ENQUÊTE
Budget auto

L’électrique, c’est du bonus !

La motorisation électrique peine à s’imposer en France. Pourtant, notre étude sur les coûts de possession (TCO), réalisée pour trois catégories de véhicules, montre qu’elle est moins chère à l’usage que les autres types de mécaniques. Cela grâce à deux facteurs principaux : des coûts d’entretien plus faibles et des dépenses sur le poste « carburant » bien inférieures. Ce constat est d’ailleurs valable pour un véhicule neuf comme pour une occasion jusqu’à 16 ans. Avec toutefois une réserve, car notre étude ne tient pas compte de l’éventuel remplacement des batteries, susceptible d’intervenir à partir de 10 ans d’ancienneté. Mais, globalement, l’électrique se révèle un investissement plus judicieux et permet aux automobilistes de réduire leur budget auto. Du moins, tant que cette motorisation bénéfice d’un bonus écologique, qui la rend plus abordable à l’achat et lui confère une dépréciation plus faible.

L’achat d’une voiture n’est que le premier acte d’une longue liste de dépenses. L’automobiliste devra ensuite mettre régulièrement la main à la poche pour assurer, entretenir et faire avancer son véhicule. Alors que la voiture électrique s’inscrit progressivement dans le paysage, nous avons voulu savoir si elle constituait une alternative financièrement assez crédible pour abandonner les modèles à moteur thermique.

Pour connaître la motorisation la moins chère à l’usage, nous avons donc mesuré le coût de possession global d’une voiture. Nous avons tenu compte de chaque poste de dépense et nous sommes appuyés sur le profil type d’un automobiliste (lire encadré "Comment nous avons procédé"). Premier enseignement : les frais liés à l’entretien d’un modèle électrique sont toujours moins élevés que ceux d’un véhicule thermique. Constat assez logique puisqu’un moteur électrique n’a pas besoin d’huile, ni de filtres, encore moins d’une boîte de vitesses ou d’un embrayage. Les interventions mécaniques sont donc limitées. L’usure d’une voiture électrique est par ailleurs moindre, car l’automobiliste adopte généralement une conduite plus souple, ce qui préserve la mécanique. En outre, la motorisation électrique dispose d’un système de récupération d’énergie au freinage, parfois réglable sur plusieurs niveaux. Ce dispositif, qui peut être utilisé pour ralentir le véhicule, voire le stopper, épargne les freins, qui voient donc leur durée de vie augmenter. En définitive, notre étude montre clairement que les frais d’entretien d’une voiture électrique sont nettement inférieurs à ceux d’une voiture à moteur thermique (lire encadré "Le duel des coûts d’usage"). Cet écart aurait même pu être encore plus important sans les frais supplémentaires supportés par les réparateurs. Un garagiste nous confie en effet que travailler sur une voiture électrique lui coûte plus cher, car elle requiert du matériel et une formation spécifiques, et les interventions sont parfois plus longues. Cela se traduit par un taux de main-d’œuvre élevé qui se répercute sur les factures.

La fiscalité, béquille de l’électrique

L’électrique revient aussi moins cher grâce à sa fiscalité très avantageuse. À l’achat, l’automobiliste profite d’un bonus écologique de 6 000 €. C’est grâce à lui qu’une Renault Zoé, vendue entre 23 200 et 28 600 € hors subvention, devient compétitive par rapport à une Clio, dont le prix va de 15 300 à 23 450 €. Et cette aide financière allège le coût total d’une voiture électrique au cours des quatre premières années. Une Volkswagen e-Up! aura coûté 11 767 € à son propriétaire s’il a bénéficié du bonus écologique et 18 187 € dans le cas contraire (l’écart est supérieur au montant du bonus, car il a une influence sur le financement et le niveau de dépréciation). Sans cette béquille financière, la petite Volkswagen serait la plus chère à l’usage de toutes les petites citadines évaluées. Autre avantage de l’électrique : l’électricité est nettement plus abordable que les carburants d’origine fossile. Selon nos mesures, une Renault Zoé consomme 20,3 kWh pour 100 km. Soit un coût inférieur à 3 € (à 0,1467 €/kWh). Imbattable ! En comparaison, une Renault Clio, dont la consommation moyenne est de 5,3 l/100 km, demande 8,10 € pour parcourir la même distance (prix moyen du SP95 : 1,53 €/l). Même avec le coût de l’abonnement à un fournisseur d’énergie, le budget « carburant » est presque divisé par deux sur une année d’utilisation entre la Zoé et la Clio avec respectivement 2 805 et 5 566 €. Cet écart est aussi dû à une fiscalité avanta­geuse pour l’électrique. En effet, dans un litre de SP95, les taxes atteignent 61,4 %, soit 0,94 € répartis comme suit : 0,12 € de TVA sur produit, 0,13 € de TVA sur TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) et 0,69 € de TICPE.

Des avantages fragiles

La voiture électrique profite donc de deux avantages financiers importants, qui la rendent compétitive à l’achat et à l’usage. Ces privilèges restent fragiles, bien que l’on n’imagine pas leur suppression à court terme. Pourtant, le scénario se profile depuis l’introduction, en 2011, de la TICPE, en remplacement de la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, qui ne pouvait s’appliquer qu’aux carburants d’origine fossile. Cela laisse en effet le champ libre au gouvernement pour instaurer une taxe sur l’électricité employée pour charger les batteries. D’autant que, grâce à un compteur communiquant comme le Linky qu’Enedis installe en ce moment, et à l’utilisation d’une prise de recharge spécifique, il est très facile de connaître la consommation électrique d’un véhicule. Sachant qu’en 2017 les taxes sur les carburants lui ont rapporté la coquette somme de 36 milliards d’euros, il semble logique que l’État soit tenté de renflouer ses caisses sur le dos des propriétaires de voitures électriques. Surtout si cette motorisation prend de l’ampleur dans le parc automobile au détriment des mécaniques traditionnelles, ce qui lui causerait un manque à gagner.

Des tarifs bientôt en baisse

Pour assurer un avenir pérenne à la voiture électrique, il faut que son prix de vente diminue. Ce dernier est lié à celui des batteries. Leur prix est en baisse constante depuis quelques années (il est passé de 600 € le kWh en 2010 à environ 200 € aujourd’hui), mais cela ne suffit pas. Le prix de vente d’une voiture électrique ne baissera qu’avec la fabrication à grande échelle, ce qui n’est pas le cas actuellement. Il faut dire qu’avec seulement 20 modèles disponibles dans les catalogues des constructeurs, contre plus de 16 000 variantes à moteur thermique, la voiture électrique est largement sous-représentée. Elle ne réalise que 1,16 % de part de marché sur les 8 premiers mois de 2018 selon le CCFA, le Comité des constructeurs français d’automobiles. Les industriels fabriquent à des cadences faibles, ce qui ne leur permet pas d’amortir leurs investissements et les obligent à vendre au prix fort. Il faudrait que la demande soit plus importante, afin qu’ils puissent produire plus, donc moins cher, et proposer des tarifs plus attractifs. La situation est cocasse : la voiture électrique est rare parce que la demande est faible. Mais la demande est faible parce que l’offre est rare ! Toutefois, il semble que nous soyons à l’aube d’une nouvelle ère : car plusieurs constructeurs ont annoncé le lancement de nouveaux modèles électriques à la fin de cette année et en 2019. Avec comme objectif de proposer des véhicules électriques à des prix compétitifs d’ici à 2020.

Le duel des coûts d’usage (en première main)

Victoire par K.-O. de l’électrique

Notre étude montre que la voiture électrique est globalement plus avantageuse à l’usage que les versions traditionnelles à moteur thermique et permet de réaliser des économies substantielles. Elles seront de 5 385 € pour la Volkswagen e-Up!, de 2 776 € pour la Renault Zoé et de 10 718 € pour la Nissan Leaf sur les quatre premières années de possession de la voiture (1re main). À chaque fois, outre le poste carburant, l’entretien joue un rôle déterminant dans ces économies. Il représente en effet 20,4 % de moins pour la citadine Zoé (1 046 €) que pour la Clio essence (1 314 €). L’écart atteint 14,7 % entre les compactes Leaf et Peugeot 308 diesel (1 336 contre 1 566 €). Il devient exceptionnel dans le segment des petites citadines, où il atteint 34,8 % : la e-Up! se contente de 826 €, alors que la Suzuki Swift hybride nécessite un budget annuel d’entretien de 1 267 € !

Une dépréciation moindre

Nous avons par ailleurs constaté que les voitures électriques prenaient également l’avantage sur la dépréciation, grâce au bonus écologique alloué à l’achat. Ainsi, en première main, lorsque la Swift perd 42,9 % de sa valeur (16 890 €), soit 7 253 €, la e-Up!, achetée 27 860 €, ne baisse que de 5 500 € (soit -19,7 %). Le schéma se reproduit pour les autres segments avec une très grosse différence entre la Nissan Leaf et la Peugeot 308 (8 820 € contre 15 498 € !). Il faut toutefois tempérer cet énorme écart car la française est un modèle diesel haut de gamme très puissant (180 ch), donc cher à l’achat et plus délicat à revendre sur le marché de l’occasion. Autre enseignement de notre étude : contrairement à ce qu’on pourrait croire, les tarifs d’assurance des modèles électriques ne sont pas plus avantageux. La Zoé est même plus chère à assurer que la Clio. Il faut compter 2 908 € par an pour l’électrique contre seulement 2 404 € pour le modèle essence. L’autre poste de dépense qui grève l’électrique est celui du coût de financement. Logique puisque la voiture est plus chère à l’achat, donc le coût du crédit associé est plus important.

Notre étude

Comment nous avons procédé

Nous avons calculé le coût de possession total de 9 véhicules (1) pour trois périodes : « 1re main » (de 0 à 4 ans, 15 000 km par an) ; « 2main » (de 5 à 9 ans, 12 000 km annuels) et « 3main » (de 10 à 16 ans, 10 000 km par an). Tarifs et simulations ont eu lieu en juin et juillet 2018.

Entretien. S’ajoutent aux révisions prévues, le changement des pneus, des plaquettes, des disques de frein, et le contrôle technique.
Assurance. Nous avons réalisé des devis en ligne et sélectionné le moins-disant pour deux profils types. Pour les petites citadines et les citadines, il s’agit d’un couple urbain de moins de 30 ans garant sa voiture dans la rue. Pour les compactes, c’est un couple périurbain (plus de 30 ans) avec deux enfants, habitant en maison avec garage. Les deux utilisent tous les jours leur voiture.
Achat. Il s’agit d’un achat à crédit avec un taux d’intérêt moyen de 5 %.
Taxe d’immatriculation/subvention d’achat. La grille du bonus/malus écologique en vigueur au 1er janvier 2018, ainsi que le prix moyen du cheval fiscal en France ont été employés.
Dépréciation. Nous utilisons les données d’un site spécialisé pour calculer la dépréciation des véhicules après 4 ans. Pour la 2e et la 3main, elle est basée sur une moyenne européenne vérifiée sur un échantillonnage de véhicules français. Pour les électriques, nous avons extrapolé les données, le marché de l’occasion étant trop faible.
Consommation. Nous avons utilisé les mesures de nos tests et les prix moyens des carburants (SP95 et gazole) relevés sur les 6 premiers mois de 2018. Pour les véhicules électriques, nous employons l’offre heures creuses/heures pleines, avec des recharges réalisées en heures creuses.
(1) - Petites citadines : Kia Picanto 1.0 67 ch BVM5, Suzuki Swift 1.0 Boosterjet Hybride SHVS, Volkswagen e-Up!.
- Citadines : Renault Clio TCe 120 Energy, Renault Zoé 41 kWh, Toyota Yaris Hybride 100 h.
- Compactes : Hyundai Ioniq Hybrid, Nissan Leaf 40 kWh, Peugeot 308 SW 2.0 BlueHDi 180 ch S&S EAT8 GT.

Voitures électriques

Encore mieux en occasion

Nous avons comparé le coût total de propriété des voitures électriques lorsqu’elles sont achetées neuves, puis en 2e et en 3main. Sans surprise, l’occasion revient moins cher. Mais attention, au bout d’une dizaine d’années, il faudra certainement changer la batterie.

Qu’elle soit électrique ou pas, l’achat d’une voiture neuve ne constitue pas un bon investissement, notre étude le confirme. La faute principalement à une très forte dépréciation en début de vie. D’ailleurs, un vendeur nous confiera ironiquement qu’un véhicule perd 20 % de sa valeur dès la porte du garage franchie. Ainsi, pendant la première période de possession (jusqu’à 4 ans), la voiture coûte au minimum 1,5 fois plus que pendant la troisième période (de 10 à 16 ans). Les voitures électriques profitent toutefois du fait que leur dépréciation est moindre les premières années, grâce à la subvention écologique (bonus de 6 000 €) allouée à l’achat.

Peu d’offres en occasion

Comme avec les thermiques, l’achat d’un véhicule électrique d’occasion per­met de bénéficier d’un prix plus intéressant. Mais, comme pour le neuf, l’électrique se retrouve sous-représenté. Par exemple, le site lacentrale.fr propose 301 839 annonces de voitures parmi lesquelles seulement 1 907 électriques, soit à peine plus de 0,6 %. Malgré ce choix extrêmement limité, il n’est pas rare de voir des annonces rester longtemps en ligne. La faute, certainement, au manque d’intérêt pour les électriques d’occasion. Le journal L’argus constate d’ailleurs un délai moyen de vente de 77 jours pour l’électrique contre 55 jours pour un diesel et 45 jours pour un modèle à essence. Cela constitue donc un atout intéressant pour l’acheteur, qui peut tenter de négocier le prix d’achat. Mais le gros avantage des modèles électriques d’occasion est qu’ils ont généralement parcouru beaucoup moins de kilomètres que leurs homo­logues à moteur thermique. Ainsi, on trouve facilement une Renault Zoé de 2013 qui affiche moins de 60 000 km au compteur, alors qu’une Renault Clio de la même année en aura avalé plus du double.

Attention aux batteries

Dans notre étude, nous n’avons pas tenu compte de l’éventuel remplacement des batteries. Or, celui-ci est susceptible d’intervenir après une dizaine d’années d’utilisation. En effet, comme celles de nos smartphones, les batteries des voitures électriques perdent petit à petit de leur capacité. On estime cette baisse à environ 15 % au bout de 5 ans (cela varie en fonction de l’usage et du nombre de cycles de charge/décharge). Or, si la capacité chute à 70 %, on considère que la batterie est trop faible pour assurer la propulsion électrique du véhicule. Un niveau critique serait donc atteint au bout de 10 ans et imposerait alors le remplacement des accus. Le coût serait compris entre 7 000 et 10 000 € selon leur taille. Donc, à moins d’avoir réussi une belle négociation, mieux vaut opter pour une occasion électrique récente pour s’assurer d’un budget de possession intéressant.

Au fil du temps

Voiture électrique et environnement

Notre étude est avant tout une « étude comparative » qui montre que le véhicule électrique peut devenir un choix économiquement intéressant selon l’usage, mais ne porte pas sur l’aspect environnemental de sa fabrication. Toutefois, les évolutions technologiques ont permis de réduire sensiblement l’impact de la production de ces véhicules, et notamment celui des batteries, sur l’environnement. Ainsi, deux études de l'Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), publiées en 2016 et fin 2017, révèlent que le véhicule électrique est désormais plus efficient dans ce domaine que les motorisations thermiques. L’Ademe spécifie qu’« en France, les émissions de gaz à effet de serre induites par la fabrication, l’usage et la fin de vie d’un véhicule électrique sont, actuellement, 2 à 3 fois inférieures à celles des véhicules essence et diesel ». Et ajoute : « une berline électrique émet en moyenne 2 fois moins de CO2 lors de sa fabrication (44 % de moins) qu’un véhicule diesel de la même gamme (26 Teq.CO2 contre 46 Teq.CO2) [tonne équivalent CO2, ndlr], une citadine électrique émet en moyenne 3 fois moins (63 %) de gaz à effet de serre qu’une citadine essence (12 Teq.CO2 contre 33 Teq.CO2). En 2030, l’empreinte du véhicule électrique pourra varier entre 8 et 14 Teq.CO2, en fonction notamment des choix énergétiques de la France ».

Précisons également que l’enjeu de la mobilité s’avère plus complexe que le simple affrontement thermique/électrique et qu’il n'existe pas une seule solution idéale pour répondre aux problématiques environnementales et sanitaires. Il est donc nécessaire de regarder la mobilité dans une approche plus générale. Cela passe par une politique publique globale sur l’urbanisation, la complémentarité des modes de transport, l'autopartage… et pas uniquement l'automobile.

Yves Martin

Yves Martin

Nicolas Mouchnino

Nicolas Mouchnino

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