par Lucas Martin-Brodzicki
Fruits et légumesQuels sont les aliments les plus contaminés aux pesticides et ceux qui en contiennent le moins ?

Notre nourriture est contaminée par au moins 183 types de résidus de pesticides. Une pollution stable, mais dont l’effet cocktail – le mélange de ces produits – est peu documenté. Tous les aliments ne sont pas concernés au même niveau. On vous aide à y voir plus clair.
Interdit en France depuis 2020, l’acétamipride, un puissant pesticide néonicotinoïde, a failli faire son retour dans nos champs avec la controversée loi Duplomb. Malgré le maintien in extremis de son interdiction pour les agriculteurs français – après que le Conseil constitutionnel a partiellement censuré le texte contesté –, ce pesticide « tueurs d’abeilles » est encore présent dans de nombreux produits alimentaires importés, tels que les pêches et les noisettes. Et c’est loin d’être la seule substance potentiellement problématique pour la santé humaine à finir dans nos assiettes.
C’est quoi, le problème ?
Selon des analyses réalisées par les autorités françaises en 2020 et 2021 sur plus de 5 000 aliments, la nourriture que nous consommons en France est contaminée par au moins 183 types de résidus de pesticides. La présence de ces substances actives est globalement stable depuis une quinzaine d’années en France et en Europe, selon les données de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Dans son dernier rapport, en 2023, celle-ci révèle que 42 % des denrées alimentaires vendues dans l’Union européenne contiennent au moins un résidu de pesticide.
Chaque année, l’Efsa analyse des milliers d’échantillons prélevés sur des produits de consommation courante. Ses chiffres servent aux associations et aux scientifiques pour leurs études. « Depuis les années 2000, nous avons à peu près toujours la même proportion de fruits et légumes dans lesquels on va trouver des résidus de pesticides, et ce, dans des quantités réglementaires, c’est-à-dire ne dépassant pas les valeurs toxicologiques de référence (VTR) », affirme Laurence Payrastre, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).
Cette spécialiste des liens entre pesticides et santé redoute en revanche les dangers croissants et encore peu documentés de l’exposition à des cocktails de pesticides. Si la proportion globale d’aliments contaminés a peu évolué en 20 ans, le nombre d’échantillons contenant plusieurs substances actives a doublé. Aujourd’hui, 1 échantillon sur 4 est concerné, annonce l’association Générations futures.
« Dans un fruit ou un légume, il peut y avoir plusieurs pesticides. Par ailleurs, on consomme plusieurs fruits et légumes par jour, indique Laurence Payrastre. Est-on bien protégé avec les VTR actuelles, alors que ces valeurs sont établies substance par substance ? Notre équipe, Toxalim, essaie de répondre à cette question. »
Que faire ?
Si les leviers d’action restent avant tout politiques (voir plus bas), certains réflexes alimentaires peuvent aider à limiter les risques à l’échelle individuelle. La consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique reste le moyen le plus efficace de réduire l’exposition des consommatrices et consommateurs aux pesticides. « Si vous n’avez pas les moyens d’acheter du bio, préférez quand même manger des fruits et légumes à des aliments gras, salés ou sucrés, ou des produits ultra-transformés », insiste Laurence Payrastre. En effet, même si l’on retrouve surtout des pesticides dans les fruits et les légumes non transformés, « il ne faut pas éloigner les gens d’une alimentation riche en végétaux », plaide-t-elle. Dans ce cas, le lavage et l’épluchage permettent de réduire efficacement les niveaux des pesticides de contact.
Céleri, cerise, pêche, chou de Bruxelles…
Autre solution : sélectionner les produits en fonction de leur risque d’être contaminés. Par exemple, tous les céleris non bio testés contiennent au moins un résidu de pesticides. La fréquence de contamination du céleri est donc de 100 %, selon notre Observatoire des pesticides, conçu « pour aider les consommateurs à identifier les aliments pour lesquels le bénéfice individuel à passer au bio semble le plus important », et qui a répertorié 63 espèces végétales différentes contaminées par au moins un résidu de pesticide. Parmi les plus exposées, on retrouve aussi la cerise, le chou de Bruxelles, la pêche ou encore le pamplemousse. Pour ces produits, il vaut mieux privilégier le bio. À l’inverse, le topinambour, les graines de lin, le chou-fleur et la betterave sont rarement concernés par la présence de résidus de pesticides.
Il est aussi judicieux de se pencher sur la liste des produits non transformés et transformés avec plusieurs résidus différents, afin de se prémunir de l’effet cocktail. Selon le dernier rapport de l’Efsa, les produits non transformés avec le plus de résidus multiples sont les poivrons, les oranges, les fraises, les mandarines, les poires et les cerises. Pour les produits transformés, il s’agit des raisins secs, du vin rouge et de la farine de blé. Là encore, le bio est à privilégier.
L’urgence d’une action politique
« Si l’on mange moins de pesticides, on a moins de risques de développer des pathologies », souligne Laurence Payrastre. Pour éviter que les consommateurs portent seuls la charge mentale de leur alimentation, et parce que l’action individuelle n’a qu’une portée limitée, une action au niveau politique est nécessaire. « Cela fait assez longtemps que les scientifiques s’accordent à montrer que les pesticides sont des produits délétères pour la santé, chez le professionnel comme chez le consommateur », ajoute la spécialiste. Elle n’a pas été étonnée par la récente condamnation de l’État français par la Cour administrative d’appel de Paris : début septembre, la justice a ordonné à la France de revoir ses procédures d’autorisation de mise sur le marché des pesticides.
Une bonne nouvelle sur le front judiciaire qui doit être complétée par un travail à long terme avec les agriculteurs pour les accompagner vers une réduction des pesticides. C’est ce que font déjà des collectivités locales comme Eau du Grand Lyon.
Quels aliments non bio sont les plus fréquemment contaminés par les pesticides en France ? | |||
Céleri | 100 % | ||
Cerise | 100 % | ||
Pêche et nectarine | 100 % | ||
Chou de Bruxelles | 95 % | ||
Melon | 92 % | ||
Orange | 92 % | ||
Pamplemousse | 91 % | ||
Raisin | 88 % | ||
Persil | 88 % | ||
Poire | 85 % | ||
Quels aliments non bio sont les moins fréquemment contaminés par les pesticides en France ? | |||
Fréquence de contamination par un résidu | |||
Topinambour | 5 % | ||
Chou-fleur | 8 % | ||
Graine de lin | 9 % | ||
Betterave | 11 % | ||
Litchi | 15 % | ||
Maïs | 15 % | ||
Courge | 16 % | ||
Noix | 17 % | ||
Oignon | 20 % | ||
Kiwi | 20 % | ||
Quels aliments non bio contiennent le plus de résidus multiples (effet cocktail) en UE ? | |||
Nombre de résidus détectés dans certains échantillons | |||
Poire | Jusqu’à 14 résidus différents | ||
Orange | Jusqu’à 12 résidus différents | ||
Raisin de table | Jusqu’à 11 résidus différents | ||
Pomme | Jusqu’à 9 résidus différents | ||
Fraise | Jusqu’à 9 résidus différents | ||
Clémentine et mandarine | Jusqu’à 9 résidus différents | ||
Pêche et nectarine | Jusqu’à 9 résidus différents | ||
Poivron | Jusqu’à 9 résidus différents | ||
Laitue | Jusqu’à 8 résidus différents | ||
Tomate | Jusqu’à 7 résidus différents | ||
Source : Rapport 2023 de l’Union européenne sur les résidus de pesticides dans les denrées alimentaires (Efsa) : https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.2903/j.efsa.2025.9398 |
Cet article est issu de la série Label Vert, une collaboration entre Que Choisir et Vert, média indépendant d’actualité sur l’écologie. Chaque semaine, les journalistes de nos deux médias indépendants analysent des produits, décryptent des tendances et répondent de manière sourcée aux questions que vous vous posez sur la consommation. Le but : vous aider à faire des choix respectueux de votre santé et de l’environnement. Ce partenariat est 100% journalistique, il ne fait l’objet d’aucune contrepartie financière.
Lucas Martin-Brodzicki
Vert