mode de production plus durable. C’est quand même un comble pour un plan eau, d’avoir une telle fuite… en avant.

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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