Cyril Brosset
Starlink fait bouger les lignes
Et si Starlink permettait enfin aux habitants des zones blanches d’accéder à Internet très haut débit ? La firme américaine a beau révolutionner le marché, le déploiement de son offre n’en demeure pas moins problématique.
Afficher des pages web en un claquement de doigts, regarder des vidéos, télécharger rapidement des documents et même jouer en ligne, que l’on habite en pleine campagne, sur une montagne ou une île isolée. Telle est la promesse de Starlink, le service d’accès au réseau internet par satellite lancé, en 2021, aux États-Unis par le milliardaire américain Elon Musk et disponible en France depuis quelques mois.
Connecter les usagers à Internet via l’espace, l’idée n’est pas nouvelle. Des offres destinées au grand public existent depuis les années 1990. Hélas, jusque-là, nombre de clients du leader français Nordnet, de Numerisat et consorts se plaignaient de débits aléatoires, de coupures de connexion fréquentes et d’enveloppes mensuelles de data les obligeant à faire attention à leurs usages, sous peine d’attendre le mois suivant pour surfer.
De belles performances
Mais, grâce à Starlink, tout change. Pour commencer, fini les quotas ! Les clients peuvent profiter de leur connexion autant qu’ils le veulent, comme n’importe quelle personne ayant la fibre ou l’ADSL. Les performances non plus n’ont rien à voir avec celles des offres d’avant. Starlink annonce un débit descendant (vitesse à laquelle les données venant d’Internet arrivent sur l’ordinateur) entre 25 et 220 mégabits par seconde (Mbps). De fait, au cours de nos essais, les 100 Mbps ont régulièrement été dépassés. C’est moins qu’avec de la fibre optique, mais bien au-dessus de l’ADSL. Ce n’est pas tout : la latence, autrement dit le temps que met le système à répondre à une requête, est aussi nettement réduite. Toujours lors de nos tests, celle-ci s’établissait généralement autour de 60 millisecondes, soit 10 fois moins que celle de ses rivaux. De tels résultats permettent notamment de jouer en ligne. Cerise sur le gâteau, l’offre Starlink coûte 40 € par mois, soit plus ou moins le même prix qu’une offre fibre.
Ces très bonnes performances, Starlink les doit à sa technologie innovante. Alors que les autres opérateurs font transiter leur trafic par un satellite géostationnaire situé à 36 000 kilomètres au-dessus de nos têtes, la firme américaine exploite une myriade de petits satellites tournant autour de notre planète à seulement 500 kilomètres d’altitude. La distance avec le sol étant bien plus courte, le transfert des données s’effectue plus rapidement et la latence est plus faible.
Avantages et inconvénients
L’autre atout de Starlink ? La simplicité de sa procédure d’installation. Avec les offres proposées par la concurrence, l’intervention d’un technicien s’avère bien souvent nécessaire, afin de pointer correctement la parabole vers le satellite. Chez Starlink, l’étape la plus compliquée consiste à fixer l’antenne en hauteur (sur le toit de préférence) et à faire passer le câble fourni jusqu’au routeur posé à l’intérieur de l’habitation. Une fois ce travail effectué, il suffit de télécharger l’application dédiée sur son smartphone et de suivre les instructions. Le moment venu, l’antenne motorisée s’incline toute seule jusqu’à trouver la meilleure position possible. Cette phase de configuration nous a pris une vingtaine de minutes tout au plus, sans difficulté majeure. Quelques minutes plus tard, la connexion est établie et il ne reste plus qu’à relier ses appareils au réseau wifi de Starlink.
Des performances satisfaisantes, une technologie accessible, un prix correct… l’offre Starlink a tout pour plaire. Certains y voient même une solution viable pour couvrir les zones blanches. Un point d’autant plus crucial que le développement de la fibre a pris du retard. Alors que le gouvernement s’était fixé comme objectif de la généraliser sur l’ensemble du territoire d’ici à fin 2025, un Français sur cinq n’y est toujours pas éligible. Si l’on présente à une partie de ces oubliés une technologie alternative, telle que le câble ou le VDSL, 14 % d’entre eux ne bénéficient toujours pas d’une connexion filaire satisfaisante, selon l’Autorité de régulation des communications électroniques (l’Arcep). D’ailleurs, l’exécutif croit tellement en la technologie satellite qu’il a décidé d’accorder une aide financière à ceux qui souhaitent acheter une parabole.
Néanmoins, Starlink ou pas, le réseau satellite n’est pas sans défauts. D’abord, il faut disposer d’un endroit dégagé où positionner l’antenne et pouvoir faire courir un câble jusque dans le logement. Il convient aussi d’être prêt à se priver de certains services, en particulier ceux liés à la télévision (chaînes à gogo, replay, enregistrement…) que proposent la majorité des opérateurs filaires. L’autre souci ? Le partage de la bande passante : quand trop de personnes se connectent en même temps, le débit de chacun risque de s’en trouver affecté. Si avec Starlink, ces effets négatifs semblent pour l’heure limités, rien ne dit qu’il en ira de même lorsque le nombre de souscriptions augmentera. De plus, en choisissant cet opérateur, on accepte d’enrichir son fondateur, Elon Musk, qui a inventé la voiture électrique Tesla, envoyé des civils dans l’espace, racheté le réseau social Twitter devenu X et envisage de coloniser Mars. Considéré comme un génie par les uns, comme un danger par les autres, le fantasque homme d’affaires ne laisse pas indifférent.
Sans parler de la pollution que Starlink produit. La société aurait déjà déployé plus de 5 000 satellites dans l’espace et prévoirait d’en envoyer 12 000 à terme, voire plus. En effet, plus la constellation se densifiera, plus il y aura de pays couverts et plus Starlink aura la capacité d’accueillir des clients partout dans le monde. Certes, le fait que la fusée Falcon de SpaceX, la maison mère de Starlink, mette sur orbite plusieurs engins simultanément et qu’elle soit réutilisable limite son impact, et diminue les coûts. Cependant, chaque lancement est loin d’être sans conséquence sur l’environnement. En outre, la profusion de ces objets autour du globe perturbe l’observation des astres depuis la Terre, engendre des débris et accroît le risque de collision avec la station spatiale ISS et le téléscope Hubble, qui tournent dans des orbites proches. Si des systèmes sont prévus pour remédier à ces problèmes, ils ne sont pas infaillibles.
Chacun veut sa constellation
Enfin, passer par Starlink, c’est accepter que ses données transitent vers des serveurs américains sans que notre gouvernement ne puisse vraiment contrôler ce qu’elles deviennent. L’opérateur a, certes, reçu de l’Arcep l’autorisation d’exploiter des fréquences et il est censé respecter le droit français, mais qu’en est-il dans les faits ?
Face à la déferlante Starlink, les concurrents réagissent. Jeff Bezos, le patron d’Amazon, a commencé à expédier des satellites dans l’espace. Son projet, baptisé Kuiper, pourrait bientôt permettre au grand public d’accéder à Internet par satellite. Plusieurs États craignant pour leur souveraineté comptent en faire autant. L’Union européenne, quant à elle, a d’ores et déjà annoncé son ambition de créer sa propre constellation dans les années à venir. Starlink a lancé un mouvement dont personne ne sait encore où il s’arrêtera.
Comment fonctionne l’Internet par satellite ?
Alors que les opérateurs traditionnels utilisent un seul satellite situé à 36 000 km au-dessus de nos têtes, Starlink s’appuie sur une myriade de petits satellites en orbite à 500 km d’altitude. Mais le principe de base reste le même. Exemple avec une requête auprès d’un moteur de recherche.
Que propose Starlink ?
- Débits annoncés : entre 25 et 220 Mbps (descendant), de 5 à 20 Mbps (montant)
- Latence : 25 à 60 ms
- Abonnement : 40 €/mois
- Matériel : 450 € à l’achat ou 10 €/mois à la location
- Pas d’engagement, 30 jours d’essai gratuits. D’autres offres disponibles avec accès prioritaire ou mobilité.
Comparatif - Les autres offres du marché
Face à Starlink, les autres opérateurs réagissent. Présent depuis longtemps sur ce marché par le biais de sa filiale Nordnet, Orange a lancé, en novembre dernier, sa première offre d’accès à Internet par satellite sous son propre nom. Celle-ci passant par un satellite géostationnaire, sa latence est moins bonne que celle de Starlink. Mais le fournisseur promet de la data en illimité et des performances très correctes grâce à un satellite de dernière génération. De son côté, Nordnet a fait évoluer ses offres pour les rendre plus compétitives. Les autres sociétés restent sur des forfaits classiques. Toutes ces formules sont éligibles à une aide de l’État octroyée pour l’achat du matériel. Celle-ci s’élève à 150 ou 300 €, et peut grimper jusqu’à 600 € pour les foyers aux ressources modestes. Il faut dans tous les cas résider dans une zone mal desservie.
Nordnet
- Débits annoncés : jusqu’à 100 Mbps (descendant), jusqu’à 10 Mbps (montant)
- Prix : 39,90 €/mois
- Matériel : 299 € à l’achat (0 € avec l’aide de l’État) ou 8 €/mois à la location.
- Livraison : 15 €
- Pose : 299 € (facultatif)
- Sans engagement
- Frais d’activation : 35 €. Autres formules disponibles avec débits supérieurs et forfait mobile.
Numerisat
- Débits annoncés : jusqu’à 30 ou 50 Mbps (descendant), jusqu’à 2 Mbps (montant)
- Prix : de 12,90 € (10 Go) à 89,90/mois (100 Go)
- Matériel : 285 € (0 € avec l’aide de l’État)
- Sans engagement
- Frais de dossier : 50 €
Orange
- Débits annoncés : 200 Mbps max (descendant), 15 Mbps max (montant)
- Prix : 49,99 €/mois (1er mois offert)
- Matériel : 299 € à l’achat (0 € avec l’aide de l’État).
- Livraison : 15 €
- Pose : 299 € (facultatif)
- Engagement de 12 mois
- Frais d’activation : 35 €
SkyDSL
- Débits annoncés : jusqu’à 12 ou 40 Mbps (descendant), 1 ou 2 Mbps max (montant)
- Prix : de 16,90 € (15 Go) à 39,90 €/mois (illimité)
- Matériel : 285 € (0 € avec l’aide de l’État)
- Sans engagement
- Frais d’activation : 49,90 €