ACTION UFC-QUE CHOISIR
Alerte rouge sur le prix de l’électricité

Aux pouvoirs publics d’agir pour empêcher une explosion des factures de 10 %

Alors que les prix des énergies (gaz, carburants, fioul…) flambent ces derniers mois, l’UFC-Que Choisir alerte ce jour sur le risque d’explosion des prix de l’électricité début 2022. Cette sombre perspective n’est toutefois pas inéluctable, puisque les pouvoirs publics disposent de plusieurs leviers pour l’éviter. Soucieuse d’assurer aux consommateurs une juste tarification de l’électricité, l’UFC-Que Choisir demande donc une action résolue de l’exécutif pour augmenter sans délai le plafond de l’ARENH, et pour mettre fin à l’aberration fiscale que constitue la TVA sur les taxes énergétiques.

Une hausse du prix de l’électricité début 2022 pouvant atteindre 10 %

Sur la base de la méthodologie officielle de calcul du tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE), l’UFC-Que Choisir a procédé à une estimation de son évolution tarifaire qui devrait être annoncée en janvier 2022. Deux éléments principaux dicteront l’ampleur de cette évolution : le degré d’exposition du TRVE aux prix sur les marchés de gros, et le niveau de ces prix sur les marchés de gros d’ici à la fin de l’année (1).

Le degré d’exposition du TRVE au marché de gros dépendra des demandes d’ARENH (2) qui seront formulées par les fournisseurs concurrents d’EDF à la mi-novembre. Au regard du contexte actuel (3), tout porte à croire que la demande totale d’ARENH atteindra un volume record. En partant du postulat prudent qu’elle sera de 170 TWh, le plafond légal de 100 TWh sera largement dépassé, et les fournisseurs devront en conséquence davantage s’approvisionner sur les marchés de gros (4). La conséquence sera immédiate pour le TRVE, qui réplique cette contrainte d’écrêtement pesant sur les concurrents d’EDF (5) : les prix sur le marché de gros auront un impact sur 58,8 % du coût de la partie approvisionnement du TRVE (6).

Or, les prix sur les marchés de gros sont actuellement très élevés. En faisant l’hypothèse que d’ici à la fin de l’année ces prix s’établiront en moyenne à 100 €/MWh (7), l’UFC-Que Choisir estime que la hausse du TRVE au début de l’année 2022 atteindra 11,3 % HT (8), soit près de 10 % TTC. Du jamais vu ! Concrètement, cela représentera une augmentation moyenne de 150 € sur la facture annuelle d’électricité d’un ménage l’utilisant pour le chauffage… soit bien au-delà du coup de pouce de 100 € du chèque énergie (dont sont privés 80 % des ménages) censé répondre uniquement aux hausses déjà massives du gaz et des carburants. Au global, l’augmentation de la facture d’électricité depuis le 1er janvier 2019 sera alors de 25 %.

Une modification du plafond de l’ARENH atténuerait fortement la hausse

Cette explosion des factures d’électricité en 2022 n’est pourtant pas inéluctable. Nous l’avons évoqué, si la hausse que nous estimons est aussi massive, c’est que les règles de calcul du TRVE accordent une place plus prépondérante que jamais aux prix du marché de gros en raison de l’écrêtement des demandes d’ARENH, lui-même résultant du plafonnement de son volume à 100 TWh. Or, ce plafonnement à un niveau trop bas pour entièrement répondre aux demandes des alternatifs, dont la part de marché ne cesse de croître, découle de la seule volonté du gouvernement qui refuse obstinément d’augmenter ce plafond à 150 TWh comme l’y autorise pourtant depuis 2019 le code de l’énergie (9).

Pour pénalisante qu’elle soit pour les consommateurs, cette situation ne peut que satisfaire son grand bénéficiaire, EDF, qui peut vendre chèrement sur les marchés sa production électrique, et ainsi dégager des marges substantielles. Pourtant, rappelons que ce sont bien les consommateurs qui devraient bénéficier de la compétitivité de la production électronucléaire d’EDF (10). Si le gouvernement se décidait enfin à augmenter le plafond du volume d’ARENH à 150 TWh, ce bénéfice pour les consommateurs serait tangible, puisque cela réduirait considérablement l’augmentation du TRVE début 2022 : selon nos calculs, elle serait alors de 1,5 % TTC (11).

Une mobilisation de l’instrument fiscal rendrait davantage de pouvoir d’achat aux consommateurs

Le tiers de la facture d’électricité est constitué de taxes et contributions. La contribution tarifaire d’acheminement (CTA) qui finance les droits spécifiques relatifs à l’assurance vieillesse des personnels relevant du régime des industries électriques et gazières (2 % de la facture), la taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE) qui abonde les budgets généraux des communes et des départements (5 % de la facture), la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE (12)) qui est intégrée au budget de l’État (13 % de la facture) et enfin la TVA (13 % de la facture).

Si en complément du relèvement du plafond de l’ARENH le gouvernement pourrait parfaitement abaisser la TICFE pour alléger la facture des consommateurs, il devrait surtout mettre fin à une aberration fiscale : l’assujettissement de la CTA, de la TCFE et de la TICFE à la TVA. D’après les calculs de l’UFC-Que Choisir, cette sur-ponction fiscale, qui rapporte 1 milliard d’euros à l’État, coûte à un ménage chauffé à l’électricité 57 € par an. Plus largement, la fin de la TVA sur les taxes énergétiques permettrait également de faire baisser les factures de carburants, de gaz et de fioul domestique.

Soucieuse de préserver les consommateurs d’une hausse du prix de l’électricité aussi coûteuse
qu’injuste, l’UFC-Que Choisir appelle l’exécutif à :

  • Relever sans délai le plafond de l’ARENH à 150 TWh, pour faire primer le pouvoir d’achat des consommateurs sur les intérêts mercantiles d’EDF ;
  • Mettre fin à l’assujettissement des taxes et contributions pesant sur l’énergie à la TVA.

Pour appuyer cette dernière demande, l’UFC-Que Choisir appelle les consommateurs à signer une pétition « TVA sur les taxes énergétiques : halte à l’escalade fiscale » .


(1) Concernant les autres facteurs à prendre en compte, nous posons les hypothèses suivantes concernant leurs évolutions par rapport à leurs niveaux actuels : fin du rattrapage opéré depuis 2020 en raison d’une hausse retardée du TRVE en 2019, maintien des coûts de réseau, des coûts commerciaux et de la marge d’EDF, et diminution de 19 % de la capacité, sur la base des enchères ayant déjà eu lieu pour les livraisons en 2022.


(2) Il s’agit d’un mécanisme qui permet aux fournisseurs alternatifs d’acheter à un prix régulé (42 €/MWh) une quantité plafonnée d’électricité à EDF, au regard du monopole de fait sur la production nucléaire.


(3) En effet, au regard d’un contexte de prix de marché supérieurs à celui de l’ARENH et d’un redémarrage de l’économie entraînant une hausse de consommation d’électricité, la hausse massive de la part de marché des fournisseurs alternatifs sur le marché des professionnels entraînera mécaniquement une hausse des demandes d’ARENH


(4) Précisément, sur la base de nos hypothèses chaque fournisseur alternatif recevra une quantité d’ARENH 41,1 % inférieure à celle demandée.


(5) Voir l’étude de l’UFC-Que Choisir de mai 2021 expliquant le mécanisme de l’écrêtement et son impact sur la construction du TRVE : https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-prix-de-l-electricite-explosion-des-factures-la-necessite-d-une-nouvelle-regulation-en-toute-transparence-n91434/


(6) Hors capacité.


(7) Pour un produit Calendaire base pour livraison en 2022. L’hypothèse est prudente, puisque le prix relevé sur le marché le 16 septembre est de 101,10 €/MWh, et a même atteint le jour précédent 108,77 €/MWh.


(8) Notons la sensibilité de cette hausse selon le prix retenu sur le marché de gros. En prenant l’hypothèse d’un prix moyen de l’électricité sur le marché de 90 €/MWh, la hausse du TRVE serait alors de 8,6 % HT. Si le prix moyen devait s’établir à 110 €/MWh – ce qui est tout à fait envisageable compte tenu de l’actuelle dynamique haussière – la hausse du TRVE serait alors de 13,8 % HT. Indiquons également que si le niveau des prix d’ici à la fin de l’année aura un impact sur le coût du complément d’approvisionnement du TRVE hors écrêtement, il restera toutefois mesuré, puisque la Commission de régulation de l’énergie (CRE) prend en compte la moyenne des prix moyens sur 24 mois. En revanche, et c’est cela qui explique les écarts importants de hausse du TRVE selon le niveau de prix retenu, ce niveau aura un impact majeur sur le coût du complément d’approvisionnement en TRVE en lien avec l’écrêtement. En effet, pour calculer ce coût qui pèsera pour approximativement 29 % du coût total d’approvisionnement du TRVE (hors capacité), la CRE prendra uniquement en compte le prix moyen sur le marché de gros entre la date de notification aux fournisseurs des volumes ARENH accordés (probablement fin novembre 2021), et le 24 décembre 2021. Autrement dit, les prix de gros relevés sur le marché pendant quelques semaines à la fin de l’année 2021 affecteront la facture des consommateurs sur toute l’année 2022. Dès lors, ce choix méthodologique de la CRE ne manque pas d’interroger.


(9) Article L. 336-2 du code de l’énergie.


(10) La loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dispose en effet dès son premier article que le dispositif ARENH vise à « assurer la liberté de choix du fournisseur d’électricité tout en faisant bénéficier l’attractivité du territoire et l’ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc électro-nucléaire français ».


(11) Ou 1,9 €/MWh HT, toujours dans l’hypothèse de demandes d’ARENH atteignant 170 TWh et d’un prix de gros moyen de 100 €/MWh d’ici à la fin de l’année. Précisons qu’avec un déplafonnement de l’ARENH – qui n’est toutefois pas possible au regard du droit actuel – le TRVE baisserait de 1,3 % TTC.


(12) Également appelée CSPE.

Lire aussi

Soutenez-nous, rejoignez-nous

La force d'une association tient à ses adhérents ! Aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur votre soutien. Nous soutenir

image nous soutenir

Newsletter

Recevez gratuitement notre newsletter hebdomadaire ! Actus, tests, enquêtes réalisés par des experts. En savoir plus

image newsletter